En 2020, avec 5% de part mondiale, notre pays s’enorgueillissait d’être le quatrième exportateur de services au monde, derrière les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne, mais devant la Chine. Dans le même temps, et à cause de sa désindustrialisation à l’œuvre depuis les années quatre-vingt, la part de la France dans les exportations de biens plafonnait à 2,8%.
Minées par les déficits jumeaux, avec un déficit public attendu à 5% en 2022 et un déficit de la balance commerciale de 84,7 Mds€ en 2021, l’Hexagone peut toutefois compter sur les services pour rééquilibrer un tant soit peu la balance des transactions courantes.
Pour rappel, la balance des paiements, qui mesure l’ensemble des flux financiers d’un pays vers le reste du monde, se compose notamment de la balance des transactions courantes, elle-même composé de la balance commerciale et de la balance des invisibles, qui effectuent la même mesure pour les biens et les services ainsi que de la balance des revenus primaires et secondaires qui appréhende les revenus des investissements directs à l’étranger des entreprises françaises ou le montant des aides et de l’argent privé envoyé à l’étranger.
Le poids croissant des services dans les échanges français
Car en ce qui concerne les biens, la balance est négative : 585 milliards d’euros pour les importations, 500,9 milliards d’euros pour les exportations. En revanche, les exportations de services ont augmenté, entre 2000 et 2018 (avant la crise), de 137% en valeur, contre seulement 63% pour les biens. Les importations croissent également pendant la même période, de 148% pour les services contre 78% pour les biens. De 24% en 2000, la part du tertiaire dans les échanges commerciaux est montée à 30% en 2018. Il s’agit d’un niveau élevé comparé à celui de nos concurrents européens, qu’il s’agisse de l’Allemagne (21%) ou de l’Espagne (26%), le Royaume-Uni mis à part (38%).
Le solde des services, historiquement excédentaire, a progressé pendant la même période, de 13,1 à 23,8 Mds€, alors même que celui des biens s’effondrait, son déficit passant de 3,5 Mds€ à 58,9 Mds€ en 2018.
L’année dernière, ainsi que l’expose le ministère du Commerce extérieur, le déficit des biens s’est établi 84,7 Mds€ et s’est trouvé atténué par l’excédent des services (36,2 Mds€) ainsi que celui des revenus primaires et secondaires (10,9 Mds€). Au total, le déficit de la balance courante de notre pays s’élève donc à 23,2 Mds€.
La dynamique de l’économie française, en ce qui concerne les exportations de services, se rapproche de celle des pays du nord de l’Europe, Allemagne et Royaume-Uni, distançant par exemple l’Espagne ou l’Italie, ainsi que le montre le graphique suivant construit par la Direction générale du Trésor :
Avant la crise de 2008, l’excédent français de la balance des invisibles s’était stabilisé à 25 Mds€, grâce notamment aux services de transports, de voyages et à la catégorie « autres services aux entreprises », qui regroupe la recherche et développement (R&D), les fonctions support hors services informatiques, ainsi que divers services des professions intellectuelles supérieures (activités de conseil, architecture, publicité, communication).
Après le coup d’arrêt lié à cette crise financière (le recul de -17,5% de l’exportation des biens ayant été toutefois plus marqué que celui des services, -7,7%), le rebond des années 2010 a porté l’excédent commercial du secteur tertiaire à 30 Mds€. À partir de 2016 toutefois, la régression des exportations des secteurs des transports et des voyages, due à la baisse de la fréquentation touristique provoquée par les attentats terroristes, a conduit à un ralentissement du taux de croissance moyenne des échanges de 8,6 à 3%.
Structure de la balance des invisibles
Les forces du secteur tertiaire se trouvent donc dans tourisme, le transport et les services aux entreprises ; à eux seuls, ils représentaient, avant la crise, les deux tiers du commerce des services français, ainsi que l’illustre le graphique suivant :
Selon le CEPII (Centre d’études prospectives et d’informations internationales), les services aux entreprises sont le 5e secteur possédant un avantage comparatif le plus fort dans notre pays, porté notamment par la R&D (dont les échanges ont quadruplé depuis les années 2000), les services de conseil aux entreprises et les services intragroupes fournis aux filiales des entreprises françaises à l’étranger.
En revanche, les voyages, qui se définissent plus largement que le seul tourisme et peuvent inclure les achats des touristes, les transports intérieurs ou les services aux touristes, voient leur rythme de croissance ralentir, passant de 35,3% des exportations de services en 2000 à 22,2% en 2019.
Reposant essentiellement sur les transports aériens, routiers et maritimes, le secteur des transports est, quant à lui, toujours déficitaire et n’a été proche de l’équilibre qu’une seule fois, en 2010. Depuis vingt ans, les transports routiers et ferroviaires ont, en effet, connu une hausse plus massive de leurs importations que de leurs exportations.
Notons, sans surprise, que comme pour le commerce des biens, celui des services est principalement à destination des pays de l’Union (44% des exportations et 54% des exportations), les principaux partenaires de la France étant les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne.
La Chine apparaît, toutefois, comme une terre de conquête : en une dizaine d’années, les exportations de services ont crû de 164%, même si l’excédent commercial annuel ne dépassait pas 5 Mds€ avant la crise.
Plombée par une balance commerciale déficitaire de manière endémique, l’économie de notre pays tente de relever son commerce extérieur grâce au secteur tertiaire, ce qui, au vu des proportions du décalage, s’avère insuffisant. Il va de soi qu’aucune phase d’expansion durable ne pourra survenir sans un relèvement de l’industrie tricolore, relèvement qui ne peut être provoqué que par un vaste choc de compétitivité nécessitant une baisse du coût du travail et des impôts de production. En ce qui concerne les services, notre pays doit demeurer compétitif surtout dans le tourisme et faire cesser le matraquage des entreprises de transport routier, aérien et maritime, engendré par une importante fiscalité des carburants, qui ne fait que s’ajouter aux autres impôts et taxes précédemment évoqués. Ce n’est qu’en restaurant leurs marges que les entreprises pourront investir et embaucher, qui plus est dans des activités non-délocalisables.
3 commentaires
Vous passez sous silence la surévaluation de l’euro pour une industrie française dont la compétitivité repose malheureusement autant sinon davantage sur le dénominateur que sur le numérateur du rapport qualité/prix alors que c’est l’inverse pour les pays au commerce extérieur excédentaire que sont l’Allemagne, l’Autriche, les Pays-Bas et même l’Italie dont l’activité industrielle repose sur des produits spécifiques et/ou haut de gamme échappant davantage à la concurrence par les prix : ils sont » faiseurs de prix » alors que l’industrie française est davantage « preneuse de prix ».
Bonjour,
Je vous félicite pour votre article qui repose sur des chiffres incontestables et dont la source est indiquée clairement.
Les commentaires sont sobres et pertinents.
Bravo,
Avec la guerre en Ukraine, je crains fort que tout cela soit complètement à revoir. Les « magouilles financières » vont se mettre en place et on n’y verra, comme d’habitude, que du feu. La facture vous l’aurez à terme… si on nous la présente un jour, depuis le temps qu’on nous la promet !!!