«Le Conseil constitutionnel préfère protéger la liberté d’étrangers dangereux à celle de citoyens innocents»

Temps de lecture : 3 minutes

Jean-Philippe Delsol dans FigaroVox

Les décisions rendues jeudi dernier sur la loi Duplomb et sur la rétention administrative des étrangers dangereux montrent que les membres du Conseil constitutionnel sont déconnectés du réel, regrette l’avocat Jean-Philippe Delsol.

Deux décisions du Conseil constitutionnel en date du 7 août 2025 relancent la question des limites des pouvoirs des membres du Conseil constitutionnel par rapport à ceux des représentants du peuple. Un système jurisprudentiel, du type de celui de la common law, dans lequel la décision des juges forge peu à peu le droit à partir de lois de principe, peut apparaître plus juste et efficace pour traiter des cas individuels que notre système de droit civil qui voudrait que la loi, générale par définition, prévoie tous les cas de figure et s’impose à l’esprit des juges. Mais il en va sans doute autrement du rôle des juges constitutionnels comme de ceux du Conseil d’État quand ils s’arrogent le droit de remettre en cause les lois de manière politique, voire idéologique.

Un article de la loi Duplomb, adoptée le 9 juillet dernier, permettait, sous certaines conditions, de déroger par décret à l’interdiction d’utiliser des produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes ou autres substances assimilées, ainsi que des semences traitées avec ces produits. La ré-autorisation provisoire de cet insecticide devait permettre aux exploitants, notamment aux betteraviers, d’avoir le temps de trouver des substituts pour protéger leurs plantations.

Mais par une décision (n° 2025-891 DC) du 7 août 2025, le Conseil constitutionnel a considéré que «le législateur, en permettant de déroger dans de telles conditions à l’interdiction des produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes ou autres substances assimilées, a privé de garanties légales le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé garanti par l’article 1er de la Charte de l’environnement ».

En effet, la Charte de l’environnement, intégrée dans la loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 «proclame» que «chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé». Cette sentence vague et générale devait-elle néanmoins habiliter le juge constitutionnel à annuler le vote parlementaire alors que le produit en cause, l’acétamipride, reste autorisé au sein de l’Union européenne jusqu’en 2033 ? Il est possible que cet insecticide ait de mauvais effets sur l’environnement et peut-être sur la santé humaine, mais peut-être moins qu’il ne procure d’avantages pour améliorer la production et réduire le coût du sucre par exemple. Le progrès consiste à retenir les solutions dont la balance inconvénients/avantages est positive.

Certes, les parlementaires français qui ont voté, en Congrès, cette loi du 1er mars 2005 constitutionnalisant le principe de précaution sont les premiers coupables de sottise et de démagogie. Les parlementaires d’aujourd’hui en pâtissent. Mais le Conseil constitutionnel lui-même ne se devait-il pas d’appliquer et interpréter le texte avec précaution, intelligence et discernement ? Ce qu’il n’a pas fait. Il ne l’a pas plus fait dans sa décision, rendue également le 7 août 2025 (n° 2025-895 DC), par laquelle il a censuré plusieurs dispositions de la loi visant à étendre les cas dans lesquels la durée maximale de la rétention administrative des étrangers en situation irrégulière et condamnés pour des faits particulièrement graves puisse être portée à cent quatre-vingts jours voire, dans certains cas, deux cent dix jours, ainsi qu’à instituer de nouveaux cas dans lesquels l’appel contre une décision mettant fin à la rétention administrative d’un étranger est suspensif et l’intéressé maintenu à la disposition de la justice jusqu’à ce qu’il soit statué sur le fond.

Tout en reconnaissant qu’«en adoptant ces dispositions, le législateur a poursuivi l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public et l’objectif de lutte contre l’immigration irrégulière, qui participe de cet objectif», le Conseil constitutionnel a annulé ces dispositifs. Il a argué notamment que la période de rétention prévue était trop longue pour des crimes ou délits qui pouvaient ne pas représenter une particulière gravité. Il aurait fallu selon lui attendre que les individus concernés par ces mesures constituent une menace actuelle et d’une particulière gravité pour l’ordre public pour leur appliquer de telles mesures. Il aurait fallu, en quelque sorte, que ces gens commettent d’abord l’irréparable, comme le meurtre en septembre 2024 de la jeune Philippine.

Comme l’a fait remarquer Bruno Retailleau, l’attitude du Conseil constitutionnel est d’autant plus insensée que déjà la «Directive européenne “Retour” autorise une durée de 6 mois dans tous les cas, pouvant être prolongée de 12 mois supplémentaires en l’absence de perspective d’éloignement immédiat». «Je rappelle, a-t-il ajouté, que 14 pays, dont l’Allemagne et la Belgique, appliquent ce délai de rétention de 18 mois. Absolument rien dans le droit européen ne s’oppose à cette durée. Mieux encore : le nouveau Règlement européen “Retour”, en cours de négociation, prévoit de porter à 24 mois la durée de droit commun, et sans limitation pour les étrangers en situation irrégulière qui présentent une menace pour la sécurité publique».

Lire la suite sur Le Figaro

31 réponses

  1. Depuis 2017, une immigration massive et incontrôlée, un islamisme terroriste, des narco trafiquants puissants qui ont étendu leur trafic sur toute la France, les Français ont été laissés à la merci des assassins.

  2. Bonjour,
    Concernant le loi Duplomb, il faut lire la décision du Conseil constitutionnel dans le détail pour apprécier sa pertinence.

    Le Conseil a rejeté l’article concernant les néocotinoïdes en estimant que l’encadrement de leur usage proposé dans la loi n’était pas suffisant. En ceci, il était cohérent avec la position qu’il avait adopté en 2020 lorsqu’il avait accepté une dérogation temporaire à l’utilisation de l’acétamipride sur la base de critères précis ménageant les intérêts des agriculteurs et ceux de la population!

    Le Conseil a une position équilibrée et cohérente car dans sa décision il fixe les conditions (les mêmes que celles de 2020) pour qu’une dérogation soit acceptable.

    Cordialement

    Cordialement

    1. J’avoue ne pas partager l’optimisme de votre réponse et tiens à vous rappeler qu’en lieu et place d’un NON , souvent blessant et réducteur , il eut mieux valu un OUI et qui souligne les limites souhaitées.
      Beaucoup de chefs d’entreprise connaissent et applique ce principe salutaire .

  3. Conseil? … un conseil n’engage que celui qui l’écoute ! Donc il suffit de ne pas suivre le « consei » .
    Qu’arriverait il si le gouvernement passait outre?

    Et si la France adoptait la Constitution suisse ?

    Notre démocratie est à bout de souffle.
    Des institutions verrouillées, des élus hors-sol, un peuple réduit à voter tous les 5 ans sans réel pouvoir.

    Il est temps de changer les règles du jeu.

    La Constitution suisse garantit :
    – Le référendum d’initiative populaire
    – Le droit de contester les lois
    – Une transparence institutionnelle exemplaire
    – Un équilibre entre pouvoir central et autonomie locale

    Pourquoi réinventer ce qui fonctionne ailleurs ?
    Pourquoi ne pas adopter mot pour mot un modèle qui donne enfin le pouvoir aux citoyens ?

    Il faut appeler à :
    1. La fin de la Constitution de 1958
    2. L’adoption intégrale de la Constitution suisse
    3. La mise en place immédiate du référendum citoyen
    4. Une démocratie directe, vivante, et responsable
    Et la situation économique de la Suisse comparée à celle de la France est l’argument massue.
    Ce n’est pas une utopie.
    C’est une exigence démocratique.

    1. Pourquoi les normes européennes ne s’appliquent elles pas aux agriculteurs français ?
      Pourquoi accepter l importation de produits agricoles traités avec les produits en question ?

      E quoi la position du conseil constitutionnel est elle cohérente ?

    2. La Constitution de 1958 n’existe plus depuis longtemps (au moins 1971) et c’est bien justement ÇA le problème.

      Le Conseil Constitutionnel ne s’est jamais vu accorder autant de pouvoirs dans la Constitution de 1958. Son rôle était, à l’origine, quasiment symbolique.

      Le recours au référendum, dans l’esprit des auteurs de la Constitution de 1958, était un outil politique naturel auquel le général de Gaulle a, d’ailleurs, recouru durant sa présidence un bien plus grand nombre de fois que tous ses successeurs réunis.

      La France n’est pas la Suisse dont la culture saxonne et protestante est diamétralement opposée à la nôtre : ce qui marche en Suisse ne peut que faillir en France, car nous sommes un pays de culture catholique et surtout latine.

      En revanche, ce qui a déjà marché en France doit être à tout prix reconquis, n’en déplaise à tous ceux qui ont lutté pendant des décennies pour l’abolir. Au temps de la vraie Constitution de 1958, pas de la version dévoyée qui a cours aujourd’hui, la France aussi était une puissance économique florissante : ça, c’est un argument massue.

  4. « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » En vertu de ce « DROIT » le Conseil Constitutionnel refuse l’utilisation EXCEPTIONNELLE ET SOUS CONTROLE d’un produit autorisé partout en Europe et ailleurs.. Comme le nuage de Tschernobyl, les pâtes à tartiner, le sucre etc fabriqués ailleurssur cette base et importés ne semblent pas gêner nos « écologistes »
    A propos de cette pétition, les signataires ont-ils été vérifiés ? Est-on certain qu’il n’y a pas eu « bourrage des urnes » ? Le zèle des médias pour se borner au comptage des pétitions sans chercher davantage pose question !
    En même temps, ce même conseil constitutionnel censure plusieurs dispositions de la loi visant à mettre les étrangers DANGEREUX et en situation irrégulière hors d’état de nuire ! La sécurité des Français aurait-elle moins d’importance que celle des abeilles dont il n’est au demeurant pas certain qu’elle soit mise en danger s’agissant des cultures de betteraves.
    Il est clair que ces « JUGES » utilisent leur fonction non pas pour dire le droit mais pour APPLIQUER LEURS CONVICTIONS POLITIQUES ! Outrepassant leurs pouvoirs, ils n’ont pas leur place dans une instance sur le rôle de laquelle nous sommes en droit de nous poser des QUESTION

  5. Dès lors que ce pesticide est interdit en France, il est logique d’interdire l’importation en France de productions agricoles cultivées avec ce pesticide – autorisé en Europe – et de tous les produits transformés par les industriels de l’alimentation à partir de ces productions agricoles. Donc plus de moutarde – importée majoritairement du Canada – et de pâtes à tartiner à base de noisettes et cacao (et accessoirement d’huile de palme !). Une fois les rayons vides dans les magasins, on verra s’il y a toujours plus de 2 millions de pétitionnaires.

    1. Tout à fait d’accord avec Ghus ! Il y a longtemps que les journalistes auraient dû ce saisir de ce dossier !!!

    2. Et quand bien même il y aurait dix millions de pétitionnaires, de quel droit une pétition supplante-t-elle la souveraineté du vote dans ce pays ?

      Le Conseil Constitutionnel vient ici de gravement attenter à la démocratie, démontrant une fois de plus qu’il ne peut en aller qu’ainsi lorsque l’on donne le pouvoir de décision finale à des « juges », c’est-à-dire des non-élus qui interprètent sans aucun contrôle possible le droit comme ça leur chante.

      La Constitution de 1958 n’était pas faite ainsi et donnait au seul peuple le pouvoir de décision finale. Il est urgent d’y revenir.

    3. Personnellement j’évite le sucre, sous toutes ses formes, dans mon alimentation.
      J’ai envie de vieillir sereinement et en bonne santé.
      Les rayons des supermarchés vides de sucreries seraient au contraire une excellente incitation à se nourrir plus sainement.

  6. En Allemagne le conseil constitutionnel est une juridiction à part entière basée à Karlsruhe. Dont les 8 membres sont des juges professionnels et non des politiques!
    Par conséquent aucune interprétation « politique » n’est possible.
    C’est toute la différence avec notre club de planqués sans aucune formation juridique et majoritairement de gauche….
    Ce pays est foutu….

    1. C’est en s’inspirant du modèle anglo-saxon que notre Conseil Constitutionnel est devenu ce qu’il est alors qu’à l’origine, la Constitution de 1958 ne lui donne pour ainsi dire aucun pouvoir et place l’ultime souveraineté dans les seules mains du peuple, par le truchement du référendum pensé pour être un outil courant de la politique au quotidien.

      Arrêtons de regarder le monde anglo-saxon avec des yeux de Chimène : c’est précisément ce qui nous mène à notre perte. Il est on ne peut plus urgent, au contraire, de revenir aux fondamentaux bien français de notre Constitution de 1958, outrageusement dévoyée depuis des décennies.

  7. D’abord un rappel : le mieux est l’ennemi du bien.
    Ensuite, cher Jean Philippe, je pense qu’ils ne sont pas déconnectés du réel, mais qu’ils travaillent d’arrache pied à détruire notre pays; c’est leur seul moyen d’exister.

    1. Moi, je crois qu’au-delà de leur seul moyen d’exister, détruire notre pays découle aussi d’une conviction profonde de leur part. Celle que notre pays a fait son temps et n’a plus aucun droit d’exister…

  8. L’idéologie et le dogmatisme rendent sourd, sourd et aveugle , s’ils pouvaient rendre muet on entendrait beaucoup moins de conneries .
    Michel Rocard

  9. En tout cas , le Conseil Constitutionnel est moins ferme dans ses positions quand il s’agit de revoir les émoluments de ses membres qui touchent depuis de nombreuses années un revenu anormal de 4000 euros par mois.
    Monsieur Thierry Benne a écrit de nombreux articles à ce sujet.

  10. En tout cas le Conseil Constitutionnel est moins ferme quand il s’agit de parler des 4000 euros supplémentaires par mois que touchent ses membres de façon tout à fait anormale. Ceci depuis de très nombreuses années.
    Monsieur Thierry Benne a écrit de nombreux articles à ce sujet .

  11. Bonjour, Vous envoyez par mail des articles touchant au Droit constitutionnel, c’est parfait, mais cet article s’adresse surtout à ceux qui connaissent le droit, et non au Français moyen. Si vous voulez le convaincre, il serait préférable d’utiliser des mots et des phrases simples que n’importe quel quidam peut comprendre, afin qu’il réagisse en son âme et conscience. Pour ma part, seule la réponse de Bruno Retailleau et l’article sur la durée maximale de la rétention administrative a été claire.

  12. Si le gouvernement en a (vous voyez ce que je veux) alors il interdit l’importation de tous les produits des pays dans lequel ces produits sont autorisés. Les consommateurs français comprendront ce que veut dire l’interdiction des produits phytosanitaires en France, lorsqu’ils ne trouveront plus certains produits dans leur magasin.

  13. Il est surprenant de constater que ces messieurs les juges ne savent pas la différence fondamentale qui existe entre  » pourrait être porté à … » et « devrait être porté à … ». Ils savent pourtant que le caractère de gravité extrême est laissé à leur appréciation ( sans risque de condamnation en cas d’erreur de leur part selon le principe de « c’est la faute à pas de chance ») .
    Une fois de plus ces messieurs s’arrogent le droit de faire la loi outrepassant leur devoir de « simplement » faire respecter la loi.

  14. Dommage que Philippine n’est pas eu droit à son principe de précaution !!
    Excellent article, que peut-on faire face au totalitarisme idéologique des juges rouges d’extrême gauche qui ont pris le pouvoir ?

  15. Le conseil des « hors-sol » a encore sévi. Il est grand temps de supprimer cet office dont les membres se contrefichent des citoyens.

  16. Le rejet de prolonger le délai de rétention administrative prive les Français de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. En effet la remise « en liberté » de dangereuses personnes qui plus est ne sont pas extradés est problématique pour la santé des Français !

  17. Le conseil constitutionnel (non élu) ne sert qu’à détricoter des textes législatifs votés par des élus. Ces gens ne servent à rien d’autre qu’à percevoir de l’argent public.

  18. Il faut supprimer Le Conseil constitutionnel payé par les français mais qui oeuvre contre le peuple français. Ces gens qui siègent au Conseil constitutionnel devraient être à la retraite. Pareil il faut également supprimer le Sénat car c’est un doublon du parlement.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


motif

Soutenez l’IREF et défendez une recherche indépendante !

L’IREF, think tank libéral et indépendant, est un institut privé et indépendant avec un statut d’association sans but lucratif. Ses ressources proviennent uniquement des dons privés déductibles à : 66% de l’impôt sur le revenu (IRPP), 75% de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI), ou 60% au titre de l’impôt sur les sociétés (IS).

Recevez Contrepoints, le journal d'actualité libéral

Abonnez-vous gratuitement à notre journal d’actualité libéral. Recevez tous les matins une analyse libérale de l’actualité que vous ne trouverez nulle part ailleurs.


Illustration-newsletter