Bien qu’exprimé avec prudence, le message véhiculé par les média est que l’Europe se situe à un tournant et que les politiques mises en place ont fini par porter leurs fruits. Cet optimisme est-il justifié ?
La relance de la zone euro est-elle là ?
Depuis ces deux derniers mois, les media ont focalisé sur le rebond de la zone euro où, au deuxième trimestre, le taux de croissance annualisé du PIB était de 1,1%. L’ambiance était tellement optimiste que la confirmation par le ministre des finances allemand, Wolfgang Schäuble, que la Grèce devait bénéficier d’une aide supplémentaire n’a pas eu de répercussions particulières. Même l’instabilité des marchés du fait de la Syrie n’a pas été relevée (le Dow Jones a baissé de 4,4% en août). Le mot « austérité » n’est que peu apparu. Il a toujours été utilisé de manière péjorative pour expliquer pourquoi certains pays avaient toujours des problèmes. Par exemple, on considère que c’est à cause de la politique d’austérité que le Portugal a dû annoncer en juillet que les termes du renflouement de 2011 devaient être renégociés.
Cet optimisme a trois origines:
a) Le PIB et les données connexes: début septembre, Eurostat a indiqué qu’en juillet les PIB (au 2ème trimestre) de la zone euro et de l’UE à 27 ont tous les deux augmenté respectivement de 0,3% et de 0,4%, que le prix des produits manufacturés a augmenté de 0,3% et que le volume du commerce de détail a augmenté de 0,1%.
b) le chômage : bien que la proportion de jeunes ait augmenté, le taux de chômage de la zone entière s’est monté à 12,1% en juillet.
c) L’activité commerciale. Selon les données fournies par Markit, le retour de la croissance en Europe est général, mais modeste. Les dépenses ont augmenté à la fois au niveau des consommateurs et au niveau de l’Etat. L’indice des directeurs d’achat de Markit s’établit à 51,5 en août alors qu’il était de 50,5 en juillet (50 est le niveau neutre indiquant qu’il n’y a pas de croissance). C’est l’indice le plus positif relevé par Markit en deux ans. L’activité allemande est la plus forte tandis que la France décline. L’Italie et l’Espagne ont atteint des sommets en deux ans.
Mais cela indique-t-il vraiment une relance ? Si cette relance avait une quelconque substance, il est certain que les marchés à terme de l’euro montreraient des signes d’une possible augmentation des taux de la BCE, ce qui n’est pas le cas. Une lecture plus prudente est que, après une telle chute des capacités d’utilisation en 2009, il y a eu naturellement une partie des liquidités injectées qui est allée dans l’industrie, provoquant des hausses marginales de production. A ce bas niveau de relance, la conséquence est la réutilisation des capacités inutilisées et ainsi le chômage n’a pas baissé.
Les banquiers centraux sont au fond du puits : que se passe-t-il ensuite?
Avec des taux d’intérêts proches de zéro et des banques centrales achetant des avoirs avec de l’argent nouvellement imprimé, les mots sont les armes les plus puissantes actuellement aux mains des banquiers centraux puisqu’il est admis par tous que d’autres baisses des taux d’intérêt ne feront que peu de choses. A contrario, la frousse estivale des marchés (voir la prochaine section) a indiqué que presque tous étaient conscients que couper le robinet du quantitative easing entraînerait l’éclatement des bulles et la chute des systèmes bancaires. Tout le monde se concentre maintenant sur la réunion de la Réserve fédérale le 17 septembre et sur les décisions qui seront prises pour savoir si, et dans le cas échéant comment, une réduction sera effectuée.
A présent la Fed achète tous les mois environ 85,5 milliards de dollars en bons du Trésor et en titres adossés à des créances hypothécaires. Ce montant semble devoir se réduire à hauteur de 75 milliards de dollars en diminuant les achats au Trésor puisqu’ils sont de plus court terme que les titres adossés à des créances hypothécaires. Réduire les bons du Trésors impacterait immédiatement l’extrémité de la courbe de rendement alors que maintenir les niveaux actuels d’achat des créances hypothécaires soutiendrait le marché du logement.
Banques et marchés
Durant l’été, les nouvelles se sont concentrées sur : la fuite des capitaux, les mouvements des taux de change et la suite de la quête d’un nouvel instrument pour sauver les banques.
Juillet et août ont été témoins d’une série de paniques et de liquidations. Les capitaux ont été rapatriés des marchés émergents les plus populaires puisque les investisseurs, cherchant le rendement, ont anticipé des augmentations de profits libellés en dollar lorsque l’affaiblissement de ces marchés commencera.
Plus généralement, la liquidation dans les marchés émergents a été à la fois forte et le reflet de l’instinct grégaire dans la mentalité des investisseurs. Les mouvements actuels des marchés des changes témoignent clairement des effets des liquidations. Par exemple, la lire turque a été durement touchée, de même que la roupie indienne (en baisse de 19% depuis mai 2013) et la roupie indonésienne (en baisse de 13% cette année).
Il y a une conséquence inquiétante pour ces régions : les entreprises trouvent que repayer ou refinancer les crédits est cher puisque la chute des monnaies locales augmente le coût de la dette des créances en monnaie étrangère. Les taux de couverture des marchés de change (la somme des réserves étrangères plus la balance des comptes courants par rapport à la dette extérieure à court terme) sont au plus bas depuis 7 ans pour les emprunteurs asiatiques ayant le meilleur rating, avec le taux de couverture de l’Inde baissant de plus de 6 à moins de 2 aujourd’hui.
Les recherches des profits par les investisseurs est incessante et, en conséquence, les pays en marge d’un soutien ouvert des grandes monnaies/blocs politiques tels que l’UE se sont renforcés. Les meilleurs exemples sont ceux du forint hongrois (qui a été l’objet d’attaques spéculatives en janvier) et de la couronne tchèque.
D’autres monnaies marginales essaient de surfer sur cette vague populaire. La banque centrale d’Ukraine contribue au marché actif en grivna contre le dollar américain. Début septembre, elle a publié des données selon lesquelles, comparé aux demandes de fournir 3,4 milliards de dollars dans les 7 premiers mois de 2012, la tendance s’est inversée pour la même période en 2013. La banque centrale a donc fait face à une demande d’échange de 1,8 milliard de dollars en grivna.
Une autre tendance estivale a été la diminution de l’attrait des placements obligataires. Comme les taux sont restés à des niveaux proches de zéro, les investisseurs ont perdu patience et ont préféré les actions aux obligations. Le plus grand fonds mondial d’obligations, PIMCO, a chuté de 14% depuis avril, une perte de 41 milliards de dollars due à des retraits d’investisseurs et des chutes de prix.
Les éventuels nouveaux instruments bancaires hybrides
Nous avons déjà parlé d’une bizarrerie que l’actuel contexte des banqueroutes a provoqué et cet été en a produit une autre. Les députés européens prennent conscience du soutien des media pour une nouvelle forme de dette des « contingent convertible » (CoCos) pour les banques appelée « Note de recours en action » (Equity Recourse Notes, ERN). Le principal objectif de cette proposition est d’aider les banques à se recapitaliser.
Une ERN est un instrument de dette dont le bon sera payé en cash en période stable, mais en période de stress (par exemple lors d’une chute de 25% de l’action de la banque par rapport à un niveau de départ fixé), le bon ERN serait obligatoirement converti en un paiement en actions.
Mais les partisans des ERN ignorent un aspect important du marché des actions : la propriété. Un droit fondamental de l’actionnariat est de détenir un vote dans toute proposition qui diluerait la propriété de l’actionnariat dans un business. Ce droit sera de fait annulé pour une banque émettant des ERN.
Prenons une banque dont les obligations inscrites au bilan comprennent 10% de capital (dont la moitié sont des actions pures), 40% de dépôts et 50% de dette. Si toute la dette était dans le format des ERN, avec un bon par exemple de 5% et que la période de stress ait lieu, les actionnaires seraient sévèrement affaiblit pendant une année. Si les bons d’une année devaient être payés en actions, alors 5% • 50%, ou 2,5% d’actions en plus seraient émises. Les actionnaires d’origine détenaient 100% des actions, représentant 5% du bilan. Avec 2,5% d’actions supplémentaires, ils seraient diminués du tiers.
En conséquence, la simple existence des ERN sur le marché détruirait le marché pour l’actionnariat classique des banques.
En outre, un mécanisme basé sur les mouvements du prix des actions est un mauvais indicateur de stress. Les prix des actions des banques britanniques ayant fait faillite sont à environ 10% du prix d’avant-crash, ignorant les renflouements en cash. Une variable de 25% sur la vitesse de sprint d’un escargot est une définition du stress dénué de sens.
L’histoire démontre, sans surprise, que lorsque les investisseurs ont des soucis concernant la solvabilité, ils veulent une option en liquidité et ne veulent pas être forcés de prendre des actions dans un business en faillite. Les ERN ne sont rien de plus que le dernier type d’emplâtre pour le problème de la faillite des banques.
2 commentaires
ce n'est pas ça le problème
Comment se fait-il que personne (sauf un reportage hier soir à la TV)n'ait encore pris les mesures pour récupérer les +/- 500 milliards d'évasion fiscale des multinationales? C'est plus difficile à réaliser que de récupérer 10% chez le pensionnés et d'augmenter la TVA? Certes,mais beaucoup plus efficace. Qu'on mette tous les CEO de Total, Fyffes, Nestlé,Monsanto, BP, Google Société Générale, etc…quelque part d'où ils ne sortiront que quand le problème sera résolu.
En même temps, qu'on impose aux banques de cesser de spéculer avec l'argent des clients en leur payant 1% sur leurs dépôts pour ensuite placer cet argent à x% (spéculaitif) et si on le perd
(Fortis..Dexia etc) … l'Etat cad nous tous, on renfloue en augmentant encore la dette.
C'est tellement simple…mais pour ça, il faut aussi des politiciens intègres qui ne voteront pas contre ces lois pour 100.000$. Et ça c'est peut-être le plus difficile à trouver…
….de la Grèce
Il ne faut pas oublier qu'il n'incombe seulement aux contribuables des pays contributeurs nets comme la France de payer 8 milliards d'euros de différence entre notre contribution à l'UE et le retour en subventions diverses y compris la PAC!!!
Sans compter les autre "frais annexes" d'environ 30 milliards!