Syndicats, médias, lobbies… Ils sont de plus en plus nombreux à quitter X (anciennement Twitter) pour s’inscrire sur des plateformes concurrentes comme Threads (créé par Meta) ou Bluesky (fondé par Jack Dorsey, ancien directeur de Twitter). C’est le cas par exemple de The Guardian, de la CFDT, de l’APHP ou encore de GreenPeace France. Ces organismes sont évidemment libres de le faire. Ce qui n’est pas clair, ce sont les raisons qu’ils invoquent : ils se plaignent des « conditions de régulation » et appellent à toujours plus de réglementation au nom de la lutte contre la « haine » ou la « désinformation » qui, selon eux, prolifèrent sur X depuis son rachat par Elon Musk, tout en étant incapables d’en délimiter les contours.
Lutte contre la désinformation ou contre la liberté d’expression ?
Une analyse attentive de la situation amène à penser que, plus probablement, c’est la libre d’expression des idées que ces organismes tolèrent mal, en particulier celles qui les contredisent. GreenPeace France par exemple justifie son départ par le fait de ne plus pouvoir « contribuer aux débats sur l’environnement, le climat, la biodiversité et la paix, dans le respect des faits scientifiques ». En l’occurrence, X offre un outil utile pour vérifier et contextualiser les affirmations : les Community Notes. Cette fonction permet aux utilisateurs de corriger ou d’ajouter du contexte aux publications. En l’espace de trois mois, pas moins de six publications de GreenPeace ont été rectifiées parce qu’elles contenaient des informations erronées.
Sur cette plateforme, des professionnels de l’industrie atomique rectifient en temps réel les inexactitudes ou les erreurs véhiculées par des lobbies comme GreenPeace. Ce phénomène ne se limite pas au secteur de l’énergie. Des citoyens lambdas utilisent X pour débattre, corriger des informations, voire apporter des analyses différentes de celles des médias traditionnels. On peut citer Marc Vanguard, dont les publications sur la délinquance et la criminalité sont souvent de bien meilleure qualité que celles de journalistes en charge des rubriques anti fake news ou que celles de « décodeurs » autoproclamés. Avec les réseaux sociaux, une concurrence directe et inédite a émergé : celle de l’information émanant de sources non officielles. Lorsque des médias comme The Guardian quittent X, fuient-ils une prétendue « toxicité » ou redoutent-ils simplement que des voix indépendantes remettent en cause leur monopole sur la vérité ? Quand l’APHP décide de quitter X au profit de Bluesky, se soucie-t-elle de la désinformation ou souhaite-t-elle que ses dysfonctionnements ne soient plus critiqués publiquement ?
Réglementer les réseaux sociaux : une fausse bonne idée
Nombreux sont ceux qui aspirent à renforcer le contrôle politique des réseaux sociaux sous couvert de lutte contre les fake news. Ce dont ils ne se rendent pas bien compte, c’est qu’un tel contrôle finira tôt ou tard par se retourner contre eux. Quand bien même X serait soumis à des lois sur la désinformation, rien ne garantit à ces médias, à ces syndicats, à ces lobbies, qu’ils n’en seront pas un jour la cible lorsque l’interprétation du concept sera différente. De la même manière, il est impossible de définir ce qui relève du contenu haineux et ce qui ne l’est pas, sauf à tomber dans l’arbitraire. C’est la raison pour laquelle la loi Avia contre les contenus haineux a été retoquée par le Conseil constitutionnel en 2020. Il est cependant extrêmement inquiétant de constater que l’équivalent s’est imposé à l’échelle européenne avec le règlement DSA.
Bien entendu, tout cela n’empêche pas une politique de modération, mais elle doit être librement choisie par la plateforme concernée. Dans une approche libérale classique, la liberté d’expression n’est pas sans limites, notamment en cas d’appel au meurtre et à la violence. Le problème est que les politiciens prétendent se substituer aux entreprises pour « réguler » (c’est-à-dire réglementer) les discours en ligne. Elon Musk leur a, d’une certaine manière, prouvé qu’ils ont tort. Depuis qu’il est à la tête de X, il leur a montré qu’il était possible de renforcer la modération des contenus les plus violents et dangereux (apologie du terrorisme, pédopornographie, exploitation sexuelle, etc.), tout en abandonnant l’ancienne politique d’arbitre de la vérité et les règles liberticides (discours haineux, désinformation, pronoms des personnes transgenres).
L’importance de la concurrence dans le marché des idées
Dans une société fondée sur le respect du droit, le marché des idées est soumis à la concurrence avant d’être régi par des lois. Les réseaux sociaux illustrent parfaitement ce principe. Si des utilisateurs ne sont pas satisfaits de la politique de modération d’une plateforme privée, ils sont libres de faire jouer la concurrence ; c’est d’ailleurs ce qu’il est en train de se passer avec X. Threads ou Bluesky devront prouver leur capacité à attirer de nouveaux internautes. Il est toutefois intéressant de noter que ces alternatives séduisent principalement un public plutôt orienté à gauche politiquement, qui abandonne X en raison de la « désinformation » qui y régnerait. Ces départs traduisent surtout une volonté d’évoluer dans des environnements plus homogènes, dans lesquels la confrontation d’idées est moins présente.
Les réseaux sociaux doivent rester en dehors du contrôle des bureaucrates. C’est la concurrence, et non la coercition, qui garantit à long terme la diversité des opinions et la liberté d’expression en ligne. La véritable question est celle-ci : préférons-nous un écosystème numérique ouvert, dynamique et libre, dans lequel les idées peuvent se confronter, y compris de la manière la plus abrupte, ou bien un modèle uniformisé dont les règles dépendent des humeurs du gouvernement en place ? Dans un monde où les individus n’ont jamais eu autant de possibilités de s’exprimer, laissons-les décider des idées qui méritent d’être entendues.
6 commentaires
Merci Madame pour votre analyse trèspertinente. Le problème est que le ”camp du bien”aka la gauche ne veut pas de diversité d’opinions et de liberté d’expression sauf quand elle est d’accord avec leur diktas.
Merci Monsieur pour votre commentaire !
A quoi sert la liberté d’expression si elle s’arrête lorsque les propos dérangent? La réguler revient donc à la supprimer. On devine immédiatement la mentalité tordue, totalitaire et malhonnête de ceux qui veulent « réguler »!
Seraient ils de gauches?
Cependant réjouissons nous de la dépollution de X que représente ces départs, ces aveux nous permettent de savoir ou se trouvent tous les « tordus ».
C’est toujours la tolérance de la gauche. C’est uniquement pour faire payer à Elon Musk son soutient à Donald Trump. Ce qui en dit long sur l’intelligence de gens de gauche un belle bande de minables!
Je suis pour ma part fermement opposé à ce que les plates-formes numériques appliquent leurs propres politiques de modération, comme le faisait jadis Twitter et comme le font aujourd’hui Threads et Bluesky : le cadre imposé à toutes devrait être celui de la loi (pas d’apologie du terrorisme ou d’appel au meurtre) et elles ne devraient en aucun cas être autorisées à le dépasser : si litige il y a (diffamation, calomnie, harcèlement, etc.), ce doit être aux tribunaux de justice de trancher, pas à des entités privées qui auraient alors tôt fait d’appliquer leur conception de la libre-expression au détriment de celle du peuple.
Votre titre est parfait : la concurrence plutôt que la réglementation… quant aux néo-bolchévistes qui se plaignent de la désinformation, il y a quelque chose d’indécent… Que des journaux privés et intellectuels notoirement inclinés du côté de Pol-Pot, Trotsky et Staline quittent X, cela les regarde. Chacun est libre. Mais que des agences publiques comme l’APHP prennent des décisions de nature politicienne pose problème.