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Les outre-mer, tonneau des Danaïdes de l’action publique

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« Dans chaque niche il y a un chien qui mord » aimait rappeler Gilles Carrez, ancien président de la Commission des Finances de l’Assemblée nationale. À ce titre, le cas des outre-mer est assez symptomatique : une accumulation de dépenses publiques, fiscales ou directes, que personne ne remet en cause au nom du fait acquis et des troubles sociaux qui pourraient résulter d’un quelconque changement. Une situation délétère que nous avions déjà eu l’occasion de dénoncer il y a plus de deux ans.

En septembre dernier, à l’occasion d’une énième série de violences aux Antilles, Sébastien Lecornu, alors ministre des Outre-mer, avait jeté un pavé dans la mare en évoquant la nécessité d’entamer des discussions en vue d’accorder à la Guadeloupe davantage d’autonomie. En toile de fond, la question du coût des îles pour les finances publiques semble donc ressurgir.

Quelque mois plus tard, la Cour des comptes a rendu public un rapport au vitriol constatant l’absence d’évaluation la plus totale des aides distribuées et l’opacité des niches fiscales, mettant en lumière, une fois de plus, la gabegie de cette politique publique.

Des investissements massifs dans les territoires ultra-marins

Eu égard aux mouvements sociaux récurrents, parfois violents, (en 2006, en 2009, en 2017 en Guyane, en 2018 à la Réunion et l’année dernière aux Antilles), l’État a réagi en mettant en œuvre différents plans d’urgence, mais aussi en actionnant à fond le levier de la dépense publique.

En 2018, afin de tenter de les rationnaliser un minimum, l’État avait édité le Livre bleu des Outre-mer, qui faisait lui-même suite aux assises des Outre-mer, mais n’a pas véritablement mis fin à l’absence de clarté qui caractérise l’intervention de l’État en la matière.

La mission Outre-mer du budget est en fait l’arbre qui cache la forêt de cette politique publique dont les crédits affectent 31 missions différentes, pour une dépense de 21 Mds€, soit 4 % du total du budget de l’État. À cela, il faut encore rajouter 6,3 Mds€ de dépenses fiscales, portant le chiffre total à plus de 27 Mds€.

Depuis 2017, l’effort financier des pouvoirs publics est en augmentation de 21 %. Le premier poste de dépenses est l’enseignement scolaire (6,2 Mds€), la mission outre-mer en tant que telle (2,7 Mds€), les relations avec les collectivités locales (2,2 Mds€), le développement durable (2,1 Mds€), le volet social (1,4 Mds€), la sécurité (1,2 Mds€), la Défense (1 Mds€) et d’autres postes secondaires.

Le plus grave dans ce triste état des lieux est que les dépenses d’investissement ont diminué de 37 % depuis 2018, alors que celles de personnel augmentent de 9 % et celles de fonctionnement de 19 %.

Si l’on rapporte, par ailleurs la dépense publique au nombre d’habitants de moins de 60 ans, on peut également remarquer une nette tendance à l’excès en Outre-mer (10 065€) comparé à la métropole (8 100€).

Des niches fiscales coûteuses sédimentées par le temps

Les 29 niches fiscales en Outre-mer, de natures diverses et variées, sont principalement portées par sept dépenses fiscales qui en rassemblent 93 %. En 2011, la Cour avait déjà brocardé leur « absence d’objectifs ciblés puisque pratiquement toutes les niches ont le même objectif de formulation très générale ». À l’époque, la plus haute juridiction financière française avait même considéré qu’un quart des niches n’atteignait pas « l’objectif principal poursuivi ni l’effet direct recherché ».

En clair, l’inertie, la peur panique du déclenchement de troubles sociaux et l’absence de mesure de l’efficience des sommes engagées par des indicateurs précis, engendrent un flou général sur la bonne utilisation des deniers publics.

À ce titre, l’instauration de taux de TVA réduits (et même une absence de TVA à Mayotte et en Guyane) est particulièrement éclairant. Alors que l’octroi de mer pénalise la compétitivité des entreprises locales et tirent les prix de leurs produits vers le haut, le taux de TVA réduit favorise l’importation de biens fabriqués à l’extérieur, maintenant par-là l’économie locale dans un marasme généralisé.

Globalement, les DOM-COM n’ont pas réussi, chacun à des degrés différents, à créer des spécialisations productives qui auraient pu les rendre attractifs, leur petite taille et leur éloignement demeurant un handicap plutôt qu’un atout. Le résultat est une mise sous perfusion permanente des économies locales, ainsi que l’illustre le cas du nickel néo-calédonien. À cela, il faut ajouter la fâcheuse tendance à l’incrémentalisme des décideurs publics français, le poids des lobbys ultramarins et l’absence de volonté généralisée de réduction de la dépense publique. Si la question de l’autonomie, des Antilles par exemple, doit être remise sur la table, celle de l’autonomisation financière progressive des îles doit également devenir un impératif pour les pouvoirs publics. Prochainement se tiendront d’ailleurs les négociations consécutives au rejet de l’indépendance par voie référendaire des néocalédoniens, ce qui sera une excellente occasion de s’attaquer à la racine du problème dans cette collectivité.

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6 commentaires

Laurent46 30 juin 2022 - 6:19

Normal, la seule richesse de la France reste l’assistanat. Bientôt un nouveau chèque pour les RSA pour ceux qui se font soigner gratos quoi qu’il arrive et pour beaucoup n’ont jamais travaillé de leur vie, De grosses payes pour les 30 000 haut fonctionnaires en télétravail et qui ne se réveillent que pour le vote utile qui leur permet de conserver leurs avantages mal acquis.

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REMI 30 juin 2022 - 6:42

« La danseuse de la République » … toujours insatisfaite et à qui le contribuable de me « métropole » donne toujours plus pour ne plus entendre ses cries ….!
Question : A qui et pour qui sert les Préfets dans les outre-mers ?

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Obeguyx 30 juin 2022 - 9:24

Ce ne sont pas les « outre mer » qui posent problème, ce sont nos dirigeants. Dans beaucoup de cas, ceux qui vivent hors métropole, sont souvent plus lucides que les métropolitains et surtout ceux des grandes villes de France. Un simple bilan par département pourrait nous donner de bonnes indications et un classement surprenant. En apportant une correction concernant l’attribution des productions effectives aux lieux où elles sont produites (et non aux maisons mères), la surprise pourrait être totale !!!

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Duhamel 3 juillet 2022 - 8:33

Certains peuples réclament l’indépendance ,n’attendons pas leur envie, donnons leur d’office ! Guadeloupe, Martinique ,la Reunion , Mayotte …….Qu’elle formidable économie ferait la France !!!!!

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RÉMY 10 juillet 2022 - 11:04

Article de constat, encore et encore. Touché du bout des doigts.
Creusez encore plus. Et parler des DOM-TOM, sera appréciable. Je suis francaise de Guyane, parents français installés avant 1769, des parents chinois installés depuis plus d’un siècle, des parents de Ste Lucie (anglais a l’époque) depuis un siècle, et enfin Amérindien .
Je pense que pour que votre article soit meilleur, il faut creuser, analyser, vivre sur le département. Faire corréler vos chiffres et la réalité.
Pourquoi de telles dépenses?
Pour qui?
Enlevez toute aide, et il y aura sûrement une population différente comme mes grands parents, des travailleurs. Qui méritaient ce qu’ils gagnaient comme moi je mérite ce que je gagne sans aide aucune de ce gouvernement.

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Ragnar D. Anskool 18 novembre 2022 - 9:35

Oui, mais combien rapportes les antilles à la France? C’est bien beau de parler des coût…
Si on veut faire un bilan honnête, il faut mettre en relation les entrées et les sorties.

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