Institut de Recherches Economiques et Fiscales

Faire un don

Nos ressources proviennent uniquement des dons privés !

anglais
Accueil » Salaire des grands patrons : pourquoi il ne faut pas légiférer

Salaire des grands patrons : pourquoi il ne faut pas légiférer

par
201 vues

En France, la rémunération des patrons du CAC 40 fait toujours les gros titres. Ces derniers jours, le salaire du PDG de Renault, Carlos Ghosn (7,2 M€), ou encore celui du patron de PSA, Carlos Tavares (5,24 M€), font encore la Une des médias. Au-delà des polémiques sur le montant des rémunérations, qui viennent sanctionner une performance dans un cadre légal régi par un ensemble de contrats (voir l’article de l’IREF sur la rémunération des grands dirigeants), une question se pose sur le processus interne de décision au sein des entreprises pour définir les rémunérations, au point que certains veulent légiférer pour rendre contraignants les avis consultatifs de l’assemblée générale des actionnaires. Ce serait sans doute une erreur.

L’État n’a rien à dire dans les procédures internes des entreprises

Le salaire accordé par le conseil d’administration (CA) de Renault à Carlos Ghosn au titre de 2015 comprend une part fixe d’environ 1,2 M€, une part variable d’environ 1,8 M€ et le reste de 4,2 M€ est distribué sous la forme de stock options et d’actions gratuites avec paiement différé. Le CA a décidé de maintenir sa rémunération contre l’avis consultatif émis par l’assemblée générale (AG) des actionnaires qui a voté contre à 54,12 %. Ce qui a suscité l’ire des actionnaires, des médias, des syndicats, de l’opinion publique et d’Emmanuel Macron, pourtant considéré comme proche des milieux d’affaire, qui menace de légiférer pour contraindre les CA des grandes entreprises à accepter la décision des actionnaires.

À la suite des nombreuses polémiques qui ont alimenté le débat national, la quasi-totalité des entreprises cotées du CAC 40 ont décidé de mettre en place le say on pay, ce fameux avis consultatif de l’AG, selon des modalités diverses, notamment celles prévues par le code AFEP-MEDEF de bonne gouvernance et de transparence des rémunérations, afin d’éviter que le gouvernement ne légifère. Cet avis n’est pas contraignant mais simplement consultatif. Faut-il alors intervenir par la loi pour encadrer la rémunération des dirigeants, puisqu’ils semblent incapables de rester dans la mesure et la décence ? Non, pour trois raisons essentielles :

(1) Une entreprise privée est avant tout un nœud de contrats qui ont force juridique et doivent donc être respectés à ce titre. Les membres du CA des entreprises – et c’est le cas chez Renault – sont élus par l’AG, et ont donc l’autorité légale pour définir la rémunération des dirigeants. Si les actionnaires n’apprécient pas la décision du CA, ils sont libres de révoquer leur mandat lors des prochaines désignations. Mais on ne saurait remplacer la souveraineté du CA par un dispositif législatif.

(2) La législation n’est pas adaptée lorsqu’elle cherche à sanctionner un fait particulier plutôt que de prendre en compte une situation générale. Le cas de Renault est tout à fait nouveau : c’est la première fois que les actionnaires d’un groupe du CAC 40 refusent de valider les préconisations du comité de rémunération. Il serait absurde de légiférer pour sanctionner le comportement d’une seule entreprise, d’autant que ce processus a été réalisé dans la plus parfaite légalité, et que la loi n’a pas vocation à remplacer le processus interne de définition des rémunérations.

(3) L’État a déjà un pouvoir réel d’influence au sein du groupe, puisqu’il détient près de 20 % des droits de vote en AG après être entré par surprise au capital de Renault en avril 2015, et s’être attribué des droits de vote double en avril 2016, au détriment de Nissan. Même si une telle participation a de quoi de choquer pour un groupe international et mondialisé, l’État peut déjà exercer ses moyens de pression au sein de l’AG au lieu de mettre en place une loi qui aurait des effets contre-productifs et incertains à l’échelle nationale.

Au lieu de conspuer sans cesse, admirons nos patrons !

La hausse de la rémunération du patron du groupe Renault vient récompenser ses grandes qualités de dirigeant, puisque Renault a atteint ses objectifs de rentabilité avec deux ans d’avance dans un contexte économique morose. Ainsi le résultat net de Renault en 2015 a été de 2,96 Mds €, une augmentation de 48 %, alors que le chiffre d’affaires a progressé de 10,4 % par rapport à 2014 (45 Mds €). La restauration de la rentabilité de Renault tient donc à la continuation de la réduction drastique des coûts d’achat, de fabrication et de logistique, à la croissance du volume des ventes. Elle n’est pas due au hasard.

Carlos Ghosn a su s’imposer comme une figure incontournable et charismatique du groupe, et à ce titre, le CA a décidé de maintenir la rémunération contre l’avis des actionnaires. On peut certes exiger de la décence dans le niveau des salaires et contester le processus, mais cela s’est fait dans la légalité la plus totale. Arrêtons donc de polémiquer vainement sur les salaires des patrons ; cela ne fait qu’entretenir la haine de classe, la jalousie et le ressentiment. Nous devrions au contraire admirer les dirigeants d’entreprise quand ils réussissent comme le fait Carlos Ghosn et qu’ils contribuent à l’emploi et à la richesse de la France en même temps qu’à son image. Le salaire élevé qu’ils en tirent n’est que la juste rétribution du talent qu’ils mettent à l’ouvrage.

Abonnez-vous à la Lettre des libertés !

Vous pouvez aussi aimer

Laissez un commentaire

5 commentaires

gadgetum 20 mai 2016 - 5:06

Salaire des patrons
Il serai plus juste de le calculer sur un pourcentage des bénéfices

Répondre
Nessus 20 mai 2016 - 6:49

Où la règle est faussée ?
Pourquoi les C.A. ne respectent pas l'avis des actionnaires qui devrait primer ? On sait bien que dans les C.A. du CAC 40 les administrateurs se tiennent tous par la barbichette et s'entendent comme larrons en foire pour piller les actionnaires ( i.e. réduire les dividendes et s'accorder mutuellement des rémunérations excessives ( parce qu'il n'y a pas que le salaire , vous le savez fort bien mais vous vous gardez d'en parler). Oui il n'y aurait pas besoin de légiférer si la représentation et le pouvoir des actionnaires était démocratique et non contourné comme les statuts des sociétés par actions l'organisent .

Répondre
Thierry Foucart 21 mai 2016 - 10:15

et l'Euromillion ?
Octobre 2014 : un seul gagnant pour cent quatre vint dix millions d'euros à l'Euro million. Quel est le mérite du gagnant ? Va-t-on limiter les gains à l'Euro million par la loi ?

Répondre
tixier georges 21 mai 2016 - 10:42

salaires des patrons
on ne parle jamais des footballeurs ou artistes divers! Pourquoi? La réponse est dans le latin que l'on veut supprimer!
Panem et circences!
il est trop tard etc…
G Tixier

Répondre
Marc 27 mai 2016 - 2:23

Salaires
Le problème soulevé n'est pas tant le niveau de celui du patron que le niveau de celui des ouvriers qui n’est pas la juste rétribution du talent qu’ils mettent à l’ouvrage.

Répondre