Une étude de la Confédération européenne des syndicats (CES) a chiffré ce que coûtent aux pays européens les dépressions au travail. Ou plutôt ce qu’elles coûteraient car l’estimation va de 45 à 103 milliards d’euros (Md€). Notons, par ailleurs, que les données utilisées sont celles de l’année 2015. Données périmées et fourchette très large : peut-on vraiment accorder un quelconque intérêt à cette étude ? En quoi permet-elle d’agir, notamment en prenant des mesures qui permettraient d’améliorer la situation ?
Pourtant, la presse a largement relayé ses résultats, mettant en avant l’estimation la plus haute (103 Md€) et insistant sur le fait que la France y contribue pour plus d’un cinquième (21%) avec 22 Md€ (9,3 Md€ pour l’estimation basse). Cela montrerait que les risques psycho-sociaux (RPS) sont insuffisamment pris en compte dans notre pays où les dépressions seraient dues au harcèlement moral, à la pression et au déséquilibre entre l’effort fourni et la récompense obtenue. Bref, ce serait le management « à la française » – le plus mauvais d’Europe – qui serait responsable de cette situation.
Cependant ne jetons pas l’étude de la CES tout de suite à la poubelle. Prenons la peine de la lire attentivement pour faire deux observations.
La première est que, pour la CES, ce sont les employeurs qui supportent la majeure partie du fardeau économique des dépressions, sous forme de pertes de production dues à la fois aux absences pour maladie et au présentéisme (c’est-à-dire le fait de venir au travail en étant malade et, par conséquent, peu productif).
Dans ces conditions, il n’est guère étonnant que les pays les plus peuplés soient ceux où le coût des dépressions est le plus important. On trouve ainsi aux premiers rangs (en termes de coûts totaux des dépressions), outre la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie, l’Espagne, etc. A l’inverse, les petits pays comme Malte, le Luxembourg, Chypre, l’Estonie, la Lettonie, etc. sont les pays avec les coûts totaux les plus faibles.
En revanche, si l’on regarde plutôt le coût de ces dépressions pour 100 000 travailleurs, la hiérarchie est quelque peu bouleversée. La France garde la tête du classement avec 77,5 millions d’euros (M€), mais elle est suivie par la Belgique (68,5 M€), la Finlande (54,7 M€), l’Irlande (54,3 M€), les Pays-Bas (50,8 M€), le Luxembourg (49,8 M€), etc. Tous ces pays offraient, en 2015, un salaire annuel moyen supérieur à la moyenne de l’OCDE.
Mais, ce sera ma seconde observation, parmi ces pays se trouvent aussi ceux où le coût du travail est le plus élevé. La France et la Belgique sont même les deux pays d’Europe où les charges sociales, patronales et salariales, sont les plus hautes.
On peut alors supposer, en effet, que les salariés de ces deux pays subissent davantage de pression qu’ailleurs. On peut imaginer que, là où l’entreprise aurait besoin de dix collaborateurs, elle n’en embauche que neuf. La charge de travail s’alourdit alors pour chacun générant fatigue, stress, énervement… et dépression. Y compris chez les managers.
Baisser le coût du travail, alléger un droit social qui dissuade bien des bonnes volontés, et plus largement limiter les réglementations et réduire la fiscalité… voilà qui pourrait être bon pour le moral et la santé des travailleurs.
4 commentaires
“là où l’entreprise aurait besoin de dix collaborateurs, elle n’en embauche que neuf. La charge de travail s’alourdit alors pour chacun générant fatigue, stress, énervement… et dépression. Y compris chez les managers”
Dis-donc, nos parents, grands parents aïeux en général devait être sacrément dépressif quand on connait la charge de travail qu’ils avaient à l’époque…
commentaire affligeant…
Ils travaillaient plus… Plusieurs psys m’ont affirmé que leur patients s’étaient multipliés sous l’effet des lois Aubry sur les 35 heures !
Surprenant pour un pays dans lequel le temps de travail est un des plus bas !!!!