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Le label « Finance Europe » est-il la solution miracle pour financer l’économie européenne ?

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label « Finance Europe » © Facebook Ministère de l’Économie

Les Européens épargneraient mal. Leur argent est soit placé à l’étranger, soit sur le continent mais dans de l’épargne de courte durée à faible rendement. Pour y remédier, le label « Finance Europe » vient d’être lancé. Est-ce vraiment la solution miracle annoncée ?

L’Union européenne (UE) manque d’épargne, ce qui nuit à l’innovation et explique notamment son retard technologique. Comme l’indique le rapport Draghi : « Aucune entreprise européenne dont la capitalisation boursière dépasse 100 milliards d’euros (Md€) n’a été créée de toutes pièces au cours des cinquante dernières années, alors que les six entreprises américaines dont l’évaluation dépasse 1 000 Md€ ont toutes été créées au cours de cette période ».

Andrew McAfee, chercheur au Massachussetts Institute of Technology (MIT), qui a voulu vérifier ce qu’affirmait Draghi, a trouvé 14 entreprises européennes de moins de 50 ans totalisant 10 Md$ de capitalisation. La capitalisation boursière totale de ces quatorze sociétés continentales est d’environ 430 Md$. McAfee a fait le même exercice pour les Etats-Unis et a trouvé 243 entreprises capitalisant 30 000 Md$ (soit près de 70 fois plus que les européennes).

Les Européens épargnent 1,7 fois plus que les Américains

Pourtant, comme le dit Éric Lombard, ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, les Européens « sont parmi les meilleurs épargnants au monde ». Mais leurs 35 000 milliards d’euros (Md€) d’épargne contribuent peu « au financement de l’économie européenne – et ne permet pas toujours à ses détenteurs d’en tirer le meilleur rendement. Chaque année, 20% de l’épargne de la zone euro est investie à l’étranger, tandis que les 80% restants demeurent majoritairement placés sur des comptes bancaires à faible rendement ».

Le dossier de presse fourni à l’occasion du lancement du label le 6 juin 2025 donne quelques chiffres supplémentaires :

  • le taux d’épargne des ménages européens est de 13,3% contre 7,9% pour les américains ;
  • environ la moitié de l’épargne des ménages de l’UE est placée sur des dépôts bancaires ou des produits liquides garantis ;
  • seuls 11 000 Md€ (sur les 35 000 Md€ d’épargne des Européens) seraient investis avec une réelle perspective de long terme ;
  • l’UE représente 17,5% du PIB mondial mais seulement 11% de la capitalisation boursière mondiale ;
  • la taille des marchés actions de l’UE devrait être supérieure de 60% à son niveau actuel.

Or, nous explique-t-on, l’UE « doit faire face à des besoins de financement massifs pour ses priorités stratégiques : transition écologique, innovation numérique, infrastructures critiques. D’ici 2030, ces défis nécessiteront un investissement supplémentaire estimé à 800 Md€ ». Pour cela, il est indispensable de « réorienter nos flux d’épargne vers nos propres entreprises européennes ».

Ainsi Éric Lombard et son homologue socialiste espagnol, Carlos Cuerpo Caballero, ont décidé – tels des super-héros – de prendre les choses en main afin que le financement des entreprises européennes soit assuré. Ils créent donc le label « Finance Europe » qui est, écrit notre ministre des Finances, une « étape capitale dans la construction d’une économie européenne forte, souveraine et tournée vers l’avenir ».

Qu’est-ce que le label « Finance Europe » ?

Il ne s’agit pas d’un nouveau produit financier, mais d’une labellisation de produits existants ou nouvellement créés permettant d’offrir aux épargnants « une boussole claire et fiable pour leurs choix de placements financiers à long terme ».

Les produits labellisés devront avoir au moins 70% de leurs actifs investis dans l’Espace économique européen (EEE), prioritairement en actions, et devront comporter une incitation à la détention de long terme (minimum 5 ans).

Il est important de noter que ce label n’est pas une réglementation européenne de plus mais une initiative intergouvernementale, ouverte à tous les États membres souhaitant y participer. Outre la France et l’Espagne, l’Allemagne, les Pays-Bas, le Portugal, le Luxembourg et l’Estonie se sont déjà associés au projet.

Par ailleurs, il repose sur « une approche volontaire et décentralisée » : ce sont les acteurs de marché (banques, assurances, sociétés de gestion) qui se l’autodélivrent en déclarant leurs produits conformes au référentiel, à charge pour les autorités nationales compétentes de vérifier le respect effectif des critères.

Ce label est-il à la hauteur des enjeux ?

A en croire Éric Lombard et ses collègues, ce label serait LA panacée. Il permettrait aux entreprises de trouver de nouvelles solutions de financement pour satisfaire leurs besoins. Il encouragerait la mobilisation de l’épargne européenne vers l’investissement productif. Il jouerait un rôle de levier pour orienter les capitaux privés vers les priorités clés de l’UE. Enfin, il faciliterait l’identification et le choix, par les épargnants, des produits de long terme contribuant au financement de la croissance européenne, et il leur offrirait la possibilité d’augmenter le rendement de leur capital.

Qu’il nous soit permis d’émettre quelques remarques à la fois sur le constat et sur la solution.

Tout d’abord sur le constat : le manque d’innovation en Europe, et par conséquent de champions technologiques, est en grande partie de la responsabilité des autorités européennes. Comme le dit le rapport Draghi, ce sont les « réglementations incohérentes et restrictives » de l’UE qui en sont responsables. Pour Andrew McAfee, les réglementations restrictives sont les pires. « L’UE, écrit-il, impose trop de restrictions et d’exigences à ses jeunes entreprises technologiques […]. Attendre d’elles qu’elles rattrapent leurs homologues américaines tout en travaillant sous ces contraintes revient à attendre des joueurs de football américains qu’ils surpassent leurs rivaux européens tout en portant des gilets pare-balles, des bandeaux sur les yeux et des chaussures de clown ». Certes, la Commission européenne s’est lancée dans une démarche de simplification, notamment des directives CS3D (sur le devoir de vigilance) et CSRD (sur les rapports en matière de durabilité des entreprises), mais il faudrait aller beaucoup plus loin.

Ensuite, il est indéniable que nombre de gouvernements européens, et au premier chef le gouvernement français, en refusant obstinément de mettre en Å“uvre la retraite par capitalisation, sont responsables du manque de capitaux en Europe. Comme l’ont montré nos confrères de l’Institut économique Molinari (IEM), le déficit de capitalisation boursière de l’UE par rapport aux Etats-Unis était de 19 300 Md€ fin 2023. La capitalisation des entreprises de l’UE représentait alors 65% du PIB, contre 177% aux Etats-Unis. Cette différence est « la conséquence de la rareté de l’épargne longue européenne consécutive à la faiblesse accordée aux retraites par capitalisation dans toute une série de pays continentaux ». Par rapport aux Etats-Unis, « il manquait 19 700 Md€ d’épargne longue fin 2023 dans l’UE. L’épargne retraite représentaient 28% du PIB fin 2023 en Europe, contre en moyenne 143% aux Etats-Unis ».

Il ne faut pas non plus perdre de vue que si les Européens mettent leur épargne sur des produits garantis, comme les fonds en euros, cela fait les affaires des États qui placent ainsi une partie de leur dette. En France, par exemple, plus d’un quart de la dette souveraine se retrouve dans les assurances-vie.

Enfin, tenter de culpabiliser les Européens en leur faisant croire qu’ils sont de mauvais citoyens puisqu’ils investissent chaque année 20% de leur épargne hors du continent est de mauvais aloi. C’est au contraire faire preuve de discernement que de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Diversifier ses investissements, y compris géographiquement, est une des règles d’or de l’épargnant avisé.

Quant à la solution du label « Finance Europe », elle ne peut apparaître que comme un gadget. Elle est loin d’être à la hauteur des enjeux. C’est, nous l’avons dit, en poursuivant dans la voie de la déréglementation et dans celle de la retraite par capitalisation que l’Europe pourra permettre à ses entreprises de se développer et de tenter de concurrencer les américaines (et accessoirement les chinoises).

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9 commentaires

leroux 19 juin 2025 - 8:22 am

comment inciter les Français fortunés à investir dans Capital europe alors que dans le même temps le ministre des finances français perle de taxer les investissement dans le capital
ce miel est comne toujours en France un leurre
déclarer qu’il n’y aura plus jamais de taxation , d’imposition du capital ( isf, ifi rtc..) en france
avec cet engagement les investissement cuberont
mais il faut une vue claire et un courage politique

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Albatros 19 juin 2025 - 9:05 am

Ne rien attendre d’un type comme Lombard. Un socialiste magouilleur et fraudeur sur sa déclaration de patrimoine, sans aucune vergogne avec une tête de “père la rigueur” qui rebuterait même une chatte en chaleur.

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Poivre 19 juin 2025 - 9:06 am

“Enfin, il faciliterait l’identification et le choix, par les épargnants, des produits de long terme contribuant au financement de la croissance européenne, et il leur offrirait la possibilité d’augmenter le rendement de leur capital.”

Si l’on considère le PEA Français, qui ne peut contenir que des actions européennes, on constate que les banques (LBP par exemple) refusent obstinément aux titulaires l’achat des valeurs de pays européens (Espagne, Allemagne, Italie , Portugal….) Espérons que cette réforme corrige enfin cette anomalie !
Enfin, ce PËA, initialement assez favorable à l’investissement dans les entreprises, n’a cessé d’être dégradé par l’avènement de l’interdiction d’y détenir des valeurs immobilières cotées puis par l’application de la fiscalité CSG CRDS aux plus values éventuelles lors de la revente de titres à l’issue du délai de huit ans de détention…

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Jojo 19 juin 2025 - 9:06 am

Et quid des impôts ? Quelle est l’intention cachée des Finances derrière ce label supposé être la solution miracle? On sait l’État affamé, rapace et cachotier, il y lieu de se méfier de toute proposition trop alléchante, puiqu’on dit que tout ce qui est trop beau pour être vrai n’est pas vrai.

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Jean-Aymar de Sékonla 19 juin 2025 - 11:21 am

C’est de la com de littéraires qui ne comprennent rien à l’innovation ni à l’économie… mais qui ont le pouvoir! Il est là le problème. C’est en démissionnant et en laissant la place à des personnes compétentes qu’ils rendraient service à l’Europe… Mais que deviendraient ils?

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Virgile 19 juin 2025 - 12:07 pm

Soit ils sont complètement idiots, soit ils se moquent de nous. Tout le monde sait pourquoi on n’investit pas en Europe, et encore moins en France. Taxation et réglementation débile qui freine la croissance économique, donc les rendements. Ils nous prennent pour des pigeons!

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Revet U 19 juin 2025 - 12:44 pm

Créer un label ! Une solution bien Macronienne. Ça fait penser à France travail pour Pôle emploi avec l’amélioration que l’on sait.

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Orilou 19 juin 2025 - 6:12 pm

Si les Français économisent autant, c’est qu’ils n’ont pas confiance en l’avenir ni au gouvernements . Celles et ceux ayant déjà investi dans des P.E.A. n’ont rien gagné, certains ont même perdu de l’argent ! Quid des impôts que notre république rapace ne manquera pas de créer ? Rien pour inciter les Français à investir dans la bourse !
Quant à la tarte à le crème de la retraite par capitalisation, outre qu’elle est sujette aux variations boursières, elle ne concerne pas les épargnants déjà retraités !

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Yves Heulenote- Poh 19 juin 2025 - 6:39 pm

IL me semble qu’une fois de plus on prend le problème à l’envers . Ces messieurs de Bercy aimeraient disposer de notre épargne alors ils créent un véhicule censé nous intéresser. N’auraient ils pas mieux fait de nous demander ce que nous recherchons pour placer notre épargne , durée , taux , disponibilité , fiscalité . Par ailleurs ils devraient comprendre que l’entrain que nous avons à leur confier notre épargne est strictement proportionnel à la confiance qu’ils nous inspirent.
Les résultats sont là , hélas.
Une sicav action omnibus ( placement possible sur tout titre ) à disponibilité immédiate et à plus value défiscalisée si durée de détention supérieure à un an ( for example) , voilà ce que les épargnants attendent .

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