Question qui ne se pose pas seulement en France, où le système judiciaire est en général critiqué, notamment pour ses lenteurs, mais dans l’ensemble des pays européens. Une étude économétrique rigoureuse commandée par l’IREF au professeur Stefan Voigt et Nora El Bialy (Université de Hambourg) aboutit à des conclusions dont nos gouvernants devraient tenir compte.
De nombreuses études permettent d’identifier les déterminants de la performance judiciaire dans un pays donné. Si elles détaillent les performances des juges ou des cours de justice, elles n’évaluent pas l’efficacité judiciaire dans son ensemble. C’est néanmoins le sujet que Stefan Voigt et Nora El Bialy tentent d’explorer dans l’étude ( Identifying the Determinants of Judicial Performance: Taxpayers’ Money Well Spent ) qu’ils ont faite pour l’IREF. Pour cela, les auteurs s’appuient sur la base de données de la CEPEJ (Commission européenne pour l’efficacité de la justice) qui contient des informations précises sur les 47 systèmes judiciaires des pays membres du Conseil de l’Europe. Vue l’étendue des données, les auteurs ont construit un modèle économétrique afin d’isoler les facteurs déterminants de la performance judiciaire en Europe.
Les auteurs fondent leur analyse sur deux définitions distinctes de l’efficacité judiciaire. La première, subjective, repose sur la perception de l’efficacité du système par l’intermédiaire des enquêtes d’opinion. La seconde, quantitative, s’appuie sur la proportion des cas résolus par rapport au nombre total de dossiers. Partant de ce constat, on peut regrouper en trois catégories les variables qui servent à établir le modèle et influencent la performance judiciaire globale : 1) des facteurs structurels et historiques, 2) l’organisation du système judiciaire, et, 3) les incitations des juges.
De nombreuses variables sont prises en compte et détaillées dans l’étude par les auteurs. Et une fois passé le tamis du modèle économétrique, on obtient des résultats qui devraient inspirer bon nombre d’hommes politiques, toujours prompt à dépenser plus, sans se soucier d’une quelconque efficacité. L’étude de Voigt et Bialy souligne trois points essentiels :
– Un haut degré de formalisme procédural n’a pas nécessairement un impact négatif sur l’efficacité judiciaire. La culture et l’histoire du système judiciaire sont des facteurs pertinents d’analyse ;
– Des hauts niveaux de salaires chez les juges ne sont pas synonymes de performance ;
– Enfin, et c’est le point le plus contre-intuitif de l’étude : une dotation budgétaire importante n’améliore pas l’efficacité du système judiciare. Au contraire, les auteurs concluent qu’il existe une relation inversement proportionnelle entre le taux de résolution des dossiers et le budget des cours de première instance.
À l’heure où les budgets sont de plus en plus serrés en Europe, il semble que le manque de ressources n’est plus une excuse valable pour avoir une justice inefficace. Faire mieux avec moins, c’est possible. Les recettes toutes faites pour améliorer l’efficacité n’existent pas mais il ne faut plus s’appuyer sur des solutions qui sont parfois contre-productive (augmentation des salaires, des budgets, etc.). Cette question reste largement ouverte. Cependant, cette étude introduit une nouvelle façon de voir les choses et ses conclusions devraient finir entre toutes les mains des ministres de la justice. Lire l’étude.