«Démontons le mythe d’un Raphaël Glucksmann qui serait gentiment social-démocrate»

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Raphael-Glucksmann-presente-son-programme-Notre-vision-pour-la-France-a-Paris-le-23-juin-2025.-THOMAS-SAMSON-AFP

Jean-Philippe Feldman dans Le Figaro

Il est de bon ton de présenter l’eurodéputé Place Publique comme le Michel Rocard du XXIe siècle. Or son programme, notamment sur le plan économique, se rapproche de celui des Insoumis.

Raphaël Glucksmann est unanimement qualifié de social-démocrate et il se présente d’ailleurs comme tel. Un social-démocrate BCBG avec sa chemise d’un blanc immaculé à la BHL et son air de gendre idéal. Pourtant, il y a loin de la coupe aux lèvres. En effet, il faut dépasser les propos convenus qui en feraient un chantre de la modération, le Michel Rocard du XXIe siècle, et scruter ses propositions. On découvre alors un homme politique qui, à l’image du Parti socialiste, promeut un projet particulièrement radical.

Pour s’en rendre compte, il suffit de prendre connaissance de son préprogramme pour la prochaine élection présidentielle à laquelle – c’est un secret de Polichinelle – le député européen entend se présenter. Notre vision pour la France. Les chantiers de Place publique pour redonner vie à la promesse républicaine, tel est le nom de ce texte dévoilé le 23 juin, et divisé en deux grandes parties et 42 «chantiers». Sa longueur – 88 pages – permet sans difficulté de se faire une idée du fond doctrinal de Raphaël Glucksmann. Nous y trouvons en effet tous les mantras du socialisme contemporain.

Le fiscalisme d’abord, avec, au niveau communautaire, l’augmentation massive du budget et l’attribution de ressources nouvelles à l’Union européenne et, au niveau interne, «un grand chantier fiscal visant à rééquilibrer la répartition de la taxation».

La hausse exponentielle des dépenses publiques ensuite avec, au niveau communautaire, la création d’un fonds souverain pour sortir de la dépendance des Gafam et d’un fonds dédié au soutien des organisations féministes à travers le monde, et, au niveau interne, celle d’un fonds national pérenne et pluriannuel pour l’éducation populaire et la vie associative, un milliard d’euros en faveur de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, également la contraception « gratuite » et le remboursement des protections périodiques.

Une planification tous azimuts avec un plan d’investissement pluriannuel dans toutes les énergies renouvelables, un plan national pour l’alimentation solidaire, un grand plan national pour renforcer la résilience des forêts, un Pacte bleu pour les océans, un plan national de sécurité routière, un plan Marshall pour le logement, un plan Eau dans les Outre-mer, un vaste plan pour rénover les écoles, un pacte d’aménagement culturel du territoire.

Les atteintes multiples à la liberté des prix, fondement de l’économie de marché, avec des «produits écoresponsables à prix plafonnés», la mise en place de «prix planchers réglementés» pour les agriculteurs, le plafonnement des prix des biens de première nécessité et des produits essentiels dans les Outre-mer.

L’accroissement de la bureaucratie avec les créations d’une grande Agence industrielle du numérique et de l’IA, d’une Autorité indépendante de protection des mineurs en ligne, d’une agence de financement de l’économie sociale et solidaire, d’un Haut conseil du pilotage des retraites, d’un observatoire de l’intégrité politique, d’une grande agence publique pour porter une vision stratégique de la culture française et de la francophonie, sans parler d’une autorité européenne des prix alimentaires, rien que cela !

Une immense défiance envers le secteur privé et plus largement la société civile avec un encadrement strict des crèches privées et de l’enseignement supérieur privé lucratif, et avec l’intégration des établissements privés sous contrat à la carte scolaire.

Enfin, le wokisme avec la «valorisation des figures oubliées de notre histoire», la «diversification des noms de rues et lieux publics», la «construction d’une histoire commune de la colonisation et de la décolonisation», le lancement d’un « plan ‘Sport pour tous’ garantissant un accès inclusif et équitable à la pratique sportive, promouvant notamment la mixité et la lutte contre les discriminations ».

Après 83 pages de dépenses ininterrompues et indigestes, le programme consacre seulement quelques lignes à leur prétendu financement. De manière frappante, les propositions précises font alors place à un flou artistique. À lire entre les lignes, on comprend que le Trésor public va s’abattre non seulement sur les «grandes entreprises» et les «ultrariches », mais que le «rééquilibrage de la fiscalité entre le travail, le capital et l’héritage» va se traduire par un nouveau coup de matraque sur les classes moyennes. Manifestement, Raphaël Glucksmann ne sait pas que notre pays est à la fois le pays le plus dépensier du monde, mais aussi le plus fiscalisé.

Nous avouons avoir du mal à saisir en quoi ce programme de socialisme radical à coups d’étatisation, de bureaucratisation, de planification, de gaspillage effréné, d’obligations, d’interdictions, de taxation, de mise sous tutelle de la société civile, de wokisme, et de création d’organismes divers et variés, en bref ce programme serait paradigmatique de la social-démocratie moderne. C’est 1981 en pire, les vastes nationalisations en moins certes, mais le wokisme et l’écologisme vert-rouge en plus. Dans l’histoire de la pensée politique, cela renvoie, mutatis mutandis, au socialisme démocratique de la fin du XIXe siècle et du début du XXe, autrement dit à la volonté d’imposer le socialisme non plus par la violence, mais par la démocratie. Si le moyen n’est plus aussi radical, la fin le demeure.

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3 réponses

  1. Ce monsieur ferait bien de regarder où il vit, dans quel type de logement. Il devra donc montrer l’exemple. Faites ce que je dit et non ce que je fais c’est dépassé à moins que ce soit celà le socialisme..

  2. Je suis d’accord avec vous. Mon sentiment c’est qu’il a fait un programme compatible avec la gauche dominante aujourd’hui, cad LFI et Ecolos, avec l’idée qu’étant plus présentable que Melenchon il augmente ainsi ses chances d’être le candidat # 1 à gauche pour la présidentielle.

  3. Dans un tel contexte politique (avec une gauche radicalisée), Raymond Aron appela clairement les libéraux à basculer leur alliance avec les conservateurs (lire « L’Opium des intellectuels »). Il serait plus que temps de s’en rappeler, surtout après le déplorable spectacle du « barrage » l’été dernier. Quant à la presse dite libérale (Le Figaro, Les Echos, L’Opinion, etc.), il est urgent qu’elle se mette à faire de l’éducation populaire libérale. Comme Javier Milei, ou auparavant Milton Friedman, Murray Rothbard, ou jadis Frédéric Bastiat au XIXème siècle. La bataille se gagne d’abord dans les esprits !

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