Non, nous ne voulons pas dire que le Conseil constitutionnel est actuellement trop « genré » (6 hommes sur 9 membres), pas « racisé » (9 individus de type caucasien) et pas assez pro LGBT+ (?)… Mais le dernier numéro de L’Express (5 décembre 2024), qui consacre un article de trois pages au futur président de l’institution et une tribune de notre collègue Denys de Béchillon au profil des nominations de ses membres, incite à se poser la question de la façon dont le gardien de notre Constitution est présentement composé.
Il serait logique que l’organe essentiel d’interprétation de nos institutions, également juge de la régularité des élections, fût constitué de juristes et plus encore de juristes de grande qualité. Il en est d’ailleurs ainsi par principe chez nos voisins et, pour illustrer nos propos avec un exemple paradigmatique, à la Cour suprême des Etats-Unis. Or, notre pays de l’exception se distingue une nouvelle fois et ce n’est pas un compliment.
Rendons-nous sur le site du Conseil constitutionnel et scrutons les biographies officielles de ses neuf membres ? Nous y trouverons les caractéristiques suivantes, qui peuvent évidemment se recouper :
- 6 conseillers sans expérience du secteur privé ;
- 5 anciens hommes politiques ;
- 4 énarques ;
- 4 conseillers sans aucune formation juridique ;
- 2 anciens fonctionnaires ;
- 2 anciens avocats ;
- 1 ancien magistrat ;
- 0 professeur des Universités ;
- 0 agrégé des facultés de droit ;
- 0 docteur en droit.
Il est permis d’être stupéfait par ces caractéristiques (il va de soi que nous ne mettons pas en cause les qualités intrinsèques de chacun des membres). Précisons que, hormis le fait d’être un citoyen et de jouir de ses droits civiques et politiques, il n’existe aucune condition particulière pour être désigné membre, ni de diplôme, ni d’âge, ni de profession. Là encore contrairement aux leçons du droit comparé.
En février prochain, le chef de l’État nommera un successeur au Président actuel de la Haute juridiction, Laurent Fabius, tandis que les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat désigneront chacun un membre. En effet, les conseillers sont nommés pour un mandat de neuf ans non reconductible, avec renouvellement de l’institution par tiers tous les trois ans, sous réserve, depuis une loi constitutionnelle de 2008, de l’avis de la ou des commissions compétentes des deux chambres du Parlement.
La nomination du nouveau Président du Conseil constitutionnel sera particulièrement scrutée. L’article de L’Express cite une phrase stupéfiante prononcée confidentiellement en 2019 par Robert Badinter (qui fut à la tête de l’institution) au sujet du profil idoine d’un membre : « Inutile de savoir faire du droit, la Constitution est limpide ; il faut quelqu’un qui ait des valeurs, qui respecte la République ». On a connu l’ancien garde des Sceaux plus inspiré…
Espérons (soyons naïfs) que les autorités de nomination et de contrôle ne suivent pas cette opinion en février prochain et qu’elles prennent plutôt en considération le profil suivant : des juristes de haut niveau, aptes par conséquent à interpréter un texte juridique qui, par définition, n’est pas limpide, et des juristes ayant si possible une expérience du secteur privé. Autrement dit, ni des fonctionnaires déconnectés des réalités, ni des hommes politiques professionnels, ni, pis encore, des anciens fonctionnaires devenus hommes politiques.
11 commentaires
Comment !
pas assez pro LGBT+ le Conseil constitutionnel ?
chat, alors ! aurait dit…
mais cela ne risque-t-il pas de changer en mars prochain avec l’arrivée d’un petit chouchou présidentiel ?
à moins que ce soit un pantouflard de plus
Monsieur bonjour
Modestement, je pense que les valeurs ne sont pas en trop et de posséder les deux serait bien, compétences et esprit des valeurs
Bonne journée à tous
Comment avons pu désigné le président actuel de cette « institution » dont le CV se résume à être le profil même du « politicard à vie » qui plus est entaché d’une magistrale faute grave dans son parcours’; celle du sang contaminé et se déclinaison politique « responsable mais pas coupable »?
C’est l’immense François Hollande qui a désigné Laurent Fabius.
Compte-tenu de votre parcours, M. Feldman, je trouve que vous seriez un très bon conseiller constitutionnel.
Je vous remercie pour votre gentillesse…
Il faut quand même indiquer que les «  »sages » » s’appuient sur les travaux de leurs conseillers, c’est à dire de vrais juristes qui planchent de longues heures quotidiennement pour leur trouver les réponses ou les solutions dont ils ont besoin. Ce sont ces juristes-là qui font le boulot.
Certes. Mais, par exemple aux Etats-Unis, une équipe entoure les juges à la Cour suprême, ce qui n’empêche pas ces derniers d’avoir généralement de hautes qualifications juridiques.
Vos espoirs, comme vous le dites, sont naïfs, le Président, et les autres, nommeront des personnes dont la compétence n’entrera pas en compte, mais ce sera le résultat de nombreuses tractations politiques, par exemple (non limitatif) du genre nomination au Conseil contre soutien politique du parti à l’Assemblée. On ne rompt pas avec les vieilles habitudes du jour au lendemain.
Je me prends à rêver que ce soit Monsieur Feldman qui en désigne les membres… mais j’ai bien peur de me réveiller avec la gueule de bois!
Considérant les pratiques habituelles du sieur Macron, je crains qu’il recycle là un de ses obligés.