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Que penserait Hayek de l’intelligence artificielle ?

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L’IA serait-elle en train de raviver l’illusion planificatrice dénoncée par Friedrich Hayek ? C’est la question que se posent Gary Saul Morson et Julio M. Ottino dans une tribune pour le Wall Street Journal. Comme au temps du socialisme scientifique, l’enthousiasme autour de l’IA ravive une vieille illusion : un petit groupe d’experts, assisté par des outils puissants, pense être capable de résoudre rationnellement les conflits humains.

Des acteurs institutionnels, comme le FMI, affirment que l’IA permettra de faire entendre vraiment la voix des citoyens et donc de renforcer la démocratie. Dans le secteur privé, des entreprises développent des grands modèles de langage (LLM), comme la « machine de Habermas », afin de faire converger les points de vue sur des sujets polarisants comme le Brexit ou le climat. L’idée implicite : si les humains communiquaient mieux, ou plus logiquement, ils finiraient par tomber d’accord. Il ne s’agit pas de trancher entre des visions du monde, mais de fluidifier les échanges jusqu’à éliminer les désaccords.

Pour les auteurs, cette approche méconnaît la nature des sociétés humaines. Les conflits politiques ou religieux ne tiennent pas à des malentendus : ils opposent des intérêts divergents, des valeurs irréconciliables, des conceptions du bien parfois incompatibles. Aucun algorithme ne peut dissoudre une guerre de religion ou régler la question israélo-palestinienne par une meilleure formulation. Cette foi dans le progrès technique relève du « techno-solutionnisme », une nouvelle incarnation de la planification centralisée. Comme les planificateurs soviétiques, certains ingénieurs croient que les comportements humains pourraient être prédits et coordonnés comme les lignes de code d’un logiciel. Sauf que, comme nous l’enseigne Friedrich Hayek, les phénomènes sociaux reposent sur une connaissance distribuée, contextuelle, partielle – que nul cerveau, humain ou artificiel, ne peut centraliser. C’est la « présomption fatale » du constructivisme : croire qu’un pouvoir central, fut-il algorithmique, peut saisir la complexité de l’ordre social.

Morson et Ottino prennent l’exemple d’Internet : des techno-solutionnistes pensaient qu’il allait rendre l’autoritarisme obsolète, alors qu’il a aussi été détourné par des États pour mettre en place une forme de censure numérique et de surveillance généralisée. L’IA est l’objet de fantasmes similaires parce qu’elle génère des textes fluides sur des enjeux politiques, mais cette clarté apparente masque l’absence de sens moral, de compréhension historique et de discernement. Elle renforce la tentation de déléguer aux machines des décisions profondément humaines. C’est pour cette raison que les guerres au Moyen-Orient échappent à toute solution technologique ; elles s’enracinent dans des siècles de mémoire, d’identités rivales et de théologies exclusives. Aucune IA ne peut les arbitrer.

Il ne s’agit pas de rejeter l’IA, mais de reconnaître ses limites. C’est un outil d’aide à la décision, de synthèse ou d’analyse. En revanche, elle ne peut porter un jugement de nature politique ou réconcilier des valeurs contradictoires. Croire que l’on peut résoudre les conflits en les déléguant à des algorithmes, c’est se méprendre sur ce qu’est la politique : la confrontation d’intérêts et de valeurs qui ne s’harmonisent pas spontanément.

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6 commentaires

Boutté 7 juillet 2025 - 9:22 am

L’enthousiasme des gauchistes pour l’intelligence artificielle est une indication pertinente de sa nuisance potentielle. On ne retirera de l’I.A. que la célérité de décision mais celle-ci est d’emblée inscrite dans vos ordinateurs. La Pravda pour tous, en somme !

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Oncpicsou 7 juillet 2025 - 12:33 pm

Amusez vous avec l’IA, expérimentez, vous serez surpris… j’ai même réussi à la faire changer d’avis! mais il faut la contredire et argumenter et bien formuler les questions, et quand elle à changé d’avis elle peut devenir plus percutante que vous même. Elle vous entraine à défendre vos idées ou à les amender. On apprend beaucoup de choses et je me demande même si dialoguer avec l’IA n’est pas plus gratifiant qu’avec bien des humains! Mais, on a peut être que l’IA que l’on mérite…
On pourrait dire que l’IA est le punchingball de la pensée…

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Oncpicsou 7 juillet 2025 - 10:03 am

Je suis d’accord.
Par contre, l’individu doit se l’approprier, elle lui permet de rechercher lui même des réponses, même sophistiquées, à des questions que la bien pensence élude! Je l’expérimente régulièrement.
C’est comme cela que je me suis fait ma propre opinion sur:
– La retraite par repartition.
– Le moratoire sur les renouvelables
Etc.
Par contre il faut formuler les bonnes questions et parfois contredire les réponses… c’est étonnant !

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Jojo 7 juillet 2025 - 10:37 am

On ne résoudra pas des conflits avec l’ IA, mais on peut espérer qu’elles propose des solutions ou des alternatives, intelligentes bien sùr, et en temps réel, qui donneraient des choix clairs aux peuples et aux politiciens, tout en démontrant que certaines orientations ne sont pas viables. En somme, utiliser l’IA pour ce qu’elle est, un outil très performant, et non pas pour ce qu’elle ne peut pas être, un organe de décision autoritaire.

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Mariah 7 juillet 2025 - 12:29 pm

L’IA est juste un outil et, comme tous les outils, elle a une finalité. Elle tient effectivement plus du couteau suisse que du marteau mais ce qui est important est bien d’être conscient des usages auxquels elle est destinée. Le marteau, par exemple, ne saura pas sur quoi il doit taper, un clou ou la tête du voisin. Idem pour l’IA.

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Christian MOREAUX 7 juillet 2025 - 1:58 pm

On ne retirera pas de l’IA plus d’intelligence qu’elle ne peut en collecter sur le net, car n’étant pas spécialiste, je me suis laissé dire que l’IA répond aux questions posées en collectant sur le Net une foule d’informations ( choisies par mots clés je suppose?) relatives au sujet et qu’elle donne une réponse après un traitement statistique des informations que les algorithmes ont retenues comme pertinentes. Or chacun peut constater que le Net est de plus en plus le lieu des fake news, des arnaques, de la manipulation de masse, et on se demande bien comment les statistiques peuvent être pertinentes quand une majorité d’informations sont erronées! La seule intelligence qui préside au fonctionnement de ce machin pourrait être celle de ceux qui ont écrit les programmes, mais vu la baisse générale du niveau de culture de nos contemporains, j’ai de sérieux doutes, tellement sérieux d’ailleurs que je vais poser la question à ChatGPT!!!!!!!!!!! ( c’est une boutade bien sûr!)

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