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Un grand soir fiscal est-il possible ?

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Article publié par Jean-Philippe Delsol, administrateur de l’IREF, dans le quotidien La Tribune du 13 octobre. Lire l’article .

Un grand débat fiscal est envisagé par le Président de la République lui-même. Pour sa part, le premier ministre n’exclut plus la suppression de l’ISF que M.Copé appelle de ses vœux. Le traumatisme des élections perdues de 1988 à la suite, mais non nécessairement, à cause de l’abrogation de l’ISF deux ans plus tôt, est peut-être enfin en train de s’estomper.

L’ISF apparaît toujours plus comme un impôt imbécile, comme une arme idéologique capable de soulager les frustrations de la gauche jalouse et hargneuse, plutôt que de contribuer au budget de l’Etat. Car le rôle d’un impôt est d’abord et surtout de permettre à la collectivité de disposer des ressources nécessaires pour faire face aux dépenses publiques, ça n’est pas de punir telle ou telle catégorie de citoyens. Or l’ISF rapporte peu et peut être même rien du tout.

Certes, bon an mal an, il produit environ 4 Mds d’euros au Trésor public. Mais il faut en déduire environ 600 millions d’euros pour prix du bouclier fiscal. Et plus encore, il faut prendre en compte les effets délétères de cet impôt qui ne se voient pas, mais qui sont importants : les français les plus fortunés votent avec leurs pieds et la fortune qu’ils transfèrent à l’étranger non seulement échappe désormais au fisc français, mais elle ne génère plus ni activité, ni emploi, ni profit en France. Tous les pays de l’Union européenne l’ont compris. Une douzaine d’entre eux a aboli son impôt sur le capital au cours de ces dernières années. L’Espagne socialiste a été le dernier à le faire. La France reste seule à disposer de ce contre privilège. Les 3 à 4 Mds d’euros qu’il rapporte facilement pourraient sans doute aisément être compensés par une remise en cause de quelques unes des niches fiscales des entreprises sur lesquelles la Cour des comptes, dans un rapport publié ce 6 octobre, propose 30 Mds d’économie.

Non seulement l’ISF est économiquement et fiscalement nuisible, mais il est également inique. Il porte même sur les actifs non productifs de revenus dont il érode ainsi la valeur année après année. Il ne tient surtout pas compte de la situation des couples qu’il frappe sans prendre en compte le fait qu’ils réunissent deux patrimoines. Les époux disposent de la même franchise (790 000 €) qu’un célibataire et la progression de l’impôt, de 0,55 à 1,8% s’applique sur leur patrimoine comme sur celui d’un célibataire. Ainsi deux personnes ayant chacune un patrimoine de 790 000 € ne payent pas d’ISF, mais si elles se marient elles supportent un ISF de 5 746 €. Si elles disposent chacune d’un patrimoine de 2 500 000 €, elles payent chacune 12 870 € d’impôt. Si elles se marient, elles sont redevables d’un ISF de 42 500 €, soit 65% de plus.

Ainsi en l’absence de quotient familial, il y a une violation manifeste de l’article 1er de la constitution de 1958 aux termes duquel : « la France… assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens…. » ; violation aussi des articles 1 et 6 de la Déclaration des droits de l’homme et des citoyens de 1789 disposant respectivement que « Les hommes naissent et demeurent …égaux en droit » et que « La loi doit être la même pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ».

Le fait que deux personnes se marient, ou vivent d’ailleurs en concubinage notoire, ne les transforme pas en un citoyen unique. Chacune, heureusement, garde ses droits. Chacune vote. Chacune peut conserver la propriété de son patrimoine.

Pourquoi faudrait-il les taxer comme s’ils n’étaient qu’un. C’est une notion totalement archaïque du couple. Une notion que d’ailleurs seul l’ISF retient. Car en matière d’impôt sur le revenu, il y a bien toujours deux parts pour les deux parents. Et à défaut qu’il y ait au moins 2 parts pour les deux parents ou les deux concubins notoires, l’ISF ne nous parait pas constitutionnel.

Au surplus, en l’absence de quotient familial prenant en compte les enfants, la règlementation sur l’ISF viole aussi l’article 13 de la Déclaration de 1789 : « …pour l’entretien de la force publique et pour les dépenses d’administration une contribution commune est indispensable, elle doit être également répartie entre tous les citoyens en raison de leurs facultés ». Les 150 euros accordés pour chaque enfant ne prennent pas en compte le coût réel des enfants et les facultés de chacun, comme une juste répartition entre eux de la charge publique.

Le Conseil constitutionnel auquel la question a été posée de l’inconstitutionnalité de l’ISF pour les raisons susvisées s’est retranché, dans sa décision du 24 septembre dernier, derrière le pouvoir souverain du législateur pour renoncer à toute mise en cause de l’ISF. Souhaitons que les hommes politiques de la majorité présidentielle soient désormais pour leur part plus courageux.

Un grand soir fiscal est sûrement improbable et peut-être peu souhaitable car il s’ensuit souvent des lendemains qui déchantent. Mais l’efficacité économique autant que la simple justice exigent désormais que la question de l’ISF soit réexaminée. Il ne s’agit pas de faire un cadeau aux riches, mais de favoriser la richesse de telle façon que tous puissent en profiter.

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