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Pour la liberté d’entreprendre, même dans la presse !

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La profession de distributeur de presse est réglementée par la loi Bichet de 1947. Alors qu’elle montre ses limites évidentes, le « Conseil Supérieur » inévitablement créé pour gérer ce secteur propose un plan qui met en danger la presse elle-même. L’Etat s’en mêle et semble vouloir valider ce plan. Mais pourquoi ne pas rendre ce secteur à la loi du marché ? Qu’a-t-il de particulier qui justifie un cadre spécial ?
La loi Bichet doit être abrogée dans son ensemble et la distribution de la presse, ainsi que l’édition, rendues aux mécanismes de marché. Les lecteurs décideront alors quelles publications ils souhaitent soutenir. Au lieu de ça, la construction administrative, sous couvert de buts vertueux, est d’une telle complexité qu’elle ne parvient pas à maintenir le secteur à flots. La liberté de la presse doit s’accompagner de la liberté d’entreprendre. Pourquoi l’une serait-elle plus nuisible que l’autre ?

La loi Bichet ou le règne de la gestion administrative

Le législateur a jugé bon de réglementer le secteur de la distribution de la presse. Si l’article premier de la loi dite « bichet » précise que la diffusion de la presse imprimée est libre, c’est pour mieux la contraindre ensuite. Cette distribution ne peut être assurée que par des sociétés coopératives de messagerie de presse. Le capital de ces sociétés doit être souscrit par des personnes physiques ou morales propriétaires des journaux ou périodiques. Déjà, le mélange des métiers et le non partage des risques créent des facteurs de gestion risqués.
Les barèmes des tarifs de ces sociétés sont soumis à leur assemblée générale « dans le respect des principes de solidarité entre coopératives et de préservation des équilibres économiques du système collectif. Ces principes permettent d’assurer l’égalité des éditeurs face au système de distribution grâce à une gestion démocratique ». Encore une fois, le législateur tend à confondre plusieurs buts : que vient faire la démocratie ici ?
Puis ces tarifs doivent être transmis au président du Conseil supérieur des messageries de presse et à l’Autorité de régulation de la distribution de la presse pour validation (dans un délai de 6 semaines).
La comptabilité est contrôlée par le secrétariat permanent du Conseil supérieur. « Les résultats de ces vérifications seront communiqués au ministre chargé de la communication et au Conseil supérieur des messageries de presse ».
La loi ensuite précise qui siège à ces conseils et autorité : professionnels, représentants de l’Etat, de la justice, du personnel, etc. Ils sont à la charge des sociétés coopératives. La loi précise aussi comment répartir les recettes : les coopératives doivent reverser 25% de leurs excédents nets à leurs propriétaires.
Le Conseil supérieur des messageries de presse régit la quasi-totalité du secteur. Il fixe « les conditions d’assortiment et de plafonnement des quantités servies aux points de vente », il homologue les contrats de distribution, exerce le contrôle comptable des sociétés coopératives, etc. Sous sa délégation, une commission spécialisée décide de l’implantation des points de vente de presse, des nominations et des mutations de dépositaires centraux de presse avec ou sans modification de la zone de desserte. Il « dispose d’un droit d’opposition sur les décisions des sociétés coopératives de messageries de presse susceptibles d’altérer le caractère coopératif ou de compromettre l’équilibre financier du système collectif de distribution de la presse ». Enfin, « si le bon fonctionnement de la distribution de la presse le justifie, détermine les conditions de la mise en commun de moyens par les messageries, au besoin en créant une société commune ».

La gestion administrative ne marche pas

C’est dans ce cadre que les difficultés financières rencontrées par la coopérative la plus importante, Presstalis, peuvent avoir des conséquences sur l’ensemble de la filière, y compris les éditeurs, puisque des liens coopératifs ont été imposés. Déjà sauvée en 2012 et recapitalisée par les éditeurs, dont les plus petits, les publications indépendantes et l’Etat à hauteur de 250 millions d’euros, Presstalis avait été restructurée dans la foulée, en 2013. Mais ça n’aura pas suffi. Presstalis aurait besoin de 190 millions d’euros. Cette somme serait apportée par une « contribution exceptionnelle » de 2,25% sur les recettes en point de vente des éditeurs membre de Presstalis et ce jusqu’en 2022. Une autre partie serait prêtée par l’Etat directement (90 millions d’euros). Ce plan a été évidemment monté par le Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP), le même conseil qui régit entièrement le secteur et qui s’est montré incapable d’éviter cette crise. Mais est-il possible de régir une économie par décret ? L’exemple présent est parlant et milite pour une redistribution des parts de marché vers les acteurs sachant gérer leurs affaires. Il n’existe qu’une seule messagerie importante qui fasse concurrence (MLP) et elle se targue d’être bénéficiaire. Elle devra pourtant aussi participer au plan si celui-ci est adopté. L’Etat aurait validé ce plan qui s’apparente plus à une spoliation qu’à un acte de justice. La responsabilité collective du secteur et la liberté de la presse ont bon dos. Pourquoi faudrait-il que la presse et l’édition soient administrées par l’Etat ? A la fin c’est toujours le contribuable qui paye, et pourquoi faudrait-il qu’il paye pour des journaux qu’il ne veut pas lire ? Il paye d’ailleurs déjà beaucoup au titre des subventions (700 millions d’euros en 2014) accordées indûment aux journaux. L’Humanité, par exemple, s’était vu remettre une dette de quatre millions d’euros par l’Assemblée nationale en 2013. L’affaire Presstalis devrait être l’occasion de normaliser un secteur qui n’a pas de raison d’évoluer hors marché. C’est d’ailleurs ce que propose Michèle Benbunam qui vient d’arriver à la tête de Presstalis. Tous les acteurs de qualité y gagneraient. C’est étonnamment via le site du CSMP que l’on peut s’en convaincre. En effet, il est donné de nombreuses informations sur les marchés étrangers de la distribution de presse. Au Royaume-Uni, aucune loi particulière ne s’applique aux acteurs de la presse. Ceux-ci s’accordent librement sur leurs moyens de distirbution. Il y avait 55 000 points de vente en 2008 contre 23 000 en France. Il n’existe pas de conseil supérieur ni d’obligation autour de coopératives de distributeurs. Il existe de nombreux distributeurs nationaux. En Allemagne, il en est de même. Les distributeurs sont soit indépendants soit la propriété des éditeurs. Il y a plus de 100 000 points de vente (en 2012). Ces modes de distribution ne semblent pas nuire aux éditeurs. La diffusion de leurs journaux est meilleure qu’en France.

Les 5 tirages les plus importants par pays et par jour
France Royaume-Uni Allemagne
Titres Nombre Titres Nombre Titres Nombre
Ouest-France 676000 Sun 1480000 Bild (+Fussball Bild) 1601564
Le Figaro 307000 Daily Mail 1394000 Süddeutsche Zeitung 294778
Le Monde 284000 Daily Mirror 582000 Frankfurter Allgemeine 210606
Sud-Ouest 239000 Times 446000 Die Welt Gesamt 90631
L’Equipe 234000 Daily Telegraph 393000 Handelsblatt 86286
Source : Newswork, ABC, ACPM, Meedia

La liberté d’entreprendre, c’est risquer de réussir mais aussi de perdre. Et dans un cas comme dans l’autre, l’Etat n’a pas à s’en mêler. Les français gagneraient à ce que le législateur se départisse de cette méfiance profonde qu’il a toujours de l’activité privée.

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