Jordan Bardella, un libéral ?

Jordan Bardella chercherait à capter un électorat plus large que celui de Marine Le Pen.

Marine Le Pen a voulu rénover le programme et surtout l’image du Front National. On a souvent relevé la disparition des outrances et des saillies antisémites. On a moins souvent mis l’accent sur le programme économique et social de ce qui est devenu le Rassemblement National. Lors de la dernière élection présidentielle, le très antilibéral Eric Zemmour avait voulu se démarquer de sa concurrente en libéralisant quelques aspects de ses propositions pour bien montrer en contrepoint combien le programme du RN était « socialiste ». En 2024, Eric Ciotti s’est rallié au RN en adoptant lui-aussi des propositions parfois libérales et en reconnaissant à plusieurs reprises les « différences » qui séparaient son mouvement, l’UDR, de celui de Marine Le Pen, notamment en ce qui concernait la question des retraites, mais il n’en avait pas moins parlé du « virage libéral du parti de Jordan Bardella » (Les Echos, 4 juillet 2024).

Bombardé à la tête du RN et d’ores et déjà candidat à la prochaine élection présidentielle si Marine Le Pen ne pouvait finalement pas se présenter, Jordan Bardella est l’objet de toutes les attentions. Ses déclarations changeantes entre les deux tours des élections législatives de l’année dernière n’avaient guère contribué à clarifier les choses. Un papier du Huffington Post (16 novembre 2024) avait ensuite prétendu : « avec Jordan Bardella, le RN tente un tournant libéral pour grand remplacer (sic) la droite ». Un article récent de L’Express (15 mai 2025) se situe dans la même veine en pointant les rapports entre le président du RN et le libéralisme sous le titre « Bardella, dauphin d’une autre droite ». Il est ainsi présenté : « Le Président du RN ambitionne de capter un électorat plus large que celui de Marine Le Pen, plus libéral qu’étatiste ».

A vrai dire, l’article de L’Express est vague et manifestement il ne comprend pas ce que signifie le libéralisme. En effet, il rappelle que Jordan Bardella a été invité à un déjeuner-débat organisé à Paris le 28 avril par Ethic autour de la question « Jusqu’où êtes-vous libéral économiquement ? ». La présidente de l’organisation patronale, Sophie de Menthon, n’avait pas hésité à apparenter le programme de Marine Le Pen « plutôt au socialisme ». Puis, le journaliste Pascal Perri avait posé à Jordan Bardella les questions suivantes : « Etes-vous un représentant du canal historique (du RN) ou un vrai libéral ? Etes-vous favorable à une bascule des cotisations sociales vers la Tva ? » Nous ne savions pas que cette « bascule » était un critère du libéralisme, mais passons… Voici les réponses du Président du RN : « Je ne suis ni dans l’ultralibéralisme caricatural, ni dans l’étatisme ruineux », avant d’ajouter : « Je suis libéral jusqu’à ce que ce soit dans l’intérêt de la France ». Eric Ciotti va avoir beaucoup de travail pour faire comprendre au (très) jeune président du RN ce qu’est le libéralisme…