Institut de Recherches Economiques et Fiscales

Faire un don

Nos ressources proviennent uniquement des dons privés !

Journal des Libertes
anglais
Accueil » La détérioration des finances publiques de l’Allemagne pourrait mettre en danger toute l’Union européenne

La détérioration des finances publiques de l’Allemagne pourrait mettre en danger toute l’Union européenne

Traduction par Aymeric Belaud

par
1 677 vues
German debt

Les marchés veulent croire que les dettes de 1 500 milliards d’euros des institutions supranationales de l’Union européenne (UE), du Mécanisme européen de stabilité (MES), du Fonds européen de stabilité financière (FESF) et de la Banque européenne d’investissement (BEI), sont bonnes parce qu’elles « retombent toutes sur l’Allemagne ». L’Allemagne est également le garant des 800 milliards d’euros de pertes latentes des programmes d’achat d’actifs et du programme d’achat d’urgence en cas de pandémie de la Banque centrale européenne, ainsi que de toutes les pertes qui surviennent dans le cadre de TARGET2 (la principale plate-forme européenne de traitement des paiements de montant élevé, utilisée à la fois par les banques centrales et les banques commerciales pour exécuter les paiements en euros en temps réel). À cela s’ajoute la volonté supposée de l’Allemagne d’apporter la principale contribution pour venir à la rescousse des autres États membres de la zone euro, qui doivent 10,2 billions d’euros en plus de ce qui leur a déjà été prêté par les mécanismes de sauvetage de cette même zone…

La dette de l’Allemagne s’élève aujourd’hui à 2,67 billions d’euros pour un PIB de 4,28 billions d’euros, soit un ratio dette/PIB de 62,4 %. Ce ratio est déjà élevé par rapport aux autres emprunteurs de l’UE notés AAA (Pays-Bas 42,2 %, Luxembourg 26,6 %, Suède 31,6 %, Danemark 33,6 %). Une fois qu’elle aura contracté ses nouveaux emprunts, l’Allemagne risquerait alors de perdre sa notation AAA, ce qui entraînerait « la chute de la maison ».

Qu’arrivera-t-il à l’UE si l’Allemagne perd sa notation AAA ?

L’UE et le MES perdront leur notation AAA lorsque l’Allemagne perdra la sienne, car leurs dettes ne bénéficieront plus du soutien d’États membres notés AAA pour plus de 100 % de leur valeur. Le FESF en a déjà fait l’expérience. Ses dettes d’environ 170 milliards d’euros ne sont dépassées au pourcentage requis que si l’on tient compte des garanties des États membres notés AA-. L’abaissement de la note de la France à AA- a entraîné l’abaissement de la note du FESF à AA-. Une dégradation de la note de l’Allemagne à AA+ n’entraînerait pas une nouvelle dégradation du FESF, mais n’améliorerait certes pas la situation.

La note de la BEI pourrait ne pas être dégradée, car elle dispose d’une base d’actifs plus large que les autres institutions supranationales de l’UE, mais elle s’en trouverait affaiblie.

L’obligation qu’a l’Allemagne de verser des capitaux supplémentaires à hauteur de 43 milliards d’euros est la plus importante de tous les Etats membres. Une baisse de AAA à AA+ est un pas dans la mauvaise direction.

Quelle est la marge de manœuvre de l’Allemagne avant qu’elle ne perde sa notation AAA ?

La marge de manœuvre de l’Allemagne réside dans la différence entre son PIB x 85 % (où elle est supposée perdre sa notation AAA) et son PIB x 62 % (son ratio dette/PIB actuel). Cette capacité est actuellement de 23 % du PIB. Avec un PIB de 4 300 milliards d’euros, cela fait 989 milliards d’euros, qui sont censés couvrir 2,3 billions d’euros au niveau de l’UE :

  • les dettes supranationales de l’UE de 1,5 trillion d’euros
  • les pertes non réalisées sur les programmes de la BCE de 800 milliards d’euros

La garantie contractuelle de l’Allemagne est de 1,3 trillion d’euros : 1,4 trillion d’euros sur le papier, mais diminué parce que les dettes du MES et du FESF sont inférieures au montant nominal de la garantie de l’Allemagne. Les marchés estiment que 2,3 trillions d’euros « reviennent à l’Allemagne », alors qu’il n’existe une voie de suivi légale que pour 1,3 trillion d’euros.

Combien l’Allemagne va-t-elle emprunter en plus ?

Les estimations de l’emprunt supplémentaire varient, inexplicablement, de 500 milliards d’euros à 1 000 milliards d’euros. En gros, le premier chiffre représente 11,7 % du PIB, le second, 23,4 %. Le ratio dette/PIB passerait à 74,1 % avec le premier, et à 85,8 % avec le second. L’Allemagne perdrait alors sa notation AAA.

Le PIB augmentera à mesure que la nouvelle dette sera dépensée, mais il est peu probable qu’il y ait ensuite une croissance proportionnelle du PIB. Les dépenses ne concernent pas uniquement les usines ou les machines. Les « actifs » de la défense civile et militaire entraînent des coûts d’entretien et d’équipage, en plus des coûts d’investissement, mais ne génèrent pas de revenus. En outre, ils risquent d’être détruits dans l’accomplissement de leur mission.

L’UE prévoit d’emprunter 150 milliards d’euros supplémentaires dans le cadre de son « plan réarmement ». Fitch Ratings a déjà signalé que l’endettement supplémentaire au niveau supranational de l’UE est désormais activement pris en compte dans les notations des États membres, et vice versa.

Coût d’un renflouement et capacité à faire face au coût d’un sauvetage

Un « renflouement en euros » pourrait se matérialiser par l’injection d’argent dans les institutions supranationales de l’UE ou dans les États membres, ou partiellement dans les deux, par exemple pour augmenter les ressources du MES afin qu’il puisse accorder des prêts à un État membre. Il n’est pas nécessaire que le coût du renflouement soit élevé en pourcentage des montants totaux en jeu pour que le problème devienne évident. Une perte de valeur de 25 % sur le montant destiné aux institutions supranationales de l’UE – y compris les 150 milliards d’euros d’emprunts de l’UE pour « réarmer » – coûterait 600 milliards d’euros, soit 25 % de 2,4 trillions d’euros. Une perte de valeur de 25 % sur les dettes de tous les États membres de la zone euro (à l’exception de celles de l’Allemagne et de celles détenues par l’UE, le MES et le FESF) coûterait 2,6 billions d’euros, soit 25 % de 10,2 billions d’euros. Les deux pertes de valeur s’élèvent à 3,2 billions d’euros.

Le fonds de réserve effectif derrière l’euro n’est pas le MES, mais la capacité d’endettement actuellement inutilisée de l’Allemagne avant qu’elle ne perde sa notation AAA. La marge de manœuvre actuelle est d’un peu moins de 1 000 milliards d’euros. La moitié de cette marge sera utilisée si 500 milliards d’euros sont empruntés, et la totalité si 1 000 milliards d’euros sont empruntés.

Actuellement, l’Allemagne dispose d’une capacité de 1 000 milliards d’euros pour faire face à une facture de sauvetage totale de 3 200 milliards d’euros, soit un ratio de couverture de 31 %. Le ratio de couverture tombe à 16 % si 500 milliards d’euros sont empruntés, et à 0 % si 1 000 milliards d’euros sont empruntés.

Conclusion

Les finances de la zone euro – et de l’UE – reposent sur le coussin gonflable qu’est la capacité d’endettement actuellement inutilisée de l’Allemagne avant qu’elle ne perde sa notation AAA. Les marchés trouvent commode de considérer que des billions d’euros de dette sont bons parce que, d’une manière ou d’une autre, ils retombent sur l’Allemagne, mais ils ne semblent pas avoir encore pris en compte le montant total de l’argent qui « revient à l’Allemagne » ni celui de ce que l’Allemagne a elle-même emprunté.

La même capacité de service de la dette est supposée être disponible et adéquate pour faire face à deux piles d’engagements d’environ 3 000 milliards d’euros chacune, la pile de l’Allemagne étant susceptible d’atteindre 3 200 milliards d’euros, voire 3 700 milliards d’euros.

Que le mécanisme du frein à l’endettement se relâche en Allemagne attire fâcheusement l’attention sur la petite taille de son coussin gonflable et sur le fait qu’elle prévoie en outre de le dégonfler, voire de le réduire à néant. Il n’y a donc pratiquement pas de garantie de qualité AAA pour les dettes des institutions supranationales de l’UE ou pour les dettes des autres États membres de la zone euro, au cas où ils auraient besoin d’un renflouement financier.

Lire l’article sur notre site en anglais

Abonnez-vous à la Lettre des libertés !

Laissez un commentaire

1 commenter

Thierry 15 mai 2025 - 9:17 am

Nous pouvons certainement y associer la valeur de la monnaie unique ‘l’EURO a l’international

Répondre