Comment Gabriel Zucman et ses alliés tentent de nous tromper

Temps de lecture : 4 minutes

Jean-Philippe Delsol, Jean-Philippe Feldman et Nicolas Lecaussin dans Le Point

L’actualité économique est dominée par un sujet : la taxation des riches. La peur de paraître défendre les riches a rallié le chœur des médias et des politiciens pusillanimes à l’idée que, d’évidence (pour eux), la justice commande de taxer encore plus ceux qui l’étaient déjà le plus. Sauf à saluer la fermeté, contre l’impôt, d’une certaine droite dans le bloc central contre le retour d’un quelconque impôt sur la fortune, la politique s’est soumise aux Insoumis. La question n’est plus de savoir s’il faut augmenter la pression fiscale sur les riches, mais d’en déterminer les modalités. Sans s’interroger sur le bien-fondé de ce préjugé.

Pour rallier la France derrière son panache rouge/vert, l’extrême gauche a développé l’idée que les riches payaient moins d’impôt que les autres. Mais en répandant cette doxa, elle nous trompe. Car notre système social opère chaque année des transferts de l’ordre de 500 milliards d’euros, des plus aisés vers ceux qui le sont moins. « Avant transferts, constate l’Insee, les ménages aisés ont un revenu 18 fois plus élevé que celui des ménages pauvres, contre 1 à 3 après transferts ». Tandis que moins de 45 % de Français sont assujettis à l’impôt sur le revenu, selon les chiffres de la Direction générale des impôts, les 10% de contribuables les plus aisés en supportent 76 % de la charge et le 1% supérieur, 35%.

Les artifices des égalitaristes

Ce n’est d’ailleurs que par un artifice que l’extrême gauche et ses pseudo économistes parviennent à prétendre qu’au sommet de la pyramide, les 0,0002 % % les plus riches paieraient proportionnellement moins d’impôt (26%) que les autres. Pour parvenir à ces conclusions, le très peu libéral Institut des politiques publiques – IPP – prend en compte les bénéfices non distribués des sociétés dont sont actionnaires à au moins 10% ces contribuables pour calculer leur taux d’imposition, sans retenir dans ses calculs l’impôt forfaitaire de 30% qu’ils paieraient le jour où ils recevraient effectivement ces revenus sous forme de dividendes. Il retient des revenus potentiels en excluant les impôts directs qui y seraient attachés.

Pour frapper les esprits, ils dénoncent encore, avec une totale mauvaise foi, que « les 500 plus riches détiennent 42% du revenu national », alors même que la comparaison d’un patrimoine personnel, un actif, avec le revenu national, un flux, n’a guère de sens. Et s’ils retiennent les actifs des 500 plus riches, estimés par Challenges en 2025 à 1 128 milliards, il faut les comparer au patrimoine brut des Français que le dernier chiffre (2022) de l’Insee  situait à 16 590 milliards d’euros, auxquels il faut ajouter la créance des Français sur l’Etat au titre de leur retraite par répartition évaluée par l’IREF à 8 474,4 Md€ (valeur 2023) soit un patrimoine des plus fortunés égal à 4,7% du patrimoine des Français.

Les impôts sur le patrimoine sont 4 fois plus importants que ceux du travail

L’économiste d’extrême gauche Gabriel Zucman prétend pour sa part que les impôts du patrimoine sont deux fois moins imposés que ceux du travail. A cet effet, il omet dans les revenus des plus modestes les avantages sociaux qu’ils perçoivent : RSA, prime d’activité… En outre, il considère comme des impôts les cotisations donnant accès à des assurances sociales (maladie, retraite, chômage…) pour comparer les revenus du travail qui les supportent aux revenus du patrimoine qui ne les supportent pas mais n’en acquièrent pas le bénéfice[1]. Il faut bien entendu exclure de l’évaluation les cotisations sociales dans la comparaison. Il faut aussi noter que sans bénéficier des assurances sociales, les revenus du patrimoine concourent néanmoins largement au financement du système social dit de solidarité, dont ils ne profitent pas, puisqu’ils payent la CSG au même niveau que les revenus d’activité, c’est-à-dire au taux de 9,2%, ainsi que la RDS de 0,5%, et en plus ils supportent un prélèvement spécifique de solidarité de 7,5 % qui représentait 15Md€ en 2024.

Outre l’impôt sur le revenu, la CSG et les taxes additionnelles sur les revenus du patrimoine (17,2%), les prélèvements obligatoires sur le capital sont très nombreux : taxes foncières locales sur la propriété immobilière, taxe et surtaxe d’habitation sur les résidences secondaires, IFI, droits d’enregistrement sur l’achat de biens immobiliers ou parts sociales, droit de succession et donation, taxes sur les baux, taxe sur les transactions financières… Ils représentaient 4,4 % du PIB en 2020 en France pour une moyenne de 2,5 % dans l’Union européenne.

Les revenus d’activité et de remplacement, qui totalisent près de 1 500 Md€, ont généré en 2024 220,3 Md€ d’impôt sur le revenu, CSG et RDS compris, soit une contribution fiscale de 14,7 % de ces revenus. Tandis que les impôts et taxes sur le patrimoine atteignaient, la même année, un montant d’au moins 122,8 Md€, à comparer aux revenus de ce patrimoine évalués à 200 Md€, soit une contribution fiscale de 61,4% de ces revenus.

En 2024, l’imposition du capital était donc en France 4,17 fois supérieure, en proportion, à celle des revenus d’activité et de remplacement.

L’iniquité fiscale française

La taxation des produits du patrimoine à un niveau du même ordre que celle des produits du travail relève de l’équité, mais l’imposition du patrimoine lui-même, pour sa seule détention, est plus discutable, notamment quand ce patrimoine a été acquis avec des revenus ayant déjà payé l’impôt ou des droits de succession et donation, qui sont en France parmi les plus importants au monde.

Au-delà d’une limite raisonnable, l’imposition devient confiscatoire comme l’observe d’ailleurs la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Et il est raisonnable (et même plus que raisonnable !) de considérer que cette limite ne devrait pas être supérieure, tous impôts confondus, à 50%, voire moins, car travailler à plus de la moitié de son temps pour payer des impôts est évidemment démobilisant et injuste.

Ceux qui s’enrichissent sont pour la plupart des entrepreneurs dont les capacités d’innovation et le savoir-faire permettent de proposer sur le marché des produits et des services que les consommateurs apprécient et achètent librement. En répondant aux besoins et envies de leurs clients, ils contribuent au progrès économique et social et à la richesse des nations.

Plutôt que de vouloir toujours punir plus ceux qui réussissent, les Piketty, Zucman et autres Ruffin, et les Français envieux en général, feraient mieux de se féliciter de l’existence de concitoyens riches en France. Et puisqu’ils regrettent que certains soient moins taxés que d’autres, une meilleure solution serait de simplifier l’impôt et de le rendre proportionnel, sur tous les revenus effectifs, pour que, comme ces cavaliers de l’apocalypse fiscale le souhaitent, l’impôt soit vraiment plus juste. et le même pour tous.

[1] Pour sa part, l’IPP ne prend en compte, indirectement, que les cotisations maladie et famille, pas les retraites et le chômage.

Lire l’article sur le site Le Point

5 réponses

  1. La première tromperie est de présenter ces « tordus » (gauche en terme de métier signifie tordu) comme des « économistes » , « fumistes » serait plus approprié !

  2. S’attaquer à un tout petit groupe, étranger ou très petit en France, (les juifs, les riches, les aficionados de corrida, le climat – qui ne riposte pas et ne contredit pas -, et bien d’autres) est une tactique politique qui « paye et ne mange pas de pain » du moment qu’elle flatte une certaine majorité dont on cherche le vote, et satisfait sa rancoeur ou sa jalousie. Il suffit de trouver un slogan invérifiable par le commun des mortels mais qui impacte fortement sur le social. Rappelons nous les manifs d’Arlette Laguiller contre la spéculation, je suis certain que peu de manifestants auraient su définir ce que c’est. De plus, c’est une façon de masquer l’absence de propositions et de solutions concrètes de la part de ceux qui attaquent.
    Taxons les riches qu’ils disent, avec en sous entendu : les problèmes seront résolus et l’argent sera pour le peuple, c’est là le coeur de l’arnaque politicienne. Mais s’ils le font, c’est que ça marche, malheureusement, il suffit de voir l’effervescence médiatique autour de ce Zucman pour comprendre la méthode.

  3. Que dire d’autre que l’extrémisme n’est pas un des composants de l’intelligence , cela ce saurait .
    Ce jeune homme qui n’a jamais connu l’entreprise ne peut donc qu’entre apercevoir les dégâts que pourrait causer une telle taxe plus destructrice de richesse que riche de pouvoir de répartition.
    Conseillons lui la théorie de la relativité

  4. excellent article que vous devriez faire paraître dans les journaux.
    mes remarques
    les français confondent PNB et PiB ( somme nationales des valeurs ajoutées) . Si les frais nationaux publiques, qui ne contribuent pas au PIB mais en prélèvent 50%, augmentent de 100 pour les financer il faut actuellement en France un accroissement de 200 du PIB. En période de stagnation le cas est délicat. Le recours à l’impôt est un pis aller néfaste pour l’avenir.
    La seule voie aujourd’hui est de supprimer toutes les redondances, les gratuités et les organisations parapubliques inutiles. Il y a eu plein d’écrits sur ces sujets par des personnalités connues et reconnues. En plus, a titre personnel ont devrait réduire le nombre de ministères, un conseil à 40 ne sert à rien, le nombre de députés et de sénateurs.

  5. Les riches et les très riches paient effectivement beaucoup trop d’impôts mais certains très très riches très peu, car ils utilisent des techniques d’évasion dont a récemment parlé : loger ses actifs personnels (yacht, supercar, villa…) dans des holdings peu imposables, ne percevoir aucun revenu pour ne pas être imposable mais emprunter à la place pour ses dépenses courantes (!), surestimer les prix de cession entre filiales et maison mère (immatriculée dans un « paradis » fiscal) etc. A ce niveau d’imagination pour ne vraiment RIEN payer, çà devient du vice. Alors non à la taxe ZUCMAN mais le fisc devrait revoir la situation de ces personnes pour qu’elles paient en proportion de leur niveau de vie (les taxer sur les avantages en nature ?).

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