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Mythes et réalités de l’État-providence scandinave

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Les pays nordiques ont la réputation d’être les pionniers de l’État-providence. Ils sont régulièrement en tête des classements relatifs à la qualité de vie, notamment en ce qui concerne le revenu par habitant, les soins de santé, l’éducation et l’absence de corruption.

Durant la formation des États nordiques, une forte tradition de social-démocratie a favorisé tout à la fois une retenue de l’Etat dans ses interventions dans la vie économique et des niveaux remarquablement élevés de confiance dans le gouvernement. Les gouvernements ont permis aux associations d’employeurs et aux syndicats d’organiser le marché du travail par le biais de la négociation collective.

Le « complexe industriel » de l’aide sociale

La force de cet héritage est telle que les pays nordiques voient d’un très mauvais œil les ambitions de l’Union européenne d’introduire un « pilier social » de droits pour ses citoyens. La mise en place d’un salaire minimum est considérée comme une forme particulièrement odieuse d’ingérence dans des questions qui ont traditionnellement été résolues par des négociations nationales.

De nombreux observateurs extérieurs scrutent les États nordiques afin d’en tirer des leçons pour leur propre pays. L’obsession de longue date des démocrates américains d’évoquer le modèle de l’État-providence scandinave à des fins de politique intérieure en est un bon exemple. Ces projections fantaisistes ont souvent été très éloignées de la réalité. Par ailleurs, chaque État scandinave a son modèle spécifique.

Malgré ce que pensent des démocrates comme le sénateur Bernie Sanders, des politiques de copier-coller ne sauraient suffire à reproduire les succès des autres. Mais ce qui est encore plus troublant, c’est que, dans les pays nordiques, les idéaux actuellement vantés auprès au public américain ont depuis longtemps été altérés, ils ont même parfois disparu. La vague néolibérale qui a débuté dans les années 1980 et le culte de la « nouvelle gestion publique » qui s’en est suivi ont entraîné une très importante transformation de l’État-providence traditionnel.
Dans la réalité, il existe maintenant des divergences profondes entre les États nordiques, tant au niveau des politiques que des normes de gouvernance. À certains égards, le Danemark et la Suède sont très différents. Étant donné que les deux pays partagent un héritage linguistique, culturel et politique, il est logique d’attribuer ces divergences à des choix différents dans leurs priorités.

Le gouvernement danois se concentre sur le bien-être de ses citoyens en introduisant des réformes qui améliorent les performances du marché du travail et des systèmes d’aide sociale. Le gouvernement suédois, quant à lui, cherche à compenser les dysfonctionnements politiquement irréparables de ces systèmes en confiant des responsabilités gouvernementales à une multitude d’acteurs privés.

La stratégie suédoise ne doit pas être confondue avec une privatisation potentiellement bénéfique. Les acteurs privés financés par les contribuables sont autorisés à s’enrichir sur les rentes créées par les restrictions et les rigidités politiques jugées impossibles à supprimer, créant ainsi une perte sèche pour la société. Le gouvernement est captif de puissants intérêts particuliers qui forment ensemble ce que certains appellent le « complexe socialo-industriel » .

Le modèle danois, , très admiré, insiste sur la flexibilité du marché du travail. Connu sous le nom de « flexicurité », il offre aux employeurs une grande latitude juridique pour embaucher et licencier sans risquer de procès. En contrepartie, les employés se voient proposer d’adhérer à des fonds d’assurance chômage, qui peuvent verser des prestations pendant des périodes allant jusqu’à deux ans. Et le gouvernement assume la responsabilité des programmes d’éducation et de recyclage afin d’offrir aux personnes licenciées la garantie de retrouver du travail aussi rapidement que possible.

La « flexicurité » soutient donc le développement des entreprises et la création d’emplois en permettant aux employeurs de prendre des risques. Il soutient également les employés dans leur développement de carrière en réduisant les craintes qui pourraient autrement être associées à la perte d’un emploi. Le résultat : environ un quart de tous les Danois qui travaillent dans le secteur privé changent d’emploi chaque année.

Le modèle suédois contraste fortement avec le modèle danois. Sa législation restrictive sur le marché du travail empêche la mobilité et l’adaptation. Au lieu de réformer afin de promouvoir la flexibilité et la création d’emplois, les gouvernements (de gauche et de droite) se sont engagés dans des programmes généreusement financés pour générer artificiellement des besoins en matière d’emploi.
Certains de ces programmes font appel à des agences privées de « coaching », qui aident les chômeurs à distinguer les emplois disponibles correspondant à leurs compétences, et à rédiger des CV appropriés. Si ces initiatives ont contribué à faire baisser les statistiques potentiellement embarrassantes du chômage, on peut douter qu’elles soient bénéfiques. Nombreux sont ceux qui les déclarent au mieux inefficaces . Les principaux bénéficiaires ont été, en réalité, des acteurs peu scrupuleux du « complexe socialo-industriel » .

Le grand nombre de demandeurs d’asile ayant de faibles perspectives d’intégration a conduit les intervenants privés à mettre au point des systèmes inventifs pour se gaver de dépenses publiques. Les scandales récents ont également montré à quel point il est facile pour les organisations criminelles d’organiser des fraudes aux prestations à grande échelle dans de tels systèmes.

Les cas les plus flagrants sont les créations de sociétés privées (dont plusieurs sont enregistrées) pour fournir une assistance personnelle aux personnes handicapées. Elles demandaient une assistance, puis des visas de travail étaient délivrés à d’autres personnes du même pays afin qu’elles puissent fournir ladite assistance. Lorsqu’ils sont arrêtés, les auteurs continuent souvent à fournir les mêmes « services » sous le couvert d’une autre société.

Le Danemark se distingue aussi de la Suède par la préférence nationale en matière de dépenses sociales. Il existe un large consensus politique au Danemark selon lequel la population résidente doit en être la principale bénéficiaire. Les immigrés doivent suivre un long processus avant d’avoir droit aux prestations et sont soumis à des règles strictes, reçoivent un soutien financier minimal et doivent renoncer à toute ressource financière qu’ils pourraient apporter avec eux, y compris leurs bijoux.

La Suède, en revanche, est engagée dans un universalisme extrême en matière d’aide sociale. De puissants militants politiques au sein du gouvernement estiment que le lieu de naissance ne doit pas déterminer le droit aux prestations sociales. Ils ont élaboré une législation visant à garantir aux immigrés un accès sans discrimination aux prestations sociales.  Un agriculteur somalien nouvellement arrivé a les mêmes droits qu’un métallurgiste suédois qui a contribué au système pendant des décennies.

Les immigrés qui sont dans la bonne tranche d’âge bénéficient de prestations et de pensions somptueuses à leur arrivée. Ces mesures ponctionnent le budget de l’État et menacent la viabilité à long terme du système de retraite. Elles ont également conduit à une très forte polarisation politique et érodé la confiance dans le gouvernement, y compris quand il s’agit de payer des impôts élevés.

Le troisième point de divergence, le plus fondamental, concerne le respect des bases du contrat social, soins de santé, sécurité personnelle, développement du capital humain. Alors que les Danois attribuent régulièrement des notes élevées à leur gouvernement pour ces services, le système suédois semble se dégrader.

L’érosion rapide de la qualité des soins de santé suédois, conjuguée à l’explosion de la violence des gangs, a incité une partie croissante de la population à souscrire une assurance maladie privée et à opter pour des solutions de sécurité, comme les communautés fermées. Enfin, une crise profonde du système éducatif national suscite des doutes quant à l’avenir du pays et sa place parmi les leaders de l’économie mondiale de la connaissance.

Scénarios

Deux scénarios pour l’État-providence sont susceptibles de se développer en parallèle. Le Danemark envisage un avenir marqué par la cohésion et la stabilité sociales, des taux de croissance économique élevés et une forte valorisation du capital humain, le tout associé à de faibles taux de criminalité et à des problèmes d’intégration minimes. Pour la Suède ce serait plutôt l’inverse.

Les rigidités profondément ancrées dans le marché suédois du travail et du logement rendent plus difficile la gestion d’un grand nombre de nouveaux arrivants, souvent attirés par la promesse de prestations sociales instantanées. Ceux qui ne parviennent pas à s’intégrer deviennent des proies faciles pour le crime organisé, qui submerge alors les forces de l’ordre, ce qui renforce le sentiment d’abandon de l’État.

La Suède est maintenant loin derrière ses voisins nordiques. Phénomène d’autant plus frappant que le pays avait une longueur d’avance sur le plan économique et dans la mise en place de son système de protection sociale. Car elle avait, tout d’abord, récolté les bénéfices de sa participation à la Seconde Guerre mondiale. Ensuite, elle avait bénéficié de la reconstruction européenne d’après-guerre, qui a généré une demande massive pour ses industries de base.

Cette situation met en évidence le lien fondamental qui doit exister entre l’État-providence et l’État-nation. Les gouvernements danois successifs ont démontré que l’État providence national peut être réformé et adapté pour prospérer dans des conditions de mondialisation et de grande mobilité.En revanche, les gouvernements suédois ont opté pour une aide sociale transnationale. Ce choix leur a valu de bénéficier de l’éclat chaleureux qui accompagne l’autoproclamation d’une « superpuissance morale », mais il constitue une menace pour le pays. Avec un système dysfonctionnel, les Suédois auront de plus en plus de mal à augmenter les impôts pour financer l’aide sociale.

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