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L’expansion chinoise, un rouleau compresseur qui prend son temps, par Jean Étèvenaux, Saint-Léger Éditions, mai 2022

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Cet ouvrage d’environ 200 pages est une présentation aussi documentée qu’inquiétante de la situation dans la Chine de Xi Jinping. Celui-ci veut faire régner sur cet immense pays de 9.600 millions km2 un marxisme sinisé comme « une nouvelle forme de civilisation humaine » dont il se prétend l’oracle et le maître. Pour le secrétaire général du PCC : « La croyance au communisme [ … ] est l’âme politique des communistes et le pilier spirituel pour que les communistes puissent résister à toute épreuve. » Au nom de quoi il a institué, dans la lignée de Mao, mais avec des moyens que celui-ci n’avait pas, une tyrannie absolue pour régenter les reins et les cœurs.

L’objectif est de contrôler tous les Chinois grâce notamment à un système orwellien de « crédit social » qui évalue en permanence aussi bien les entreprises que les individus et leur attribue un classement en vertu duquel ils peuvent profiter des avantages du régime ou être relégués au ban de la société et punis de mille façons quotidiennes. Un réseau très dense de caméras publiques, un système de reconnaissance faciale et de nombreux contrôles physiques d’identité aident l’État à surveiller chacun. Ce qui permet notamment d’interdire ou contraindre la pratique religieuse, en particulier celle des Églises ou sectes qui ne voudraient pas se placer sous l’égide du Parti dans le respect de la Constitution dont le Préambule rappelle que tout s’effectue « sous la direction du parti communiste » et de son article 1er qui stipule qu’« il est interdit à toute organisation ou tout individu de porter atteinte au système socialiste ». Ce qui a justifié les persécutions des bouddhistes tibétains, du Falun Gong, une secte ayant plusieurs dizaines de millions de membres, mais non reconnue par l’État, celles des Ouïghours musulmans ou encore celles des chrétiens et notamment des catholiques romains sur lesquels les accords secrets du pape François et de Xi Jinping en 2018 n’ont pas desserré l’étau, au contraire peut-être.

L’auteur observe que la Chine a pu se développer en s’appuyant sur l’expansion des entreprises privées dans une sorte de socialisme de marché. Peut-être aurait-il pu souligner plus encore que ces entreprises sont moins gouvernées par leurs actionnaires que par le Parti communiste toujours présent et auquel revient le contrôle ultime de la politique entrepreneuriale. Le régime laisse les capitalistes garder leurs profits parce qu’il a besoin d’eux, mais il les fait disparaître ou les mets en prison à sa guise. Il veille à ce que les grandes entreprises chinoises restent sous son joug en leur interdisant de se coter à l’étranger ou de satisfaire aux normes des bourses étrangères. Il empêche, par une décision du 27 décembre 2021, que les investisseurs étrangers entrent au capital des start-up chinoises sans l’accord du gouvernement.

Une expansion hors frontières

La Chine ne se contente pas de faire régner la terreur sur son territoire, elle se protège de l’extérieur. On a longuement critiqué en Occident le mur de Trump contre l’immigration mexicaine, mais personne ne parle de la récente construction, à la frontière birmano-chinoise d’un mur géant de 5 000 km pour empêcher l’immigration birmane fuyant la junte militaire que la Chine a soutenue.

La Chine veut aussi soumettre le monde. Pour ce faire, non seulement elle dispose de l’arme nucléaire, d’une armée de 2 millions d’hommes, d’une marine sans doute plus importante que celle des États-Unis, mais elle a mis en place, en dépensant des centaines de milliards de dollars, une politique systématique d’assistance aux pays en voie de développement en Asie, en Afrique ou en Amérique du Sud. Ainsi, 13 427 projets auraient été menés par Pékin entre 2000 et 2017 dans 165 pays pour une valeur 843 Md$. Les banques de l’État chinois prêtent à tout va des sommes considérables à ces pays pour ensuite, quand ils se trouvent dans l’incapacité de rembourser, leur racheter à vil prix les investissements engagés. En prétextant de l’ouverture de nouvelles routes de la soie, la Chine mène cette politique jusqu’en Europe. Elle pratique en fait des intérêts élevés et ses prêts lui donnent le moyen de museler la critique de très nombreux pays dans le monde, ce qui fait par exemple que les pays musulmans ne se sont guère élevés conte la répression des Ouïghours. La Chine institue d’autres formes de dépendances pour étendre son empire. Elle finance les journaux étrangers, pour qu’ils ne médisent pas d’elle, installe partout des instituts culturels « Confucius » pour désinformer l’étranger sur l’histoire et la situation chinoises, manipule des idiots utiles, comme Jean-Pierre Raffarin en France, pour débiter dans chaque pays, de manière candide autant que stupide, le catéchisme idéologique chinois.

A l’ONU, elle utilise souvent son vote au Conseil de sécurité pour soutenir la Russie. Elle a réussi à pousser ses hommes à la tête de quatre agences onusiennes et à la direction de sept autres.

Certains chiffres donnés par les Chinois eux-mêmes, comme celui des morts de la Covid ou ceux de la croissance économique, peuvent appeler des réserves, mais Jean Étèvenaux aiguise son regard critique pour dénoncer les travers innombrables de ce régime pervers. Il le fait en nous livrant un panorama complet, vivant et actuel de la Chine.

Pour ma part, cette lecture renforce mon opinion que les régimes totalitaires sont des géants aux pieds d’argile par leur incapacité à établir la confiance et la liberté sans lesquelles aucune communauté ne peut durablement prospérer. Comme l’écrivait Tocqueville : « Une nation ne peut rester longtemps forte quand chaque homme y est individuellement faible. » Notons déjà que de nombreux projets d’investissement ou d’aide de la Chine à l’étranger sont des fiascos, que la population chinoise, la plus importante du monde, commence à baisser, que la vitalité chinoise souffre, que son secteur immobilier est en débandade et que la corruption semble rester très élevée dans l’empire de Xi Jinping. Le PIB par habitant, en parité de pouvoir d’achat, en Chine continentale, était selon le FMI de 16 624 US$ en 2017 quand, à Taïwan, il était la même année de 49 827 US$.  Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas se méfier de la puissance chinoise et se préparer à s’y confronter, peut-être aux côtés de Taïwan. Lire cet ouvrage contribuera à nous éveiller aux dangers de la Chine.

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2 commentaires

Montenay 20 août 2022 - 4:38

Comme dit dans le dernier paragraphe, les faiblesses chinoises sont immenses. Je rajoute À cours terme l’isolement physique du fait de la politique sanitaire et de la sécheresse, et à long terme l’isolement intellectuel voulu qui va peu à peu corrompre le tout (voir https://www.yvesmontenay.fr/2022/07/03/la-chine-va-t-elle-decrocher-en-sisolant/). Sans parler de la prise de conscience du reste du monde notamment en Afrique. Bref, finalement, on est loin d’un rouleau compresseur. Mais une aventure dramatique reste possible, notamment pour cacher les problèmes intérieurs.

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Obeguyx 20 août 2022 - 9:49

Ouah !!! J’ai cru lire un résumé de l’état de la France (sauf pour les persécutions qui ne vont, chez nous, que vers les français de souche). Je vais peut-être acheté le livre pour avoir plus de détails et conforter mon sentiment.

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