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I Agriculture

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Les politiques agricoles de la France ont été diluées peu à peu dans la PAC[[Politique agricole commune créée en 1957 (mise en place en 1962 dans le cadre des communautés européennes)]] durant les dernières décennies. Pour autant, le Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt conserve des compétences, ainsi que la maîtrise de toutes les politiques en la matière.

Plus d’un million d’hommes et de femmes, dans plus de cinq cent mille exploitations, participent au développement de l’activité agricole en France. Par ailleurs, celle-ci est créatrice d’emplois, dans la mesure où, selon Pôle emploi, chaque année près de 12 000 emplois ne sont pas pourvus, dont la moitié concerne des CDI[[Contrat à durée indéterminé]].

Deux politiques agricoles et un mécanisme de soutien ont fait l’objet d’un rapport de la Cour des comptes pour la période 2007-2012 :

A. Aide au développement rural

Le développement agricole est assuré par de nombreux organismes de natures variées, qui bénéficient de ressources publiques de diverses origines : subventions de l’Etat ou des collectivités territoriales, taxes affectées… Parmi ces organismes, figurent notamment les chambres d’agriculture et les instituts techniques propres à chaque filière, qui sont les principaux bénéficiaires des aides au développement agricole de l’Etat, dont le montant total est d’environ 100 M€ par an.
Cofinancées par l’Union européenne, les aides au développement rural s’inscrivent dans la politique communautaire visant à améliorer la compétitivité des territoires ruraux, tout en préservant leur environnement et leur patrimoine.

Depuis 2009, les paiements du premier[[Premier pilier de la PAC : les paiements directs]] et du deuxième pilier[[Deuxième pilier de la PAC : le développement rural]] de la politique agricole commune sont gérés par l’ASAP[[Agence des services de paiement]], à la suite d’une fusion de ces deux établissements.

La Cour des comptes a émis des recommandations à partir du constat des problèmes suivants :

– une organisation peu cohérente ;
– des paiements non sécurisés ;
– des contrôles insuffisants.

Recommandations Suivies
Simplifier les dispositifs d’aides, afin d’en assurer une gestion efficace et contrôlée par l’entendement qu’en auront les agents chargés de l’appliquer. Oui
Arrêté du 28 septembre 2012
Revoir la répartition des aides et augmenter la part des subventions versées sur des appels à projets (au moins jusqu’à 20%). Non
Cela n’atteint que 11,18% du montant total des aides attribuées en 2012.
Renforcer l’expertise technique dans les procédures de sélection des dossiers et l’attribution des aides, notamment en ce qui concerne les «organismes nationaux à vocation agricole». Non
Améliorer la prévision budgétaire de la mission et optimiser la consommation des crédits. Oui
Les exercices 2010 et 2011 ont permis de mesurer la fiabilité de la prévision des recettes et l’amélioration de la consommation des crédits ; la consommation des crédits de paiements étant quant à elle cohérente avec le séquençage de la gestion financière des programmes.
Améliorer le dispositif de mesure des performances du compte d’affectation spéciale. Oui
Présent dans les travaux de programmation de 2014-2020.
Renforcer le contrôle par sondages du comptable avant paiement, par une meilleure prise en compte des risques financiers, ainsi que la fixation du taux minimal des sondages, non pas globale mais par dispositif d’aides. Non (apparemment)
Mener les contrôles conformément à la réglementation, les faire suivre d’effets dans des délais beaucoup plus courts et les assortir de sanctions traduites par des reversements effectifs. Non (apparemment)

B. Politique de soutien à l’agriculture d’outre-mer

Cette politique concerne les territoires d’outre-mer suivants : la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, Mayotte, la Réunion, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint Barthélémy et Saint Martin.

Recommandations Suivies
Redéployer les aides, en privilégiant la diversification des produits et les circuits de transformation, avec un objectif de réduction des importations. – Pas de redéploiement : les aides nationales représentent 40 M€ (en 2013, la somme octroyée à la diversification reste inchangée : 10 M€). En revanche, les aides communautaires, elles, sont en constante augmentation en la matière (16 M€ en 2013 contre 13 M€ en 2011).
– Création en 2011 de RITA (réseau d’innovation et de transfert agricole dans les DOM) et mécanisme favorisant la diversification animale et végétale.
– La réduction de l’importation ne peut se juger sur la globalité. Tout dépendra du secteur agro-alimentaire ciblé, ainsi que du DOM concerné (exemple : on peut observer une réduction de l’importation de viande en Martinique, mais c’est le seul territoire dans ce cas).
Prendre en compte le «bilan carbone» dans les raisonnements économiques, en vue de favoriser un développement plus endogène des productions. Oui
L’agriculture durable est devenue un objectif central avec «le besoin de répondre à la consommation locale et touristique».
Lier le versement des aides au strict respect de la réglementation environnementale, et d’une manière générale, à des objectifs de développement durable mieux ciblés. Non
Plans territoriaux par départements. Dès lors les critères réglementaires en la matière sont très disparates d’un territoire à un autre.
Opérer un suivi du «plan chlordécone[[Plan anti Polluant organique persistant]]» en liaison avec le ministère chargé de la Santé, pour l’impact sur l’agriculture et l’aquaculture. Oui
Améliorer l’intégration des filières entre producteurs et transformateurs, en vue de répondre à la consommation locale, et de développer la publicité en faveur de ces filières. Oui
Communication pour les bénéficiaires effectifs et potentiels.
Utiliser les instruments de maîtrise foncière, notamment ceux prévus par la loi n°2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche. Non
Confier à l’ODEADOM[[Office de Développement de l´Économie agricole des départements d’outre-mer]] le versement de l’ensemble des aides du POSEI[[Programme d’Options spécifiques à l’éloignement et à l’insalubrité]] et des aides nationales, qui y sont liées, tout en renforçant sa maîtrise de l’instruction, et de la liquidation (?), pour chacun des dispositifs concernés. Non
L’ODEADOM le fait conjointement avec l’ASP.
Astreindre l’ODEADOM à établir le bilan des aides agricoles d’outre-mer, prévu par le code rural. Non
L’office fait le bilan seulement de ce dont il assure le paiement.
C’est le ministère compétent qui se charge d’effectuer un bilan général.
Favoriser l’élargissement des bénéficiaires du régime spécifique d’approvisionnement, en particulier dans le secteur de l’alimentation animale. Oui

C. Les prêts bonifiés à l’agriculture

Prêt bonifié à l’agriculture : prêt au taux inférieur à celui du marché grâce à l’intervention de l’Etat. Ces prêts doivent répondre à un besoin d’investissements, et ou, d’installations directes. L’Etat sélectionne les établissements de crédits habilités. La liste est fixée par circulaire[[Circulaire SG/DAFL/SDFA/C2007-1517]] jusqu’en fin 2013.
En 2007, la Cour des comptes s’est interrogée sur les prêts bonifiés à l’agriculture. Ses interrogations ont été entendues et confirmées par la Cour européenne. Etant donné que ces prêts sont partiellement pris en charge par le budget de l’UE[[L’Union européenne cofinance les bonifications sur les prêts de modernisation à hauteur de 25%, et – les prêts d’installation des agriculteurs à hauteur de 50%.]], il est nécessaire de veiller à leur transparence et d’en préserver la possibilité de justifier les dépenses.
En réponse au rapport de la Cour des comptes, le ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, ainsi que le ministre de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt avaient signifié qu’ils partageaient les observations de la Cour et annonçaient des améliorations au dispositif.

Recommandation Suivie
Améliorer la répartition des rôles entre l’Etat et la CNASEA[[Centre National pour l’Aménagement des structures des exploitations agricoles]]. Non
La confusion demeure.

La complexité de la mise en oeuvre de cette politique, qui s’accompagne d’une diversification des taux de crédit, et donc des bonifications, ne facilite pas l’instruction et le contrôle de la validité des demandes de prêt.
Les fonds proviennent du budget du ministère de l’Agriculture, mais ne va ni, directement aux agriculteurs, ni, et cela est plus surprenant, aux établissements de crédits habilités qui ont été sélectionnés ! Un établissement public agit en tant qu’intermédiaire, la CNASEA (?), auquel les banques doivent justifier l’utilisation des fonds publics reçus. Ce qui n’empêche pas que ce soit les directions départementales de l’agriculture qui donnent leurs autorisations aux établissements de crédits, à consentir les prêts.

Recommandation Suivie
L’accumulation des acteurs ne garantit pas le contrôle de la dépense publique en la matière.
Instaurer un vrai contrôle, clairement identifiable, de la mise en oeuvre de ce mécanisme.
Malgré des mises en garde récurrentes de la part de la Cour des comptes concernant l’inexistence des contrôles, rien n’a été fait.
Malgré des efforts notables effectués par le CNASEA en matière de contrôle, personne ne lui favorise ce travail, qui est toujours très loin du minimum requis (notamment par l’UE).
De plus, on peut douter que le CNASEA ait réellement la capacité de contrôler, à la fois les réseaux bancaires, et les 95 directions départementales de l’agriculture placées sous l’autorité des préfets. On peut même douter qu’il en ait le pouvoir, malgré la convention passée avec le Ministère.
Cette convention a cependant conduit à la création de 71 postes de contrôleurs au bénéfice du CNASEA, qui n’auraient pas été nécessaires si les contrôles normaux de la dépense publique avaient été assumés par les services de l’Etat dont c’est le rôle !

A partir de 2015, le FEADER[[Fonds européen agricole pour le développement rural]] ne cofinancera plus les prêts bonifiés pour les installations directes. L’Etat français doit, dès que possible, se préparer pour ce cas qui va arriver dans un avenir proche.

Recommandation Suivie
L’Etat doit inscrire dans ses comptes la totalité des engagements de bonification. Non

A la suite de la hausse des taux d’intérêt, qui demeurent toutefois plus attractifs que ceux ayant cours sur le marché, l’avantage des prêts bonifiés a été fortement réduit. De plus, ce mécanisme ne constitue plus une incitation déterminante d’installation pour les jeunes agriculteurs, qui peuvent par ailleurs se tourner vers d’autres dispositifs existants.
Par conséquent, la Cour des comptes remet en cause le bien fondé du dispositif. Cette prise de position de la Cour n’a entraîné aucune réaction politique, pas même une réponse écrite à ce sujet.

Que pouvons-nous en retenir ?

Sur l’ensemble des recommandations concernant les sujets relatifs à l’agriculture, il semblerait que seules 40% des installations de jeunes agriculteurs (?) aient fait l’objet d’une surveillance conforme aux préconisations de la Cour des comptes. Ce constat est d’autant plus regrettable que certaines recommandations portent sur certains manquements de responsabilité dans l’usage des deniers publics.

Trois observations de la Cour méritent à ce titre d’être soulignées à nouveau, du fait de leurs conséquences embarrassantes :

– carence des procédures de sélection des dossiers pour l’attribution des aides ;
– absence de contrôle de la dépense publique ;
– défaut d’anticipation, dû à l’absence d’inscription de la totalité des engagements de bonification, alors, qu’à partir de 2015, l’Etat français devra prendre en charge la totalité de ceux-ci.

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