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L’affaire McKinsey est-elle une « affaire »  ?

L'IREF dans la Tribune

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Ce qu’il est désormais commun d’appeler « affaire McKinsey » a ému une partie de l’opinion, consternée par la supposée proximité entre Emmanuel Macron et un cabinet de conseil, soucieuse d’une saine gestion des deniers publics et inquiète de voir une partie des prérogatives stratégiques de l’État potentiellement sous-traitée à une entreprise privée américaine. Que les Français se rassurent, la réalité, notamment d’un point de vue financier, est bien plus nuancée et nous invite à reconsidérer une affaire qui n’en est pas vraiment une.

Le recours des États aux cabinets de conseil est une réalité internationale systémique. Quand les grands cabinets vantent, par pure stratégie marketing, leurs missions de conseils auprès de clients gouvernementaux, ils ne mentent pas. Pendant la crise sanitaire, le gouvernement belge a signé des contrats avec quatre cabinets de consultants pour assister le pays, pour une somme estimée à 10 millions d’euros. Citons aussi le cas du Québec, pour une facture de 6 millions d’euros. La crise sanitaire n’a fait que révéler aux yeux de l’opinion une réalité qui, depuis plus d’une décennie, est systématique : les gouvernements ont, ponctuellement, besoin d’un apport du privé, même pour leurs décisions stratégiques. Pour ceux qui voudraient penser qu’il s’agit là d’un caprice d’Occidental, rappelons que le « Plan Sénégal Émergent » (PSE), fierté du président Macky Sall, a été préparé avec l’apport de McKinsey. En Côte d’Ivoire, c’est le cabinet Okan Partners qui a contribué à l’émergence du plan stratégique « Phoenix », dédié au soutien au développement des PME.

La France n’a que peu recours aux cabinets de conseil

D’un point de vue global, les dépenses publiques françaises pour ce type de prestations restent en-deçà de celles des deux autres grandes économies européennes. Entre 2005 et 2017, le journal allemand Der Spiegel, dans le cadre d’une enquête sur les missions confiées à McKinsey, au Boston Consulting Group et à Roland Berger, trois des plus prestigieux cabinets de conseil, révélait que les dépenses du secteur public allemand à destination des cabinets de conseil avaient grimpé de 1,1 milliard à 2,9 milliards d’euros. En 2019, selon la commission des Finances, l’Allemagne a dépensé 3,5 milliards d’euros et la Grande-Bretagne 2,5 milliards d’euros pour les cabinets de conseil. La France, avec un peu moins d’un milliard d’euros de dépenses, était alors légèrement au-dessus de l’Italie. La hausse subite des budgets alloués aux consultants n’est que la conséquence d’une situation d’exception, face à laquelle le secteur public devait se doter d’un support ponctuel.

Le moindre recours de la France aux cabinets de conseil s’explique largement par des facteurs culturels. Les hauts fonctionnaires français, empreints de tradition jacobine, sont largement moins perméables que nos voisins anglo-saxons aux consultants dont la présence dans les administrations relève de l’évidence. Cette vision du secteur public est aussi largement diffusée dans l’opinion française qui, plus qu’ailleurs, s’émeut de ce qu’elle perçoit comme un « scandale d’État ». Le tout, sur fond d’un anti-américanisme peut-être inassumé. Dans le cas français, précisons d’ailleurs que 90 % des budgets dédiés aux cabinets de conseil sont liés à des prestations informatiques, un domaine où les compétences sont trop rares et les profils trop chers pour constituer des équipes permanentes sous statut de fonctionnaire. Les missions stratégiques, qui émeuvent l’opinion, ne représentent que 10 % des budgets de consultants. Une goutte d’eau dans le budget de l’État.

Pour McKinsey, l’État français est un « petit » client

Toujours d’un point de vue financier, le rapport sénatorial affirme que 12,33 millions d’euros ont été versés à McKinsey durant toute la crise sanitaire pour la gestion d’une campagne vaccinale qui, malgré quelques lenteurs au démarrage, a été une réussite logistique et opérationnelle difficilement contestable. À titre de comparaison, en 2021, le remboursement intégral des tests PCR et antigéniques aurait coûté, selon les données de l’Assurance maladie, 8,8 milliards d’euros, soit plus de deux fois le budget annuel dédié au ministère de la Culture (4,19 milliards d’euros budgétés en 2022), alors même que cette mesure généreuse n’a, a priori, eu que des impacts modérés sur l’épidémie. La gabegie financière n’est pas nécessairement là où l’on croit.

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11 commentaires

Verdun 1 avril 2022 - 5:48

Je recommande de faire du 1er avril la fête journée internationale des politique.

Bien à vous

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Henri+de+Richecour 1 avril 2022 - 6:18

Oui l’affaire Mc Kinsey est une affaire d’abord en ce qu’elle est un témoignage des mensonges répétés de Macron et de sa clique sur les questions financières et l’organisation de ceux-ci. Idem la question de la rémunération du président lors de son parcours comme banquier. Au delà des flux financiers, ces aspects doivent être pris en compte. Il ne s’agit pas d’antiaméricanisme ou je ne sais quoi, il s’agit que ceux qui font commerce d’exemplarité en fassent aussi la démonstration personnellement comme politiquement. Pire, le mensonge est organisé comme système. Dans ces conditions, comment croire à quoi que ce soit concernant ces gens? Ils sont peut-être vaguement libéraux. Justification très très insuffisante.

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Nicolas Lecaussin 1 avril 2022 - 8:43

Désolé, mais ce n’en est pas une une. L’affaire du patrimoine – que nous avons révélé – en est une, en effet.
NL

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Obeguyx 1 avril 2022 - 6:52

Donnez moi le milliard, je vous donnerai des conseils ! De qui se moque-t-on ? Le Président l’a avoué : sa clique et apparemment tous les fonctionnaires sont totalement incompétents sur plein de sujets. Et puis, bon sang, on n’est pas obligé de copier sans cesse les âneries des autres pays, on a déjà bien du mal à gérer les nôtres. C’est certainement un cabinet de conseil qui a conseillé de vendre Alstom, par exemple !!!

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JCC 1 avril 2022 - 7:39

Ce n’est pas dérangeant qu’il y ait recours à des cabinets ; cela l’est un peu plus quand : ils ne payent pas l’impôt, ils sont pleins de copains de Macron qui ont bossé gratuitement en 2017 pour sa campagne, que le même cabinet conseille Pfizer ET (en même temps haha) le gouvernement sur sa stratégie vaccinale… on se croit revenu au bon vieux temps d’Arthur Andersen où le 6e étage était conseil stratégique et le 10e commissaire aux comptes pour le compte d’Enron… Donc OUI, c’est bel et bien une affaire pour Macron qui peut lui couter très gros.

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Nicolas Lecaussin 1 avril 2022 - 8:41

Désolé, mais l’affairE du patrimoine est réellement une affaire…

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Pierre Bouchet 1 avril 2022 - 8:36

Mais ce qui est grave, c’est que Mc Kinsey a travaillé gracieusement pour M.Macron durant sa campagne 2017, et que donc ce dernier avait une sorte de dette envers le Cabinet, et c’est pour payer cette dette qu’il a fait travailler Mc Kinsey par la suite. C’est évidemment comme si des frais de campagne de M. Macron étaient finalement payés par l’Etat …

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Nicolas Lecaussin 1 avril 2022 - 8:38

Je doute très fortement qu’il ait travaillé « gracieusement »…
Cordialement,
NL

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Carbou Jacques 1 avril 2022 - 8:54

A priori, il n’y a pas de scandale a ce que des cabinets conseil travaillent pour les administrations. Lorsque je travaillais dans un cabinet americain et une equipe a participe a la reorganisation de La Poste voulue par Paul Quiles, meme si les conditions d’attribution des contrats ne se faisaient pas dans la transparence. Quant aux resultats…on peut en debattre indefiniment.
Au sujet de Mac Kinsey, vous passez sous silence un point qui repose sur le renvoi d’ascenseur decide par Macron envers ce cabinet qui a offert des services gratuits lors de sa campagne presidentielle de 2017. Ils en ont ete genereusement recompenses 3 ou 4 ans plus tard. Le president de LREM est un ancien de chez Mac Kinsey ce qui peut expliquer bien des connivences. Tenir compte de ces faits n’est pas tomber dans l’anti-americanisme.

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Henri 1 avril 2022 - 1:50

Il ne faut pas que le sentiment viscéral anti-Macron de certains ne les amènent à dire n’importe quoi.
Cordialement,

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montesquieu 1 avril 2022 - 5:46

Montchalin a le profil idéal pour rejoindre Mac Kinsey lorsque son « aura » politique se sera éteinte!

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