Dans une tribune publiée dans Le Figaro, deux avocats, Nicolas Baverez et Vincent Brenot, accusent le Parlement d’être devenu une zone de non-droit parce qu’il multiplie les commissions d’enquête sur les grandes entreprises privées. Pour eux, il s’agit là d’un dévoiement : les commissions d’enquête sont faites pour contrôler l’action du gouvernement et évaluer les politiques publiques. C’est d’ailleurs ainsi qu’elles sont présentées sur le site internet de l’Assemblé nationale.
Les auteurs de la tribune soulignent que les parlementaires, « couverts par leur immunité, peuvent convoquer, interroger, dénoncer, accuser sans aucune limite », tandis que les représentants d’entreprises sont tenus de comparaître et de répondre aux questions écrites et orales, « sous peine de sanction pénale ». Pour Baverez et Brenot, les commissions d’enquête ont été « perverties en juridiction de fait, qui exonèrent de tout principe, de toute règle procédurale, de tout contrôle interne et externe, étant même placées hors du champ des déontologues des assemblées et des mécanismes de prévention des conflits d’intérêts ».
Il suffit de visionner les auditions de la commission d’enquête du Sénat sur l’utilisation des aides publiques aux grandes entreprises et à leurs sous-traitants, créée à l’initiative du groupe « Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky », dont le rapporteur est le sénateur communiste de Seine-Saint-Denis Fabien Gay, pour s’apercevoir que les deux avocats ont pleinement raison.
Par exemple le 26 mars 2025, alors que Jacques Volckmann, vice-président recherche et développement France de Sanofi, était en plein développement sur les impacts du crédit impôt recherche, le président de la commission Olivier Rietmann lui coupe la parole pour lui dire : « Je n’en peux plus. Vous êtes venu pour nous expliquer tout sauf le sujet de la commission d’enquête. On est passé hyper-rapidement sur les chiffres, sur les aides. Vous m’expliquez dans le détail vos centres de recherche, c’est pas (sic) l’objectif de la commission d’enquête. Dites-moi par contre pour votre centre de recherche à Montpellier combien vous avez investi, combien il y a eu un crédit d’impôt recherche dessus, combien il y a eu de subventions, ça, ça m’intéresse. […] N’essayez pas, à ce point de noyer le poisson. […] Avec mes collègues, on n’est absolument pas là pour se faire endormir. […] On est là pour parler des aides publiques, de l’efficience des aides publiques, dans leur utilisation par votre entreprise. On est passé là-dessus trente secondes, quatre chiffres…. […] Vous n’êtes pas non plus une œuvre de bienfaisance, et si on vous verse des aides publiques, vous êtes aussi avec un chiffre d’affaires conséquent, des bénéfices conséquents, des dividendes conséquents, parlons de cela. C’est l’objectif de la commission d’enquête. C’est de voir si chaque centime d’argent public qui vous est versé, sous forme de subvention, sous forme d’allègement fiscal, a vraiment son utilité. Je vous le dis franchement : je ne suis pas convaincu par ce que vous nous dites. […] Quand je vois 140 millions d’euros d’aides publiques sur une année […] pour 1,9 milliard d’euros de chiffre d’affaires, et certainement derrière des résultats à plusieurs centaines de millions d’euros, est-ce que [cet argent] n’aurait pas été plus utile ailleurs ? C’est ça que je veux que vous m’expliquiez ».
Bref, les représentants de Sanofi se sont fait tancer comme des enfants pris la main dans le pot à confiture. Non pas par un affreux bolchévique, mais par Olivier Rietmann, membre des Républicains ! Signalons au passage que le sénateur Rietmann se déclare exploitant agricole. N’a-t-il jamais reçu d’aides publiques ? A-t-il justifié de leur utilité devant une commission d’enquête parlementaire ?
Plutôt que de mobiliser d’importantes ressources dans les entreprises pour collecter toutes les données (comme l’a souligné le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, lors de son audition), la commission d’enquête du Sénat n’aurait-elle pas dû poser toutes ces questions à l’administration ? C’est bien elle qui accorde les aides. Elle doit bien savoir ce qu’elle verse aux entreprises. Elle doit être capable d’en évaluer l’efficacité pour déterminer si oui ou non ces aides ont été octroyées à bon escient. Et là, la commission d’enquête aurait été pleinement dans son rôle de contrôle de l’action du gouvernement et d’évaluation des politiques publiques.
Quoi qu’il en soit, il serait possible d’économiser beaucoup de temps et de salive en supprimant toutes les aides publiques aux entreprises et en réduisant d’autant leurs prélèvements, comme le préconise l’Iref.
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“Quoi qu’il en soit, il serait possible d’économiser beaucoup de temps et de salive en supprimant toutes les aides publiques aux entreprises et en réduisant d’autant leurs prélèvements, comme le préconise l’Iref. ”
On ne saurait mieux dire !
Bien vu, mais cela supprimerait combien de fonctionnaires ? Ceux qui recouvrent les impôts pour ces aides, ceux qui en discutent, combien d’énarques payés pour attribuer ces aides, combien de contrôleurs pour vérifier (euh..peut-être pas beaucoup de ceux-là finalement), et combien de missions bien défrayées pour ces pauvres parlementaires qui n’ont rien d’autres à faire ? Ce serait demander à toute cette clique de “payés par le contribuable” d’y renoncer. On n’a encore jamais vu beaucoup de profiteurs saborder volontairement leur position pour le bien public.
Donc cela restera un voeux pieux, malheureusement.
Bien vu! mais la meilleure aide publique serait d’arrêter de taxer les entreprises qui produisent la richesse et de se concentrer sur ceux qui la consomment…
Le monde de l’entreprise, la vache à lait pour payer une armée de fonctionnaires oiseux qui sont en grève ou en arrêt maladie, longue durée de préférence….
C’est la République des Gauchistes de France qui font cela depuis que la République existe, massacres, pillages en commençant par les églises et leurs biens ensuite les patrons il en reste quelques uns et comme il ne rentre toujours pas assez de fric c’est au tour des gueux. La suite logique pour engraisser une minorité Républicaine.
N’est-il pas légitime de connaître le montant des aides publiques que reçoivent les entreprises ? N’est-il pas légitime de vérifier leur efficience ? Quand vous dites que le sénateur Rietmann en touche de par sa profession d’agriculteur, c’est vrai mais ses aides PAC sont par contre transparentes et elles font l’objet de contrôles
Ce que vous dites n’est pas faux mais ça n’est pas une raison pour être aussi mal bouché!
Le sujet principal est l’AN doit-elle et a-t-elle la compétence technique et juridique pour contrôler l’argent reçu par les entreprises comme “aides” ?
la réponse est non.
il faut à nouveau dire que cet argent a été pris aux entreprises qui payent l’IS, les taxes et impôts de production et distribuer pour partie à d’autres partiellement en échange d’une activité soutenue par l’état. L’heureuse élue à candidater avec un dossier conséquent où elle a répondu à de très nombreuses questions et justifier sa candidature. Chaque année elle est soumise à des contrôles où elle doit montrer les travaux justifiant un remboursement de tout ou partie des sommes qu’elle a auparavant engagées. Si le dossier de contrôle est convaincant elle obtiendra de l’argent de l’état. Ce dossier de réponse passe devant une commission et se fait aider par des experts des sujets concernés. elle peut dans certain cas être amener à répondre oralement à des questions.
Il est clair que l’administration contrôle et ne rembourse que sur preuves.
Ainsi je suis d’accord avec vous. Si l’AN doit contrôler c’est bien l’entité de l’état qui a remboursé l’entreprise pour les dépenses qu’elle a engagées.
L’attitude de l’AN est manifestement dirigiste et sort de ses prérogatives. Elle veut faire en doublon le travail de l’administration et perturbe sa vache à lait qui l’a fait vivre.
Rendre compte aux représentants de l’Etat! Voilà qui vous hérisse ! Mais 200 milliards de NOTRE argent dans leurs grosses poches, ça vous va. Olivier Reitmann, il faut aussi qu’il rende compte. Et Pouyanné idem: les services de l’Etat, les Fonctionnaires savent bien ce qui est versé à ces entreprises. Elles seules savent ce qu’elles en font réellement. Et il faut que ce pays le sache.