Le soutien actuel de l’extrême gauche au régime théocratique de Téhéran est une nouvelle illustration de l’islamo-gauchisme qui, selon le discours dominant, y compris à l’université, « n’existe pas » et qui a pourtant une longue histoire, très bien documentée. Il pourrait même marquer une étape supplémentaire dans un rapprochement entre islamisme et gauchisme, qui a commencé à Téhéran dès 1979 avec la révolution iranienne. Et qui concerne désormais l’ensemble de la gauche française et occidentale.
C’est bien connu et validé par les plus hautes autorités scientifiques, CNRS en tête : l’islamo-gauchisme « ne correspond à aucune réalité scientifique ». Peu importe que le terme ait été forgé et l’analyse du phénomène développée, avec force arguments et documents, par un éminent chercheur du même CNRS, Pierre-André Taguieff, il y a déjà plus de 20 ans, dans La Nouvelle Judéophobie au moment de la deuxième Intifada. Il visait à l’époque « la convergence des luttes » autour de la question palestinienne entre islamistes et gauchistes contre l’impérialisme occidental dans son dernier avatar, l’État d’Israël. Thème promis à une grande fortune, puisqu’il est désormais un lieu commun de la rhétorique d’extrême gauche et notamment de La France insoumise contre « l’entité sioniste », dans le contexte de la guerre de Gaza.
Filiation trotskiste
Mais Taguieff se référait aussi aux analyses antérieures et aux perspectives plus larges d’un trotskiste britannique, Chris Harman, dont l’essai au titre parlant, « le Prophète et le prolétariat » (1994), invitait déjà, malgré la sévère critique idéologique attendue d’un marxiste radical contre un mouvement religieux tout aussi radical, à un rapprochement entre gauchistes et islamistes. Et ce au nom de la lutte contre « l’ennemi principal » (le capitalisme impérialiste) mais aussi de la proximité des thèmes (défense des pauvres et des opprimés) et des clientèles (les prolétariats musulmans du Moyen-Orient et d’Europe). La conclusion du livre était claire : « Là où les islamistes sont dans l’opposition, notre règle de conduite doit être : “avec les islamistes parfois, avec l’État jamais” ».
La filiation trotskiste de cette thématique et de ce mot d’ordre, depuis le Socialist Workers Party de Harman jusqu’à La France insoumise, en passant par la Ligue communiste révolutionnaire, est, pour l’historien des idées politiques, un indicateur probant de la « réalité scientifique » de cet islamo-gauchisme qui, parait-il, « n’existe pas ».
De Téhéran 1979 à Téhéran 2025
Et ce, d’autant plus qu’il ne s’agit pas que de discours mais d’une alliance effective et opérationnelle qui a eu des conséquences historiques majeures. Elle fut en effet la matrice même de la révolution iranienne en 1979 – Harman s’y réfère d’ailleurs dès le début de son essai – dont les communistes du Toudeh et les Moudjahidines du peuple furent des acteurs clefs… avant d’être très vite pendus aux gibets de la Révolution. Cette ironie sanglante de l’histoire semble encore échapper aujourd’hui à tous les groupuscules de l’ultra-gauche, de « la Jeune Garde » aux « Queers for Palestine », qui seraient condamnés à une mort immédiate tant dans leur cher Gaza que dans leur cher Iran – même si nombre de leurs intrépides militants sont incapables de situer l’un et l’autre sur une carte. Le soutien actuel de l’extrême gauche au régime des mollahs depuis l’attaque israélienne marque en tout cas un éclatant retour au bercail de l’islamo-gauchisme, dont la révolution iranienne fut le grand laboratoire, avec la bénédiction de plusieurs de nos grands « intellectuels engagés », dont Michel Foucault. De Téhéran 1979 à Téhéran 2025, la boucle de l’islamo-gauchisme est bouclée.
De la marxisation de l’Islam à l’islamisation du marxisme ?
Au cours de ces quatre décennies, le phénomène a cependant connu des mutations majeures. Au rapprochement conditionnel et de circonstance qu’il était au début, a succédé une alliance organique où les musulmans ont remplacé les prolétaires occidentaux comme nouveaux « damnés de la terre » et sont devenus la cible électorale privilégiée de l’extrême gauche. Du même coup, le but ultime que celle-ci se fixait avec une telle stratégie s’est inversé : l’incorporation rêvée des masses musulmanes dans la grande épopée révolutionnaire a cédé la place à la complaisance pour les valeurs de l’islam politique, pourtant diamétralement opposées à son ADN idéologique. D’où l’abandon – mais seulement quand il s’agit de l’islam – de son athéisme militant ; d’où, non seulement la tolérance mais la promotion du voile islamique ; d’où son soutien à un régime théocratique comme celui de Téhéran, persécutant femmes, homosexuels, minorités ethniques… et même camarades révolutionnaires. Rien de tel pour mesurer l’ampleur et la rapidité de cette mutation de « la gauche de la gauche » que de réécouter les propos de Jean-Luc Mélenchon, il y a encore une dizaine d’années, sur le voile, sur l’Iran et sur l’islam en général. Autrement dit, après l’espoir, aussi naïf fût-il, d’une « marxisation » de l’islamisme, c’est une islamisation du marxisme qui se profile aujourd’hui. Ainsi de la déclaration de la députée LFI Alma Dufour dénonçant « le capitalisme [qui] s’attaque à tous ceux qui veulent, qui rêvent et qui proposent un autre monde » et se posant en protectrice de « la foi des musulmans qui ont l’audace de croire en Dieu, c’est-à-dire qui ont l’audace de croire que quelque chose d’autre existe » ; ou encore de son collègue Raphaël Arnaud posant sur une affiche aux côtés d’une jeune fille voilée, réduite à un dessin, sans personnalité identifiable, invisibilisation de la femme oblige. Marx et Trotski doivent se retourner dans leur tombe.
Toute la gauche contre « l’islamophobie ! »
L’évolution la plus inquiétante pourrait bien être la contamination d’une grande partie de la gauche au nom de la lutte contre « l’islamophobie », concept douteux et grand instrument idéologique de Téhéran, qui, lui, ne pose aucun problème de « réalité scientifique » au CNRS. Les écologistes ont ainsi très largement rallié LFI sur ses positions et, si le PS se déchire sur la question, la tendance majoritaire penche vers l’accommodement avec les revendications islamistes et la condamnation d’Israël dans le conflit actuel.
Comme si, jetant un voile pudique (l’expression s’impose) sur ses convictions les plus ancrées depuis Jaurès, la gauche française ne semblait pas voir, par électoralisme ou par idéologie, le danger d’une assignation identitaire fondée sur une base politico-religieuse explicitement hostile à la laïcité, aux minorités de toute nature, à l’égalité hommes/femmes et aux libertés de conscience et d’expression.
18 commentaires
Excellente analyse, merci
“et se posant en protectrice de « la foi des musulmans qui ont l’audace de croire en Dieu, c’est-à-dire qui ont l’audace de croire que quelque chose d’autre existe »”
Disent-ils, ceux qui ont, depuis des générations voués aux gémonies les religions (surtout la religion chrétienne), décrétée “opium du pauvre” !
Cela montre bien le danger que représenterait LFI s’il parvenait au pouvoir en France
En 2011 déjà, Charlie Hebdo a été victime de jets de cocktail molotov, suite à la publication des caricatures de Mahomet.
Maurice G. Dantec écrivait alors :
«Il nous semble clair que cet organe de presse [Charlie-Hebdo] a, par ses multiples prises de positions, tant sociales, géopolitiques, philosophiques, que strictement “culturelles”, participé à la création de la situation dont il est aujourd’hui la victime. Les gauchistes ont cette vocation, ontologique, d’être toujours les “idiots utiles” d’un totalitarisme mieux charpenté que le leur, avant de rester aussi idiots, mais bien moins utiles, donc encombrants, qu’on se souvienne de ce qui est arrivé aux marxistes-léninistes iraniens dès 1980».
Mais à l’époque, il était de bon ton de qualifier cet écrivain de fasciste…
J’aimerais bien savoir ce qu’ont pensé les victimes de Charlie Hebdo juste avant d’être tués. ..
Le programme des islamistes:nous prendront le monde avec le ventre de nos femmes,réalité que tout le monde connait,sauf peut-être nos “gouverneux” rêveurs.
Une phobie est une peur injustifiée, la peur de l’islam (pas des musulmans, et encore cela dépend des quels) est parfaitement justifiée (lisez le coran).
Donc le terme islamophobie est un non sens et ceux qui l’emploient des imbéciles ou des hypocrites manipulateurs.
Vous soulignez bien les incohérences béantes de la gauche et de ses adeptes . Il est de mon point de vue plus utile de regarder leur objectif : renverser le pouvoir en place à leur profit, mettre à bas nos régimes démocratiques et capitalistes qu’ils vomissent . Et pour arriver à ce but , peu importent les alliances , peu importent les accommodements avec la vérité , peu importent les principes , il s’agit de faire feu de tout bois, de barbouiller tout ça d’une grossière peinture idéologique qui colle . Vous dites que Marx et Trotski se retourneraient dans leur tombe ? Pas sûr . Ils applaudiraient peut être des deux mains .
Rien de surprenant, la gauche et son cancer l’ultra gauchisme, comme l’islamisme ou même comme l’écologie punitive, ne peuvent espérer s’imposer par la démocratie mais uniquement par la dictature, la privation des libertés de base et les sanctions iniques aux opposants ou leur suppression. Donc leur association est presque naturelle et ne disparaîtra que s’ils obtiennent le pouvoir, parce qu’ils seraient incapables de l’assumer ensemble. La religion n’est que le vecteur ou le support de cette démarche totalitaire, tout comme le christianisme a été le vecteur de la royauté totalitaire pendant des siècles.
Photo de droite: Melanchon sans sa barbe, photo de gauche: Melanchon avec sa barbe…
Le retour au bercail….
Ils en étaient partis ?
Si LFI parvenait au pouvoir il serait très vite submergé par les islamistes et la dictature théocratique Coranique s’imposerait en France. Regrettable mais inéluctable vu la situation démographique de notre pays. Les “sous-chiens ” sont en perdition.
les Espagnols ont mis 700 ans à s’en libérer, mais ils y sont parvenus… les Serbes et les Grecs ont subi le joug musulman pendant 500 ans, mais ils ont fini par s’en libérer… Rien n’est jamais perdu. Il faut garder la foi, croire en nos idées et nos valeurs. La vérité l’emporte toujours sur le mensonge. L’islam me semble aujourd’hui le “mur de berlin de la religion”, et il en est réduit à la répression pour garder ses ouailles. Les partisans de la liberté doivent se battre pour elle, à commencer par soutenir inflexiblement le droit naturel, le doute méthodique, la liberté artistique et la raison face aux restrictions que les collectivistes voudraient y mettre. C’est un combat d’idées et de valeurs.
Monsieur Melenchon , vous devriez avoir honte de vos discours à géométrie variable . Vous devriez savoir que la haine est destructrice et éloigne de vous des valeurs que vous n’aurez jamais le plaisir de savourer .
Est-il trop tard pour vous ?
je vois le commentaire de “JOJO” qui est tout de même assez savoureux lorsqu’il met sur un même pied
l’islam “comme vecteur de la démarche totalitaire “et le “christianisme comme vecteur de la Royauté totalitaire “!
Oui il est vrai qu’il existe en France encore aujourd’hui une frange de personnes bien formées dans nos universités pour penser que l’autorité exercée par la royauté pendant des siècles a été de nature “TOTALITAIRE” et oui !!!
il est curieux que ce “totalitarisme royal” ait pu engendrer une civilisation qui a produit et mis en place les fondements des droits de l’homme, du respect de la vie d’autrui, des règles de vie commune, du dévelopement de la culture et des sciences.
Doit-on rappeler que la première formulation des droits de l’homme c’est un roi de France qui l’a promue en
la personne de LOUIS XVI. avec l’aide des personnalités qu’il a choisi; donc antérieurement à la Révolution.
Ne pourrait-on pas évaluer un mode d’exercice du pouvoir aux fruits qu’elle est capable de produire effectivement?
Donc Monsieur JOJO, un peu de modération de d’objectivité dans votre comparaison un peu hâtive.
merci de votre attention.
C’est inquiétant d’avoir un parti politique pro religion qui pourrait être au pouvoir de notre pays. Je ne peux comprendre que ce parti accepte la dictature religieuse qui estime la femme comme une chose impure qui peut être battue, violée, torturée, tuée (et pire pour les jeunes filles…). Idem pour les hommes pour d’autres aspects. Comment une femme peut défendre cette religion et adhérer à ce parti.
Non assistance à personnes en danger. La devise de la France n’est pas compatible. Pas de liberté de vivre, pas d’égalité et encore moins de fraternité.
Je pense que cela finira mal, et qu’il faudra se rappeler de 1789…
L’islam est une doctrine collectiviste (tant au plan civilo-politique, qu’au plan religieux ou au plan économique). Cela est parfaitement connu des juristes, théologiens, économistes et ethnologues. Il suffit de lire un peu les juristes et économistes musulmans pour le comprendre par soi-même ! L’islam est un cas d’école de “collectivisme primitif” (au sens non-polémique du “communisme primitif”) et de légisme rousseauiste (la loi y précède le droit). Les membres de la collectivité sont explicitement invités au contrôle social les uns sur les autres. On est à l’inverse exact de la doctrine occidentale du droit naturel (héritée des Grecs et des Chrétiens) selon laquelle le droit précède la loi. Au-delà de toute polémique, il est scientifiquement évident que l’islam et l’Occident sont deux systèmes anthropologiques incompatibles. Ce n’est ni bien ni mal, ni gentil ni méchant, c’est un FAIT. Et il n’est pas surprenant que les collectivistes en tous genres (marxistes, fascistes, écologistes, euro-bureaucratistes, etc.) aient une inclination vers l’islam. A l’inverse, les individualiste et libéraux sont nécessairement hostiles à un tel système.
Pour information. Bien cordialement. https://www.infomeduse.ch/2025/06/21/1979-quand-lextreme-gauche-francaise-soutenait-layatollah-khomeyni/
Il faut interdire LFI mais nos dirigeants n’ont aucun courage, aucune vision , aucune compétence et préfèrent profiter de leur statut privilégié sous les ors de la République . Leur devise : ne rien faire et durer ! Pendant ce temps là, la France se meurt.