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Nicolas Werth : Poutine historien en chef (Gallimard)

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Une anecdote qui a circulé dans tous les pays communistes disait que la difficulté ce n’est pas de prédire l’avenir, car la voie à suivre est déjà tracée par la philosophie marxiste-léniniste, mais de prédire le passé, qui change chaque fois que  le leader du Parti est remplacé. L’ex-KGBiste Vladimir Poutine connaissait sûrement cette blague et il a dû se dire que, en définitive, il pouvait réécrire lui-même l’histoire. C’est ce que démontre, dans un essai court et percutant, Nicolas Werth, éminent soviétologue, auteur de livres fondamentaux sur l’Union Soviétique et ses avatars. Depuis vingt ans déjà, Poutine construit, patiemment, un nouveau récit national, destiné à exalter la gloire de la Russie éternelle, à justifier sa politique expansionniste et à minimiser, voire à occulter les crimes du communisme. L’actuel maître du Kremlin propose une synthèse inattendue entre le passé glorieux des tsars et les succès du régime communiste, à peine entachés par les « excès » de Staline. Le repère capital et obligatoire de l’histoire moderne de la Russie est la Grande Guerre contre le nazisme : il est formellement interdit de faire allusion au pacte germano-soviétique ou à l’invasion de la Pologne par l’Armée Rouge. « La profanation des symboles de la gloire militaire de la Russie » est sévèrement punie par le Code pénal. On ne badine pas avec l’histoire dans la Russie de Poutine…

Nicolas Werth met à nu, avec une précision chirurgicale, tous les tours de passe-passe par lesquels Poutine a réussi à contrôler la mémoire historique. La Fédération internationale des droits de l’homme a considéré, en juin 2021, qu’on a affaire à des « crimes contre l’histoire ». Apparemment, Poutine n’en a cure : en juillet 2021 il faisait paraître un long texte qui annonçait ses intentions quant à l’Ukraine, texte dont les grandes lignes ont été reprises dans son  discours du 21 février 2022, trois jours avant l’invasion. Tout y est, et surtout le projet absurde et sinistre de « dénazifier » l’Ukraine. Une tribune d’un certain Timofeï Sergueïtsev, parue le 4 avril 2022, fait froid dans le dos. On peut y lire notamment ceci : « Il faut procéder à un nettoyage total. ( …) La durée de la dénazification ne peut en aucun cas être inférieure à une génération. (…) La dénazification sera inévitablement une dé-ukrainisation… (…) La dénazification de l’Ukraine est aussi son inévitable dé-européanisation».

On croyait que ce type de discours avait été jeté, comme disaient les marxistes, aux poubelles de l’histoire. Eh bien non : le voilà ressuscité et érigé en idéologie officielle. Pour tous ceux qui aiment la liberté et les valeurs démocratiques, c’est un sujet de profonde inquiétude.

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