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Successions : il faut retrouver notre liberté de tester

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Beaucoup de Français n’ont pas compris que David et Laura, les enfants de Johnny Hallyday, aient pu être déshérités par lui au profit de ses deux plus jeunes filles parce qu’il s’était domicilié aux Etats-Unis. En France nous avons pris l’habitude que l’Etat nous dicte nos conduites, y compris pour déterminer ce que nous devons laisser à nos enfants. Et pourtant ! Nous sommes libres de gérer notre argent, de le dépenser comme nous l’entendons, jusqu’à le jouer au casino. Pourquoi ne sommes-nous pas libres de le donner à qui nous voulons ?

 

Nous privilégions donc les autres plutôt que les nôtres

Le paradoxe est à son comble quand on peut donner notre argent à des associations en bénéficiant de divers avantages fiscaux, sous forme de déduction de l’impôt sur le revenu ou sur l’IFI, alors que quand on le donne à nos enfants, il faut respecter des règles strictes d’égalité et payer des droits, jusqu’à 45%, voire 60%, dans la tranche supérieure ! Nous privilégions donc les autres plutôt que les nôtres en même temps que de vieilles règles nous empêchent de léguer nos biens à qui nous voulons. La réserve héréditaire oblige chacun à attribuer une fraction de la succession à ses enfants : la moitié quand il y a un enfant, les deux tiers quand il y en a deux, les trois quarts quand il y en a trois ou plus.

Cette idée de réserver une part de la succession aux enfants est presque aussi ancienne que le droit. Initialement, le droit romain donnait tout pouvoir au pater familias pour transmettre ses biens aux personnes de son choix. Mais il fut bientôt bridé. Une loi datant de 40 avant J.C.,la lex Falcidia, a imposé au testateur de laisser à sa famille proche au moins le quart de ses biens, ce qui fut ensuite admis de manière générale et renforcé par l’institution de la « légitime », une action que le droit romain accorda aux enfants contre les héritiers institués par le testament de leur auteur pour les dépouiller. Les enfants pouvaient ainsi retrouver une certaine part, légitime, de leur héritage. Ce mécanisme se retrouva dans les droits de l’Ancien Régime sous des formes variées selon les provinces. Au sud, le droit romain fut perpétué. Au nord, les coutumes prévalaient avec des dispositions, diverses, pour encadrer les libéralités du défunt au travers d’une quotité réservée aux descendants légitimes, qui prendra au XVIIIème siècle le nom de réserve.  Néanmoins, dans les successions nobiliaires, le droit d’aînesse ou une préférence successorale pour un autre enfant permettait généralement de garder l’unité patrimoniale, quitte à mettre à la charge de son bénéficiaire l’obligation de prendre soin de sa fratrie.

La Révolution fut pressée d’abolir le droit d’aînesse par un décret du 15 mars 1790. Puis elle interdit, le 8 avril 1791, les pratiques inégalitaires dans les successions roturières ab intestat, c’est-à-dire régie par la loi plutôt que par un testament. La « réserve » fut ensuite consacrée par le Code civil en 1804 et conservée jusqu’à nos jours avec une part laissée à la libre disposition du testateur, la quotité disponible, relativement modeste.

 

L’Angleterre admettait la faculté de léguer librement ses biens

L’histoire et la tradition françaises sont donc favorables à cette limitation légale de la liberté du testateur. Alors que le droit d’Ancien Régime tendait à protéger la famille dans le temps et dans la succession des générations, le droit révolutionnaire et napoléonien a voulu imposer l’égalité du partage en reprenant et renforçant les outils du régime aboli. Mais la société a bien changé depuis. Les familles recomposées à l’envi n’ont souvent plus grand-chose à partager au point que la question peut se poser de savoir s’il est encore légitime d’obliger les parents à répartir leurs biens également au profit de leur progéniture. Quand chacun peut choisir nom, voire son sexe, pourquoi le géniteur serait-il encore obligé de lui transmettre son patrimoine ?

Le monde anglo-saxon n’a d’ailleurs pas ces scrupules. Héritier du droit latin, mais aussi du droit germain, qui privilégiait la succession au profit de la parentèle, l’Angleterre admettait la faculté de léguer librement ses biens tout en la limitant à des « parts raisonnables ». Mais peu à peu la notion de réserve disparut et après la Glorieuse Révolution de 1688-1689 toutes les restrictions à la liberté de disposer de ses biens par testament furent levées dans le Royaume. Aujourd’hui, l’ensemble du monde anglo-saxon a conservé cette liberté de tester au profit de la personne de son choix qui n’exclut pas bien entendu que l’Etat se serve au passage.

 

Quand la loi se substitue aux décisions personnelles, elle infantilise les individus

La famille est-elle mieux respectée dans les pays de droit civil que dans ceux de Common Law ? Il ne le semble pas. Peut-être que les enfants seraient plus respectueux des parents, s’occuperaient mieux d’eux dans leur grand âge s’ils savaient qu’à défaut, ils pourraient être déshérités. En France d’ailleurs, d’ores et déjà l’assurance vie, qui est exclue de l’attribution héréditaire, permet hypocritement de contourner le problème dans une limite raisonnable. Au surplus, l’égalité à respecter légalement entre les enfants conduit très souvent à des querelles de valorisation et multiplie les comptes d’apothicaires et les poursuites judiciaires que la liberté de tester éviterait.

 

Plus généralement, les obligations de la réserve héréditaire sont une atteinte au droit de disposer de sa propriété comme les droits de succession excessifs le sont aussi. Il faut supprimer les deux. Quand la loi se substitue aux décisions personnelles, elle infantilise les individus et affaiblit la responsabilité dont se nourrit le développement humain. La liberté de tester du monde anglo-saxon est d’ailleurs sans doute à la fois une cause et un signe de sa prospérité.

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11 commentaires

Liberté 14 février 2022 - 4:57

Avec la réserve on privilégie les nôtres pas les autres. Le problème reste toujours les droits de succession. Combien d’entreprises ont été cèdérs, liquidées du fait de l’impôt sur les successions ou de propriétés foncières cédées pour les mêmes raisons avec en plus des plus values qui sont en réalité un impôt sur l’inflation laquelle est la conséquence d’une lamentable gestion des finances publiques. Alors dans un tel contexte faut-il maintenir la réserve ? Commençons de préférence par ramener Ces droits de succession à 20% comme cela était le cas jusqu’aux années 70 sans distinguer entre les héritiers.

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Pierre Bouchet 14 février 2022 - 9:09

Je suis d’habitude largement d’accord avec vous, et ici encore sur le fait que l’Etat se sert beaucoup trop largement sur les successions.
Mais l’existence de la réserve héréditaire me paraît une bonne chose. Certes, elle n’empêche pas des conflits entre enfants lors d’une succession, mais du moins elle consacre le devoir pour les parents de pourvoir à leurs enfants, et au devoir des enfants de pourvoir à leurs parents. Bien sûr, l’évolution de la société, notamment la fréquence grandissante de familles recomposées, rend difficile l’accomplissement de ces devoirs. Mais la difficulté n’entraîne pas forcément l’impossibilité, elle est au contraire un certain garde-fous. Par contre, on peut se poser la question de l’importance de la réserve héréditaire, et en diminuer le pourcentage pourrait favoriser la liberté. Encore faudrait-il que les droits de succession soient considérablement diminués, sinon cela aboutirait à une taxation supérieure à l’existante si le testeur donnait à l’extérieur de la famille…

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Betty 14 février 2022 - 10:33

A l’heure actuelle l’existence de la réserve héréditaire est une excellente chose car j’ai pu en bénéficier n’étant pas en bons termes avec mes parents, j’ai malgré tout reçu 33,33 % de l’actif. Cela dit, j’ai trouvé honteux-dramatique que nous ayons eu à payer 20 % de droits et de frais. En plus le fait de séparer 100 % en 2/3 nous a coûté à mon frère et à moi 28000 euros !!! ce n’est pas normal que l’état se mêle de ce que nous ont laissé nos parents et de quel droit se s’arrogent-ils. je n’ai qu’une idée, ne rien laisser, être locataire et donner le plus possible à ma fille. Je fais ce que je veux de mon argent.

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Obeguyx 14 février 2022 - 10:44

Voilà bien un débat hors sol. Certes les droits de succession doivent impérativement être supprimés. Pierre Bouchet a raison, le reste n’a pas à être touché. On devrait plus se préoccuper des entraves qui sont tissées de notre vivant. Je veux donner 10000 € à un de mes enfants, je dois en justifier. Je dépense trop au « casino », je dois me déclarer « interdit ». J’achète une Ferrari à ma maîtresse, les vérifications pleuvent et les mesures de rétorsions aussi. Même de notre vivant, nous sommes de plus en plus surveillés. Je fais un chèque de 7000 € à ma fille, la Banque de France est informée (le fisc aussi). Je recommence un mois plus tard, rebelotte. Je gagne au loto, je dois déclarer l’argent que je distribue. Et vous vous posez des questions quant à votre héritage ! Ouvrez les yeux, Bon Dieu !!!

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ORILOU 14 février 2022 - 12:00

D’accord avec vous. Si réserve il doit y avoir, elle doit laisser la liberté de choix. En foi de quoi les enfants n’auraient-ils que des droits sur les biens de leurs parents, alors même qu’ils les ont mis dans des mouroirs… en attendant de pouvoir profiter de l’héritage C’est encore plus vrai lorsqu’on n’a pas d’enfant.
Le scandale des EHPAD serait moins vaste si les enfants étaient plus présents.
Reste que l’état en prend beaucoup trop^.

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GONDOUI 14 février 2022 - 1:33

Oui les droits de succession sont prohibitifs oui les taxations sur les donations le sont aussi et oui on devrait être libre de les réitérer à volonté et sans obligation de délais entre chacune d’elles cet argent a été gagné et tout au long de nos vies taxé et retaxé il est nôtre et nous devrions pouvoir en disposer comme bon nous semble ! Alors réfléchissez bien avant de faire votre devoir électoral !

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PhB 21 février 2022 - 11:48

Ben! Oui Obeguyx a tout à fait raison, on est fliqué lors du moindre transfert de fond un peu au-dessus de « l’habituel ».
Petits conseils:
Pour transmettre en toute discrétion à vos héritiers
– Transmettez le maximum , en non impositions (sauf frais de notaires évidemment) à vos enfants de votre vivant, chaque fois que c’est possible (Il ne faut pas se « mettre à poil non plus).
– Aidez-les quand ils sont jeunes et qu’ils en ont besoin (nos deux filles sont propriétaires de leur logement)
– N’hésitez pas à leur acheter leurs biens de « consommation »: machine à laver, ordinateur et même la voiture si vous le pouvez.
– Dernière recommandation intéressante: Avant que ce soit supprimé:
Pensez aux « Espèces ». Un petit stock est toujours utile pour transmettre sans laisser de traces.
Bonne journée
PhB

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Astérix 16 février 2022 - 1:36

Suppression de tous les droits de succession, qu’ils concernent les entreprises ou les particuliers.

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Rémi 20 février 2022 - 11:20

« Charité et Solidarité bien ordonnée commence par soi-même » …. C’est ce que l’on vous apprend depuis la petite enfance
Être solidaire de ses croyances et de ses choix c’est privilégier son propre équilibre., en marchand dans la vie sur ses deux jambes sans chuter.

Ainsi, pour « MOI » …. « MA » succession relève de mes choix et de mes croyances après avoir assumés mes devoirs fiscaux envers la société….

Mes impôts me sont calculés et imposés par l’État pour financer son budget qui inclue aussi la solidarité nationale (avec laquelle je peut ne pas être d’accord dans les choix qui me sont imposés)

Libéré de cette contrainte fiscale je devrai normalement être libre de mon « solde » personnel pour l’investir là où je le souhaite et pour accompagner mes choix personnels et entre autres familiaux….
• ET BIEN CE N’EST PAS LE CAS EN France….Car mon solde NET, après impôts et charges payées, doit encore financer l’État qui PRÉLÈVE UNE GRANDE PART DU FRUIT DE MES EFFORTS ET DE MES SACRIFICES… En ne laissant qu’une miette à ma propre famille… ?
• C’est l’impôt sur « Le » mort sacrifié et victime de l’État qui se goinfré encore une fois de plus, du fruit de don travail, de mes nuits blanches et de ses sacrifices…pendant plus de 40ans pour nourrir, entre autres, des faignants, des quémandeurs, et autres illégaux….
• Quelle injustice…que je considère être du rapt tout simplement …?

Alors :
Pour respecter le dicton « charité et solidarité bien ordonnée commence par soi-même » je vais tout dépenser de mon vivant en France et ailleurs pour jouir de mon vivant de mes sacrifices et nuits blanches assumées pendant plus de 40 ans…

Ainsi :
Pourquoi devrai-je avoir à refinancer à ma mort ce que j’ai déjà largement financé à la société en contribuant à des choix contestables…?

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Obeguyx 20 février 2022 - 4:23

Je me suis amusé à faire un petit calcul. Si on supprimait 25 ministères sur 40, on pourrait économiser près de 60 % de ce que rapporte les droits de succession. Et je ne compte pas l’économie résultant du travail de déclaration, de contrôle et de recouvrement. Juste le coût ubuesques de tous ces ministères qui ne servent strictement à rien.

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François Audouze 21 février 2022 - 9:24

Les droits de succession sont le plus efficace agent de l’étranger. Regardons tous les grands hôtels parisiens, plus aucun n’est dans des mains françaises. Pour les plus belles propriétés de la Côte d’Azur, plus aucune n’est restée française. Cela donne à notre pays le statut de colonie car quand une colonie se crée, les plus beaux joyaux sont repris par ceux qui ont colonisé.
Comme destruction de la France, il n’y a pas plus efficace.

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