Dans un récent entretien, le président de l’Argentine Javier Milei, élu en 2023, nous donne une leçon de liberté au sens large, dont Européens et Nord-Américains pourraient peut-être tirer profit. La liberté, nous dit-il, doit déjà être vigoureusement défendue sur le plan économique. Non seulement « le commerce n’a jamais appauvri personne », mais il est une formidable « machine à fabriquer de la prospérité. […] Nous devrions chercher par tous les moyens, ajoute-t-il, à libéraliser davantage de marchés et à nous ouvrir davantage au reste du monde ». Mais sa défense de la liberté déborde, de beaucoup, les limites de la seule vie économique.
Il faut toujours défendre la liberté des échanges
Certes, l’indéniable côté extravagant de Milei peut déconcerter, sinon irriter : ainsi lorsque, pour faire comprendre qu’il réalisera d’importantes coupes budgétaires, il apparaît en public… avec une tronçonneuse. Ou encore lorsqu’il se présente en tenue carnavalesque de superhéros entonnant une parodie de Verdi, « la Traviata Economica », afin d’illustrer le combat qu’il compte mener dans son pays contre la récession économique… Cela dit, nous aurions grand tort de ne voir en lui que l’incarnation du « pouvoir grotesque » ou qu’un « dirigeant bouffon », pour reprendre certaines formulations qu’on a pu lire dans la presse. Milei part avant tout d’une constatation, que les socialistes tendent à vouloir faire oublier mais qui ne s’en impose que plus : du temps qu’elle avait épousé la cause de la liberté à la fin du XIXe siècle, l’Argentine se trouvait être l’un des pays les plus riches non pas seulement d’Amérique du Sud mais du monde ! « Mais, nous rappelle Milei, à partir du moment où les idées socialistes y ont été de plus en plus largement introduites, elles nous ont plongés dans la décadence. […] Ce qu’il faut faire, conclut-il, c’est poursuivre le combat en faveur des idées de liberté ».
On assimile souvent Javier Milei à d’autres dirigeants ou ex-dirigeants politiques dans le monde catalogués comme « populistes » (Trump, Bolsonaro, Orban…). Or on ne manquera pas de souligner ici quelques flagrants contrastes. Trump, par exemple, a déclaré que s’il était à nouveau élu président, il s’empresserait d’imposer une taxe douanière d’au moins 10% à l’ensemble des produits importés sur le territoire des États-Unis. Certes, l’IREF l’a d’ailleurs souvent écrit, le bilan économique de la présidence Trump fut globalement positif, notamment grâce à la forte baisse du taux d’impôt sur les sociétés. Mais sur le plan du commerce, Trump reste un fervent partisan du protectionnisme, incapable qu’il semble être de se déprendre de la vieille idée selon laquelle les échanges internationaux n’engendreraient par essence que des gagnants et des perdants.
Se ranger en politique étrangère dans le camp des démocraties libérales
La liberté, Milei ne la revendique pas que dans le domaine économique. Loin de n’être qu’un « pragmatique », il a bien compris le fondement moral du libéralisme, dont il défend une version globale et non hémiplégique. « Ce qui importe le plus selon moi, précise-t-il dans l’entretien en question, c’est le fait que le débat autour de la liberté est un débat d’ordre moral ». Il s’étend donc aussi au domaine géopolitique. « Ce qui importe, poursuit-il, n’est pas uniquement l’augmentation du niveau de vie liée à l’élargissement du commerce. Ce qui importe aussi, c’est que l’Amérique latine ne soit pas tentée de forger des liens avec les autocrates […]. Le monde […] devrait se diviser entre les démocraties libérales et les régimes autocratiques. Je veux que l’Argentine soit du côté des démocraties libérales […] ».
On aimerait voir Trump réaffirmer ce principe avec autant de force. Trump, rappelons-le, a eu raison de taper du poing sur la table pour exiger que les membres de l’OTAN satisfassent à leurs obligations de financement en consacrant au moins 2% de leur PIB à la défense. Mais on se souvient aussi de la manière dont il a complètement déraillé lors d’un meeting en Caroline du Sud en février de cette année, quand il a déclaré que non seulement il ne protègerait pas un pays membre de l’alliance qui ne paierait pas son dû, mais qu’il « encouragerait même (ses ennemis) à (lui) faire ce qu’ils veulent » (je souligne)… Une déclaration lunaire qui n’a sûrement eu d’autre but que de galvaniser sa base électorale, et qui a dû réjouir nombre d’autocrates ayant des vues sur certains pays du monde libre…
Nous ne pouvons donc que saluer la cohérence du discours de Milei lorsqu’il déclare : « Nous devons nous assurer que nous sommes du bon côté de l’histoire, c’est-à-dire du côté des démocraties libérales, et non du côté des autocrates ». A contrario, quelle dérision suscitée par celui de Trump lorsqu’il avait affirmé, après un pic de tension, pouvoir « apaiser » le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un ! A vrai dire sans grands résultats… Trump est imprévisible. Cela peut être une force de dissuasion vis-à-vis des autocrates de la planète, mais cela peut aussi révéler une absence de convictions profondes, du moins de convictions authentiquement libérales. On peut sans doute parler à propos de Milei de « populisme », dans la mesure où l’actuel président argentin veut tourner la page de la bureaucratisation et de la socialisation du pays imposée depuis des décennies par une élite acquise aux idées collectivistes. Mais son « populisme » recèle au fond chez lui de véritables convictions intellectuelles qui ne sont pas sans rappeler celles qui sous-tendirent en son temps la politique de Ronald Reagan ; une politique qui permit aux États-Unis de redevenir forts aussi bien à l’intérieur du pays en adoptant pleinement les principes économiques du libre-échange, qu’à l’extérieur en se montrant très fermes vis-à-vis des ennemis de la liberté.
Ainsi donc, s’il existe aujourd’hui dans le monde un modèle qui pourrait inspirer les libéraux, ce serait certainement Milei plutôt que Trump. Reste à voir jusqu’où Milei ira dans la mise en œuvre des principes qui l’ont porté au pouvoir. Le début de son mandat a été marqué par des réformes salutaires et, nous l’avons rappelé, des positions claires en matière de commerce extérieur ; mais son renoncement à la dollarisation du pays ne manque pas d’inquiéter certains économistes libéraux.
5 commentaires
les argentins ont un mauvais souvenir du dollar ayant coller la valeur monétaire du pesos a celui ci on connait la suite
Ce président ne pouvait abdiquer la souveraineté monétaire de son pays au profit du dollar pour au moins trois raisons
La première ne pas dépendre d’une monnaie sur laquelle l’Argentine n’a aucune prise
La seconde permettra de juger sa politique par rapport à la parité de sa monnaie par rapport au dollar
La troisième qui découle de la précédente la monnaie donne à chaque pays une marge de liberté pour définir la politique du pays par le jeu pour faire simple de la possibilité des dévaluations ou des réévaluations
En un mot un pays qui dispose de sa monnaie est un pays libre
Comme beaucoup, je suis attentivement ce que fais Milei (malgré le biais collectiviste de la presse française, y compris de droite !). C’est un grand espoir. On verra ce qu’il parvient à réaliser. Mais je pense qu’il faut dépasser le « néolibéralisme » (Reagan-Thatcher) qui en est resté à une « libéralisation en-bas » mais est resté « collectiviste en-haut ». Donc ça a dénaturé le libéralisme en un socialisme de marché. Mais je vous rejoins (et je le rejoins) sur le combat pour les valeurs morales et politiques profondes du libéralisme. Il ne faut pas en rester à un « pragmatisme » utilitaire, mais nous remettre à penser l’homme, la société et la morale. Et remettre à l’honneur la liberté et la responsabilité.
L’avenir du monde sera inéluctablement libre
La Dollarisation suppose un soutien parlementaire, qu’il n’a peut-être pas sur cette question, et un soutien du FMI, à qui l’argentine doit beaucoup d’argent, et qui s’y oppose.
Alors ça se fera peut être, mais est-ce possible aujourd’hui ?