Un reportage diffusé dans la matinale de LCI le 27 novembre était consacré aux « chefs-d’œuvre à la place des pubs ». Il était dithyrambique sur l’opération lancée durant la crise sanitaire par la Ville de Saint-Dizier et aujourd’hui étendue à 32 villes de 1.000 à 150.000 habitants : « La beauté sauvera le monde » (une citation de Dostoïevski).
Le mieux est de se rendre sur le site (labeautesauveralemonde.fr). On y apprend qu’il s’agit d’une initiative qui remonte à 2021 « visant à profiter de l’espace public et des lieux de services publics pour déployer des œuvres d’arts (« sic »), visibles de tous ». L’initiative « vise à mettre l’art et le beau à porter (sic) de tous et élever les regards pour susciter l’émerveillement, l’interrogation, la découverte ». En revanche, il semble que sur ce site, la langue française ne soit pas à la portée de tous… A preuve le paragraphe qui suit selon lequel l’initiative « permet de donner accès à la culture au maximum de personnes en s’établissant (sic) dans l’espace public, dernier lieu qu’on (« sic ») en commun ceux qui n’ont plus rien en commun ». Dostoïevski doit se retourner dans sa tombe…
Le site nous indique ensuite que « des thèmes ludiques, lumineux et positifs seront priorisés (sic) dans la sélection des œuvres », effectuée par Le Grand Palais-Réunion des Musées Nationaux. 2024 « est l’année de la duplication (sic) nationale proposée à toutes les villes désireuses de rejoindre la manifestation ». Le rédacteur a dû être inspiré par Flaubert…
Dans le reportage de LCI, le maire de Saint-Dizier explique que la publicité, « c’est moche et c’est fait pour vendre. On va mettre de la beauté gratuite ». On pourra lui rétorquer que si de nombreuses publicités peuvent être objectivement laides et, ajouterons-nous, stupides, il en existe d’utiles, de drôles et/ou de belles. Les publicités qui vantent le savoir-faire et le luxe français sont-elles « moches » ?
Surtout, le contribuable qui sommeille en nous s’éveille : qui va payer la gratuité ? Car enfin, à la place de panneaux publicitaires qui rapportent, on met des images qui ne rapportent rien, ce qui est une chose, mais qui par surcroît coûtent. Le pot aux roses est d’ailleurs dévoilé par le maire lui-même lorsqu’il reconnaît, ingénu, que le coût d’une affiche, location des panneaux incluse, s’élève de 50 à 100 euros pièce, soit 9.000 € pour la municipalité de 26.000 habitants. Voilà une « gratuité » qui coûte cher…
Pourtant, cette « gratuité » prétendue se trouve mise en avant dans beaucoup de reportages consacrés à l’opération. « Au moins, c’est gratuit », s’extasie un piéton (France Culture, 27 novembre 2024). Quant à la maire d’Aubervilliers, elle tient que sa ville « a droit au beau » (France Bleu, 19 novembre 2024). Un nouveau droit-créance qui détonne !
Une dernière précision : ne croyez pas, chers lecteurs, chers contribuables, qu’il s’agisse de lubies de maires de gauche ou d’extrême gauche. Les deux municipalités citées plus haut sont respectivement gérées par la droite et par le centre.
2 commentaires
Pour le choix des œuvres choisies pour être exposées aux regards ébahis des badauds, je crains le pire.
Souvenez vous de la campagne Aubade : de la pub et de l’art. Une commune peut faire les deux en gagnant de l’argent.