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Le projet Hercule, toujours en suspens… quel avenir pour EDF ?

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En 1946, le Parlement vota à une très large majorité la nationalisation de toutes les activités relatives à l’électricité. L’idée des députés était de créer une entreprise unique et intégrée regroupant les activités de production, de transport, de distribution et de fourniture d’électricité. Ainsi naquit EDF avec la mission de gérer tout le système électrique, de la centrale à la prise. Puis la construction européenne a fait son œuvre et en 1999 les Etats membres de l’UE ont acté la libéralisation du marché de l’électricité. La France tente, depuis, de résister aux pressions de la Commission. En l’état, sur le segment de la production électrique, EDF est en situation de quasi-monopole puisqu’il en contrôle plus de 80%. Cette position dominante déplaît fortement à la DG concurrence de la Commission qui souhaite y mettre fin. Pour la satisfaire, le gouvernement de François Fillon est parvenu en 2009 à un compromis avec la mise en place du dispositif de l’ARENH (accès régulé à l’énergie nucléaire historique) mais 12 ans après sa création, il ne contente plus personne.

 

La Commission exige le démantèlement d’EDF pour garantir une concurrence non faussée

Le mécanisme de l’ARENH, qui doit s’éteindre en 2025, a poussé la Commission à revenir à la charge. Elle demande la séparation du groupe EDF en plusieurs entités distinctes. L’Etat, forcé et contraint, avait concrétisé la filialisation – les activités de transport d’électricité au sein de RTE (réseau de transport d’électricité) et les activités de distribution au sein d’ENEDIS – en 2005. Mais la proposition n’était pas complètement en règle avec le droit de la concurrence. La Commission a donc exigé que le gouvernement d’Edouard Philippe lui soumette une feuille de route pour rendre effectif le démantèlement d’EDF.

Les premières esquisses du projet Hercule ont dessiné une séparation du groupe en deux structures : une structure de nature publique qui regrouperait les activités de production (nucléaire et barrages hydroélectriques) et les activités de RTE (réseau et transport d’électricité). L’autre entité devrait contenir les activités d’ENEDIS, renouvelables et rénovation énergétique. En outre, il était prévu que 35% du capital serait ouvert aux investisseurs privés afin de financer le développement des énergies renouvelables

Cependant, Bruxelles et Paris se sont rapidement affrontés sur la question des barrages. En effet, la Commission a exigé que les concessions hydrauliques, arrivées à échéance, fassent l’objet d’appels d’offres publiques. EDF n’en est que gestionnaire puisque les collectivités ou l’Etat en sont propriétaires. Au contraire de ce que les détracteurs de l’économie libérale professent, il ne s’agit pas d’une privatisation des barrages électriques mais simplement de mettre fin au monopole d’EDF sur leur gestion. Cette demande a fait bondir nombre de politiques tout autant les syndicats du groupe puisqu’une ouverture à la concurrence fait craindre que des entreprises chinoises, russes ou américaines puissent remporter des appels d’offres, mettant de fait notre souveraineté énergétique en danger. Cependant le droit de la concurrence permet de limiter les appels d’offres aux entreprises européennes, une solution acceptable en l’espèce. Le Portugal, par exemple, est allé plus loin que la libéralisation des concessions hydrauliques. Il a ouvert à des appels d’offres la propriété et l’exploitation des barrages. Une option qui n’a pas été explorée par notre Gouvernement. Bercy, en réponse, souhaitait placer les barrages dans une quasi-régie publique, les excluant de fait du marché.

N’en déplaise à ses détracteurs, le projet Hercule est vital pour assainir le marché de l’énergie en France. En effet, l’intégration des activités de production d’électricité à base de nucléaire – sur lesquelles EDF est en situation de monopole – avec les activités de fourniture représente une distorsion importante de concurrence. En premier lieu, parce qu’EDF est en mesure de compenser ses pertes dans le nucléaire avec les recettes provenant des énergies renouvelables. Le marché du renouvelable est juteux et sans risques car l’Etat garantit un tarif d’achat tout en compensant les pertes des producteurs lorsque les prix de marché sont bas. En second lieu, parce qu’il vend à bas coût une électricité abondante, qu’il a lui-même produite contrairement à ses concurrents. Le projet Hercule répond donc à cet impératif de garantir une concurrence équitable entre les différents fournisseurs. Enfin, la Commission a exigé que la séparation entre les trois entités – que la direction d’EDF avait acceptée –  soit hermétique – ce qu’elle refuse, comme les représentants du personnel.

 

De nombreux blocages demeurent

Pour l’heure, le projet est au point mort. La Commission européenne et le Gouvernement français achoppent encore sur la question des barrages.. Plusieurs éléments empêchent la poursuite des négociations.

En premier lieu, nous entrons en période électorale et il n’est pas du tout porteur pour Emmanuel Macron d’annoncer le démantèlement d’EDF. Les Français restent très attachés à l’entreprise qui est vue comme un fleuron industriel et une fierté nationale.

En second lieu, les syndicats du groupe sont fortement mobilisés contre le projet de la Commission. Le Gouvernement marche sur une ligne de crête car tout passage en force est exclu. La CGT est notamment majoritaire dans les centrales nucléaires et les barrages hydrauliques. Le syndicat a fait peser la menace d’une grève dans les installations nucléaires, dont l’importance dans la production nationale d’électricité n’est plus à démontrer. Inutile de préciser le pouvoir de nuisance dont ils disposent. Dans le passé, les syndicalistes n’ont eu aucun scrupule à couper le courant dans des grandes villes ou bloquer des centrales nucléaires pour faire entendre leurs revendications. Le Gouvernement craint une mobilisation de grande ampleur et une médiatisation du débat à outrance.

Enfin, la classe politique est majoritairement opposée au projet Hercule. L’extrême-gauche et la gauche sont opposées à toute libéralisation du marché de l’énergie. La droite souverainiste refuse toute ingérence de Bruxelles dans les affaires françaises. Quant à la droite modérée et au centre, les politiques sont partagés, tous sont attachés à EDF et peinent à voir les avantages du projet. Pourtant, à terme, le projet Hercule permettra d’approfondir la libéralisation du marché de l’électricité. Il facilitera la transparence des prix et contribuera à limiter les distorsions de concurrence. Sans compter que le contribuable devrait y gagner sur sa feuille d’impôt car l’Etat sera moins présent au capital d’EDF notamment dans la partie renouvelable.

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7 commentaires

Pierre-Jean 24 janvier 2022 - 3:41

La concurrence est vertueuse dans les manuels d’économie : pas sûr du tout que ce le soit dans la réalité. Elle peut être parfaitement stérilisante. Quand à la récusation par principe de la rente, elle est elle aussi très discutable. La rente est un mécanisme de formation du revenu : mais la vraie question est de savoir ce que l’on fait ensuite de ce revenu.

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en fait 24 janvier 2022 - 8:00

E.D.F. ou Entreprise Défiant les Finances : juste quelques données « officielles » du rapport 2020.
– C.A. 69 milliards 031 en baisse de 3.4 %
– valeur ajoutée  » classique  » 50.50 %  » bien entendu largement à cheval entre deux familles donc grand danger de faillite pour une entreprise  » classique ».
– frais de personnel 13 milliards 957 pour 161 203 personnes soit 86 580 € an / salarié
– participation 0.39 % du C.A. plus C.E. 1% du C.A. soit en 75 ans la modeste somme de 71 milliards 964. .. ….,
– subventions diverses 8 milliards 305, . .. ….,
– part importante des très généreuses retraites payée – obligatoirement – par le consommateur.
tout va très bien

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Bernard GUILHON 24 janvier 2022 - 8:52

 » Pourtant, à terme, le projet Hercule permettra d’approfondir la libéralisation du marché de l’électricité.  »
Vœu pieux, mais purement idéologique car sans rapport avec la réalité. Quelle est-elle? L’Allemagne, dirigeant de fait de l’Europe, produit une électricité deux fois plus chère que la française. Dans un marché libéral, elle devrait s’employer à baisser son prix. Mais elle fait l’inverse, grâce à l’obligeance de Bruxelles, obligeant la France à fermer sans cause ses centrales nucléaires pour construire des centrales au gaz russe, voire même rouvrir ses centrales au charbon.
Elle est superbe, la « libéralisation du marché ».

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LEBLOND 24 janvier 2022 - 10:06

Le nucléaire ne peut pas être confié au secteur privé, c’est trop dangereux pour notre pays sur l’ensemble de la technologie et de la sécurité.
Pour l’éolien et les panneaux solaires c’est de l’arnaque énergique, soit disant énergie renouvelable, mais avec des trous car le soleil et le vent ne dépendent pas de l’humain.

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Racine 24 janvier 2022 - 2:49

Le dogmatisme de la Commission de la Concurrence à Bruxelles devient insupportable. Si c’est pour nous pousser à accoucher du fameux mécanisme de l’ARENH, mécanisme ubuesque et surréaliste, ou bien ce triste (et j’espère oublié à jamais) projet Hercule, franchement, ça suffit. Est-ce vraiment dans la compétence de Bruxelles de nous imposer tout ça ? Je suis complètement européen, mais limitons-nous à l’Europe des Nations.

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AlainD 24 janvier 2022 - 6:06

Je suis quelque peu effaré de voir comment une commission européenne, dirigée par des membres NON élus, dispose d’un tel pouvoir pour imposer sa loi aux Etats membres dirigés par des membres élus. Il suffit de voir l’action des lobbyistes en place à Bruxelles pour se rendre compte que les commissaires se laissent aller à céder à des demandes émanant de ces gens qui ne sont pas là pour faire de la figuration. Il n’est que de se souvenir de tel ancien commissaire Portugais recasé dans la finance pour l’avoir assez bien servie.

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Jean Aymar-Desconds 24 janvier 2022 - 7:01

La Commission Européenne n’a aucune légitimité pour demander à une nation de renoncer à sa souveraineté, dont l’indépendance énergétique est un des piliers.

Le système électrique allemand, que le « libéralisme »nous présente comme un modèle économique assis sur la concurrence, est loin d’être une référence en la matière. Il est géré par quatre gestionnaires de réseaux Chacun est subventionné à mort, et chacun tire la couverture à soi. Le parc de production comprend deux parcs redondants, un parc de renouvelables, qui est prioritaire sur le réseau, et un parc de pilotables, essentiellement charbon et gaz (russe arrivant par Nordstream 1), subsidiairement nucléaire et hydraulique, qui peut reprendre la main à tout moment les jours sans vent et sans soleil.
Le réseau de transport est en ruines, et doit être entièrement restructuré.
Le système électrique allemand est le résultat d’années de compromissions avec les Verts, pour qui l’Energiewende était avant tout vu comme un moyen de se débarrasser du nucléaire, et de retourner à une production « locale » basées sur les renouvelables. On voit aujourd’hui le résultat de cette politique de « cinglés » (dixit Sigmar Gabriel, ministre allemand de l’économie sous Merkel III), menée par des idéologues qui ont voulu se placer au-dessus des lois élémentaires de la physique. Cela coûte aujourd’hui un pognon de dingue aux Allemands, qui n’ont pas fini de cracher au bassinet pour un service médiocre et cher (certains immeubles s’équipent de groupes électrogènes collectifs).
En matière d’électricité, l’Allemagne a inventé une économie frelatée. Le coût négatif de l’électricité permet par exemple de se débarrasser des bouffées d’éolien qui mettent le réseau en danger. L’Allemagne porte très haut et sans vergogne le drapeau du gâchis économique engendré par un système bancal qui a déjà mis plusieurs fois le réseau européen en danger d’écroulement. Elle a inventé au fil du temps des prothèses permettant au système électrique allemand d’avancer à cloche-pied. Citons en vrac les primes aux coûts de capacité, les primes à la non-production (éolien), les primes de « mise sous cocon » (nucléaire), les subventions compensant la mauvaise utilisation des moyens de production (au charbon, au nucléaire), les primes diverses à la production des renouvelables, etc.

Et c’est ce modèle foutraque que la Commission Européenne voudrait nous imposer? Non, merci. D’autant que la Commission est à la botte de l’Allemagne, qui n’a jamais pardonné à la France de disposer d’un système électrique performant procurant un avantage aux entreprises françaises.

Hollande et Macron à sa suite ont servilement accepté de jouer le jeu de l’Allemagne, et se sont laissés endormir pendant dix ans. La France est au bord du gouffre électrique. Il est temps que les politiques français se ressaisissent. Mais qui aura le courage de renverser la table?

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