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Marc Fumaroli : PARTIS PRIS. Littérature, esthétique, politique

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Quelle heureuse coïncidence ! A l’occasion du 60e anniversaire du ministère de la Culture, les Editions Robert Laffont publient, dans leur prestigieuse collection Bouquins, des dizaines de textes (articles, essais, chroniques, interviews) de Marc Fumaroli parmi lesquels les plus engagés sont regroupés sous le titre Polémiques. Fumaroli a été l’un des plus acerbes et des plus lucides critiques de ce ministère créé en 1959 par de Gaulle, à la tête duquel sera nommé André Malraux.

Dès la publication de son Etat culturel (1991), Fumaroli est attaqué en meute par les assistés de la culture et les prébendiers du système. Quel crime de lèse-majesté ! Un intellectuel français ose contester la prise en charge par l’Etat de la vie culturelle ! Pire, l’auteur va plus loin : grand spécialiste et admirateur des XVIe et XVIIe siècles, il ose vanter les mérites du mécénat à l’ancienne. Celui qui n’impose pas de valeurs, qui protège les vrais artistes et les vrais écrivains. L’équivalent aujourd’hui, c’est le mécénat privé, fondations et mécènes qui ne visent pas à imposer la culture pour tous mais à sauver et à encourager le goût et les œuvres d’art.

« L’Etat culturel se réclame à tort de l’Etat cultivé du Grand Siècle ». L’« action culturelle » se transforme en massacre culturel (surtout durant le règne de Mitterrand). Les bureaucrates remplacent les gens cultivés, les « commissaires culturels » deviennent les meilleurs amis des soi-disant artistes dont le but est l’obtention de l’inévitable subvention publique.

« L’Etat culturel prétend servir l’esprit. Je soutiens qu’il a favorisé surtout une autosatisfaction consommatrice qui compromet à la fois le civisme démocratique et la hauteur de l’esprit français. Il est un alibi, au lieu d’être un modèle », écrit l’auteur. Sous l’expression de « démocratisation culturelle », se cachent en réalité les échecs de l’éducation et la marxisation des esprits. On fait croire à tout le monde que tout art se vaut et la notion de culture devient un fourre-tout. N’importe qui devient artiste, les intermittents du spectacle étant le symbole de la « banqueroute de l’Etat culturel ». La prise en charge par l’Etat providence de ces créations de l’administration dénote la faillite de la « culture pour tous » et justifie l’entretien d’une armée de fonctionnaires. Ironie du sort, ce même Etat culturel n’a pas hésité à considérer Marc Fumaroli « trop vieux » pour enseigner en France (au Collège de France) et l’a mis d’office à la retraite. Immédiatement, une université d’un terrible pays « ultralibéral », faisant fi de son âge, lui a proposé d’enseigner chez elle la littérature française. Voilà donc un de nos plus éminents représentants de la culture française chassé par l’étatisme de son pays et accueilli par l’Université de Chicago, le « repaire » de Milton Friedman, William Kristol ou Allan Bloom. Dans l’Amérique « mal connue », il n’existe pas de « mammouth » centralisateur mais une grande liberté et un sens protecteur des valeurs culturelles.

Si l’on en est arrivé là, c’est aussi à cause de cette idéologie égalitariste qui « décore le mastodonte brinquebalant de l’éducation » (et de la culture). Le « témoin non engagé » qu’est Fumaroli n’a de cesse de critiquer « l’acide égalitariste » qui ronge notre société : « L’égalitarisme est une passion triste, insatiable, acharnée. La volonté de puissance qu’elle nourrit ne se contente pas de fictions, même juridiques. Elle veut régner sans partage sur une réalité dépouillée jusqu’à l’os de toute trace de diversité verticale ou horizontale… ». Cette pathologie égalitariste, quels dégâts terribles n’a -a-t-elle provoqués en « brisant les élans ambitieux de notre république méritocratique » !

Quel délice pour l’esprit, ces écrits ! Dans la première partie de l’ouvrage qui s’intitule Exercices d’admiration, on savoure toute une série d’essais et de portraits depuis la Renaissance jusqu’à aujourd’hui, de Corneille à Pietro Citati en passant par Stendhal, Proust, Scaha Guitry ou Julien Gracq. Ce qu’on appelle la vraie culture.

« Libérons-nous de l’idéologie ! » clame Fumaroli sans trop y croire. Nous, on y croit juste en le lisant.

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