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Féminisation des filières scientifiques : l’illusion de l’égalitarisme

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Le 6 mai, la ministre de l’Éducation nationale Élisabeth Borne a annoncé le lancement d’un plan ministériel Filles et maths. Le but : qu’il y ait au moins 50 % de filles en mathématiques et en sciences en classe de 4ème et en 3ème, et au moins 30 % dans chaque classe préparatoire scientifique d’ici 2030. 

Voici ce qu’elle propose : une sensibilisation de deux heures « aux biais de genre » réalisée par les chefs d’établissement, une formation pluriannuelle pour prévenir les « stéréotypes dans l’apprentissage des mathématiques », une « charte de lutte contre les stéréotypes » destinée aux professeurs… Bien qu’elle ne parle pas explicitement de quotas, Mme Borne s’aligne sur les recommandations de l’Inspection générale de l’éducation, qui préconise d’atteindre au moins 40 % de filles dans les filières STEM en 2040.

Plus les femmes sont libres, moins elles choisissent les sciences ou l’ingénierie

Les femmes sont-elles sous-représentées en sciences parce qu’on les décourage ? Rien ne permet de l’affirmer de façon générale. Dans les pays où l’égalité homme-femme est le plus aboutie – notamment les pays nordiques, Finlande, Suède ou Norvège –, les femmes sont proportionnellement moins nombreuses à s’orienter vers les filières scientifiques. C’est l’inverse dans des pays comme l’Arabie Saoudite, l’Iran ou la Syrie où les possibilités de carrières sont plus réduites pour les femmes : elles y sont plus attirées par les sciences ou l’ingénierie. Un paradoxe bien étayé dans la littérature scientifique, connu sous le nom de gender-equality paradox. Plus les sociétés offrent aux individus la possibilité de suivre leurs aspirations, plus les femmes ont tendance à s’orienter vers des disciplines centrées sur le lien humain (médecine, éducation, psychologie), et les hommes à préférer les domaines abstraits, mécaniques ou numériques.

Il semblerait donc que ces différences relèvent plus de choix personnels que de contrainte ou oppression systémique. Le fait que les femmes préfèrent la biologie à l’informatique ou la médecine à la robotique n’est pas un problème en soi, à moins de croire que les préférences individuelles peuvent se décréter par circulaire ministérielle ou que les hommes et les femmes sont interchangeables dans leurs intérêts… ce que les méta-analyses en psychologie sociale contredisent largement.

Un nivellement par le bas

On peut bien sûr atteindre 40 % de filles dans les classes préparatoires scientifiques – mais à quel prix ? Si la parité devient un objectif absolu, il faudra nécessairement revoir les critères d’entrée à la baisse, réduire les exigences dans les concours… voire éliminer des garçons ayant le niveau requis pour laisser la place à des filles qui ne l’ont pas. La logique des quotas prônés par des comités Théodule comme le Haut Conseil à l’Égalité (HCE) ne récompense plus les compétences ; elle impose une comptabilité sexuée.

En France, le niveau en mathématiques est préoccupant : la dernière enquête internationale TIMSS de 2023 montre que nos élèves sont parmi les plus mauvais d’Europe, ce qui est confirmé par le classement Pisa qui, lui, établit une comparaison avec les autres pays de l’OCDE. Les réformes successives de l’Éducation nationale n’ont rien arrangé : la réforme du lycée de Jean-Michel Blanquer en 2019, qui a supprimé les filières du baccalauréat général (L, ES, S) – là encore, pour lutter contre une hiérarchisation et donc une forme d’élitisme – a encore creusé l’écart entre les filles et les garçons en mathématiques. À peu près 1 garçon sur 2 conserve cette matière en terminale en 2021, contre seulement 1 fille sur 4. S’il y a une inégalité scolaire entre les sexes, c’est bien l’Éducation nationale, en tant qu’institution, qui l’entretient artificiellement et ce, bien avant la « société ». L’enjeu devrait être d’élever le niveau général en mathématiques, pas de vouloir une représentation quasiment identique entre filles et garçons.

L’égalité en droit n’implique pas l’égalité des résultats

Vouloir que 50 % des ingénieurs soient des femmes n’a pas de sens, pas plus que n’en aurait l’exigence d’un quota de 50 % d’hommes chez les sages-femmes. En 2022, près de 65 % des étudiants en médecine et en sciences de la vie, et plus de 70 % des étudiants en pharmacie, étaient des femmes. Peut-on parler d’une oppression systémique inversée ? De la même manière, les filières juridiques sont majoritairement suivies par des femmes. Faudrait-il contraindre les facultés de médecine ou les facultés de droit à recruter davantage de jeunes hommes pour corriger cette inégalité de fait ? La réalité est que les choix de carrière sont le fruit d’une infinité de facteurs individuels dont l’État n’a aucune maîtrise.

Sortir de la logique comptable

L’amélioration du niveau général en sciences ne semble pas faire partie des priorités d’Élisabeth Borne. Il est évidemment plus rentable politiquement de se limiter à des exercices de communication pour entretenir la rhétorique fallacieuse des associations féministes militantes et subventionnées. Les filles ont peut-être moins d’appétence, en moyenne, pour les matières scientifiques que les garçons, mais leurs performances sont meilleures à tous les étages du système éducatif : taux de réussite supérieur au diplôme national du brevet, taux de réussite supérieur dans toutes les voies du baccalauréat, plus grand nombre de diplômées au niveau master, en doctorat de santé…

Le plus important est de s’assurer que chaque élève a les moyens de s’orienter selon ses talents et ses aspirations réelles. « Forcer » les filles à aimer les maths ne les rendra pas plus libres ou indépendantes. Transformer les filières scientifiques en laboratoires d’ingénierie sociale ne peut que les affaiblir davantage.

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27 commentaires

Mijuna 15 mai 2025 - 7:35 am

Si pour cette ministre l’urgence dans L’Education Nationale est là…je comprends mieux pourquoi on on descend dans les classements

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Roven 15 mai 2025 - 7:45 am

Ce qui est terrible chez nos technocrates déguisés en “hommes politiques” (on n’ira pas jusqu’à homme d’État” !), c’est qu’ils ne tirent aucune conclusion de leurs erreurs passées : le déni permanent, incarné par leur chef présidentiel.
On a déjà tenté de faire entrer au forceps des étudiants de Seine St Denis à Sciences Po, on voit le résultat…
Il faut laisser la liberté aux étudiants de choisir leur voie, qu’ils soient homme ou femme, habitant d’un département ou d’un autre, ce qui compte, c’est de former des gens utiles et bien dans leurs baskets.

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Yves Montenay 15 mai 2025 - 7:50 am

Élever le niveau plutôt que rechercher l’égalité est valable dans toutes les disciplines, et pas seulement entre filles et garçons. Voir mes articles sur ce sujet, dont j’ai souvent discuté avec des enseignants… Qui ne sont pas d’accord du tout. Donc le problème est chez eux !
Je ne parle bien sûr pas des enseignants agrégés, minorité qui se désole

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Banon 15 mai 2025 - 8:01 am

Toujours cette réduction à l’identique du critère d’égalité. Le libre arbitre serait toujours biaisé par des stéréotypes genrés. Et c’est une polytechnicienne qui nous assène celà

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Bibifok 15 mai 2025 - 8:08 am

Les hommes et les femmes sont différents notre ministre bornée semblent le contester et vouloir que leurs goûts et leurs aspirations soient identiques.

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Pierre-Jean 15 mai 2025 - 8:19 am

En France, et plus généralement en Occident, “on marche sur la tête” et ça devient “irrespirable”. Marre de ces c…ies.

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Poivre 15 mai 2025 - 9:04 am

L’idéologie de l’égalité absolue, des citoyens, des sexes résulte d’une perversion affectant l’esprit de certaine humains parfaitement imbus d’eux-mêmes.

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François ALLINE 15 mai 2025 - 9:05 am

Excellent. La Norvège, l’un des premiers pays féministes au monde a abandonné l’étude des genres après qu’il ait été constaté que c’était une lubie féministe. Ce n’était pas faute d’avoir mis en place des programmes de soutien pour les filles. 90% des ingénieurs étaient toujours des hommes et 90% des infirmières des femmes en dépit de ces programmes.

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Dulieu 15 mai 2025 - 9:50 am

La meilleure idée me semble être de favoriser une montée globale de niveau en mathématiques et en sciences dures, et ensuite de laisser les personnes choisir ce qu’elles préfèrent comme métiers. Les comptables des genres en sont pas cohérents puisqu’ils tolèrent des biais de 20 à 30% en faveur des filles en médecine, pharmacie et biologie.

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Le Lys dans la vallée 15 mai 2025 - 6:10 pm

il me semble en outre qu’on ne pourra accroître la présence de filles en mathématiques qu’en allant “puiser des effectifs” dans les filières de médecine ou de biologie… ce qui reviendra à faire “reculer la cause féministe” dans ces dites filières… un jeu de vases communicants dont on peine à percevoir l’utilité… nonobstant que cela sous-entend que l’étude de la médecine, de la biologie, du droit ou des lettres serait moins prestigieux ou sérieux que l’étude des mathématique, de la physique ou de la mécanique… il faudra qu’on nous explique !

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TRIPON 15 mai 2025 - 11:21 am

L’obsession de la parité ne fonctionne que pour les fonctions où les femmes sont minoritaires.
Pourquoi pour que cela soit cohérent ne pas faire la même proposition pour les fonctions où les femmes sont majoritaires et même parfois uniquement occupées par des femmes.
Cela montre l’absurdité de cette parité qui pollue la vie publique.
Le wokisme est une catastrophe.

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Virgile 15 mai 2025 - 12:34 pm

Je suis curieux de voir comment nos gauchistes ineptes vont forcer les filles à aimer les maths? Ils onr perdu complètement l’esprit et le bon sens!

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Guy 15 mai 2025 - 3:21 pm

A Virgile
C’est très simple, comme d’habitude, il suffit de changer le thermomètre. On appelera maths ce qui n’en sera plus.

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duriez 15 mai 2025 - 1:12 pm

La politique des quotas est la politique de ceux en manque d’imagination. L’égalité est toujours mise à mal quand on la transforme en égalitarisme. L’égalité est un combat démocratique, l’égalitarisme est un stratagème qui mène à la médiocrité. Laissez les filles et les garçons choisir leur voie mais incitez les à s’approprier les sciences comme un élément significatif de la culture humaine et vous serez dans le vrai et l’utile.

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AUFFRET 15 mai 2025 - 1:16 pm

Madame Borne, X-Ponts, déçoit par de telles propositions…

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Élodie Messéant 15 mai 2025 - 4:16 pm

C’est aussi ce que je me suis dit. Les esprits brillants ne résistent pas à la pression idéologique.

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Le Lys dans la vallée 15 mai 2025 - 6:05 pm

En effet… les régimes totalitaires ont, hélas, montré dans le passé que les esprits brillants pouvaient être séduits par des doctrines erronées.

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Mathieu Réau 15 mai 2025 - 7:33 pm

S’il en faut si peu pour les faire plier, au détriment complet, car c’est le plus grave, non seulement de l’intérêt général mais des intérêts particuliers également (celui pour chacun de se sentir épanoui dans la voie professionnelle qu’il s’est choisie), sont-ils réellement si brillants, ces esprits ?…
Résister à ce genre de pensée toute faite devrait être le principal critère de recrutement pour nos hommes d’État, désormais ; pas la supposée brillance de leur intellect à l’évidence faussée par un CV convenu. C’est de plus en plus urgent et cela, certaines démocraties (mais pas encore la nôtre, hélas) l’ont bien compris.

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Dulieu 18 mai 2025 - 9:33 am

Ou avez-vous trouvé des esprits brillants?

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Le Lys dans la vallée 15 mai 2025 - 6:03 pm

Très bien résumé ! … Ce fait bien documenté que les femmes des pays libres adoptent les filières plus “littéraires” et les femmes des pays non-libres les filières plus “scientifiques” est une réalité que n’aiment pas entendre certaines féministes idéologues. Encore une fois, la liberté et l’égalité de tous n’induit nullement l’effacement des disparités naturelles de chacun d’entre nous. Bien au contraire, la libéralisation a précisément pour but de permettre aux qualités naturelles de chacun de s’exprimer au mieux, pour le plus grand bénéfice de tous. C’est le principe même de l’équation libérale. Les mécanismes de “compensation” et de “correction” du socialisme, outre leur méthode inéluctablement autoritaire et injuste (discrimination dite positive), abrasent l’excellence de chacun dans son domaine.

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Pierre 15 mai 2025 - 8:58 pm

J’ai consacré toute ma vie professionnelle à l’enseignement des sciences physiques dans les collèges, lycées et classes préparatoire scientifiques. Ce que vous écrivez me semble frappé au coin du bon sens. Les filles sont souvent meilleures que les garçons mais elles mettent plus facilement en doute leurs réelles capacités. La participation des filles à la production scientifique et technique pose les mêmes problèmes dans une majorité de pays développés.
Deux points me semblent essentiels :
1) la coercition ou les quotas sont un injure à l’intelligence.
2) le niveau en mathématiques et en physique n’a cessé de régresser depuis 30 ans en même temps que l’on diminuait l’horaire alloué à ces disciplines. Le contenu des programmes scientifiques du secondaire a été allégé au point de ne plus ressembler à grand chose. Nous sommes maintenant entrés dans un cercle vicieux où pour dispenser plus d’heures il faudrait plus de professeurs de plus en plus introuvables car peu formés ou mal formés et sous-payés.

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Riv 16 mai 2025 - 8:48 am

Parité déguisée qui mènera encore une fois au nivellement par le bas.

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mc2 16 mai 2025 - 5:25 pm

Mme Borne fait peut-être allusion aux filles vraiment douées pour les maths trop souvent dissuadées de s’y intéresser par leur entourage misogyne. C’est un gros gâchis dont j’ai rencontré quelques exemples.

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Henou 18 mai 2025 - 8:03 am

La femme est le complément de l’homme et inversement, il n’y a pas d’égalité entre XX et XY
C’est la nature qui a créé cette différence

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BERNARD HENOU 18 mai 2025 - 8:31 am

La nature a fait l’homme et la femme complémentaires et différents pour pourquoi ne pas les accepter tels qu’ils sont et que l’un soit le sosie de l’autre. cet égalitarisme est anti écologique

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Oncpicsou 18 mai 2025 - 9:04 am

Les idéologues voudraient que le monde soit tel qu’ils le rêvent et non tel qu’il est. Un ecolo, précisons “de gauche”, voudrait que l’on respecte les principes naturels… mais quand il s’agit du masculin et du féminin c’est l’inverse, il faudrait que ces deux genres, biologiquement différents, deviennent identiques, ce qui est fondamentalement contre nature!
Ce qui démontre, une foi de plus, que la politique est devenue le refuge des imbéciles…

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FRANCIS 18 mai 2025 - 9:21 am

Il est consternant de constater qu’après avoir connu le siècle des lumières, la France connaisse aujourd’hui celui de l’obscurantisme.

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