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Revenu universel en Finlande : l’échec prévisible d’une mauvaise idée

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Aucun effet sur l’emploi. C’est la conclusion de l’expérimentation du revenu universel menée en Finlande sur une population test. Au-delà de l’échec pratique de cette idée en vogue, il faudrait s’interroger sur sa légitimité morale.

Une expérimentation qui ne tient pas ses promesses

Revenu universel, impôt négatif, revenu minimum garanti, allocation universelle … Toutes ces appellations défendent un même principe. Chacun aurait droit à une subvention mensuelle de quelques centaines d’euros, indépendamment de son statut ou de son revenu. Moins contraints économiquement, les plus pauvres pourraient satisfaire leurs besoins de base. Ils auraient plus de facilités pour trouver un emploi tout en évitant le paternalisme stigmatisant du maquis des aides sociales d’État. Simplification administrative, indépendance de chacun, restauration du libre arbitre, lutte contre le chômage technologique, élimination des effets de seuil, les avantages seraient nombreux et l’idée a fait des émules chez de nombreux politiciens, de Benoît Hamon à Barack Obama.

Pour voir si cela fonctionne en pratique, le gouvernement finlandais a décidé de tenter l’expérience pendant une année sur un groupe de 2000 chômeurs sélectionnés aléatoirement. Ils ont reçu chacun 560 euros par mois sur la période 2017-2018. Selon Olli Kangas, le coordinateur de l’expérimentation, l’étude préliminaire des résultats montre que le revenu universel n’a pas permis d’augmenter l’emploi des bénéficiaires par rapport au groupe de contrôle. Par ailleurs, parmi les bénéficiaires, un plus grand nombre de personnes déclare un meilleur niveau de bien-être relatif.

Une fausse bonne idée pour lutter contre le chômage

Si l’idée du revenu universel peut paraître séduisante de prime abord, force est de constater qu’il n’a pas réussi à sortir cette population test de la dépendance. Il est critiqué par de nombreux économistes pour son effet « désincitatif » et le maintien dans l’assistanat d’une partie de la population. Pour Pascal Salin, professeur d’économie, « ceux qui auraient la charge de financer par leurs impôts ce revenu universel seraient moins incités à développer leurs activités productives ».

Prenons Frédéric, un riche rentier, et Charles, un chômeur sans revenu.
– Première possibilité, le revenu universel. L’État prend 500 € à Frédéric pour les donner à Charles. Certes Charles a un revenu, mais seulement pour un mois, il est maintenu dans l’assistanat, car toujours au chômage. Frédéric n’a rien eu en échange. C’est un jeu à somme nulle (voire négative si on prend en compte le coût de la bureaucratie).
– Seconde possibilité, l’investissement. Frédéric investit ces 500 € dans l’activité productive. Ce capital permet de créer une entreprise qui va produire de nouvelles richesses. Pour cela, l’entreprise aura besoin de main-d’œuvre et pourra embaucher Charles. C’est un jeu à somme positive : Charles crée de la valeur et gagne un salaire, Frédéric crée de la valeur et gagne un retour sur investissement et le consommateur en profite. Tout le monde y gagne, c’est le principe fondamental de l’économie de marché.

Le revenu universel n’aide pas Charles à sortir de la dépendance, ce que l’expérience finlandaise confirme. Une objection couramment avancée est que le chômage de masse serait désormais une fatalité à cause de la robotisation et de l’informatisation de nos sociétés. Le revenu universel serait alors une réponse pour tous ceux qui n’auraient plus d’espoir de trouver un emploi. Cette crainte répandue ne résiste pourtant pas à la destruction créatrice de Schumpeter. Les robots et l’intelligence artificielle ne créent pas de chômage dans les pays qui en font le plus l’usage. Les gains de productivité associés à ces technologies permettent de libérer des ressources qui peuvent être réinvesties dans de nouvelles activités créatrices d’emplois. En Finlande, comme en France, le taux de chômage relativement élevé de 7,4 % (9,2 % en France) s’explique surtout par une inadéquation du système de formation, une indemnisation du chômage souvent trop généreuse et par un marché du travail particulièrement réglementé et peu flexible qui crée des barrières à l’entrée pour les jeunes peu qualifiés.

Une faillite morale dangereuse

Si le revenu universel peut soulager certaines contraintes économiques à court terme, il maintient les plus pauvres dans la trappe à pauvreté de l’assistanat à long terme. Il crée un cycle de dépendance auto entretenu, à l’image des échecs de toutes les politiques de redistribution dans les pays collectivistes. Le progrès social est une question d’incitations que seule une économie de marché compétitive et innovante permet d’atteindre. Le marché du travail doit rester inclusif, ce qui n’est le cas ni en Finlande ni en France. Pour y parvenir, il est urgent de restaurer un régime de libre-concurrence et de liberté contractuelle.

Au-delà d’un échec économique annoncé, le revenu universel ouvre la porte à une dangereuse dérive collectiviste. Ce droit positif permet à l’État de prendre en charge chaque individu du berceau à la tombe et crée une dépendance illimitée à l’administration. Bismarck, initiateur de l’État-providence en Allemagne y voyait d’ailleurs un très bon moyen de contrôler la population : « Je considérerai que c’est un grand avantage quand nous aurons 700 000 petits retraités tirant leurs annuités de l’État, en particulier s’ils appartiennent à ces classes qui, autrement, n’ont pas beaucoup à perdre dans un soulèvement. » Les dérives politiques d’un tel système ne se feront pas attendre : augmentation électoraliste du montant du revenu universel, instauration de la progressivité, financement par la planche à billets ou la dette (donc par les générations futures) …

Le revenu universel est aussi une faute morale. Il laisse croire que le simple fait d’exister donne le droit de jouir du travail d’autrui sans son consentement. On détruit au passage un fondement de la civilisation, la responsabilité, tout en appelant cette destruction « autonomie ». Refuser le revenu universel, ce n’est pas refuser la solidarité, c’est la rétablir. Aider son prochain en situation de handicap ou d’infortune nécessite un don sincère, responsabilisant et volontaire. Comme le disait Frédéric Bastiat il y a plus de 150 ans : « Il m’est tout à fait impossible de séparer le mot fraternité du mot volontaire. Il m’est tout à fait impossible de concevoir la Fraternité légalement forcée, sans que la Liberté soit légalement détruite, et la Justice légalement foulée aux pieds. »

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10 commentaires

Chris 12 février 2019 - 1:42

RU vs Assistanat vs Générosité
L'étude a été qualifiée de préliminaire, en effet il faudra attendre un peu plus pour en tirer des conclusions plus fermes, par exemple on peut présumer que l'amélioration du niveau de bien-être peut avoir une influence positive sur la capacité à trouver un emploi.

Merci pour ce résumé en français, accompagné d'une critique efficace, et apte pour une fois à faire douter les partisans les plus convaincus de ce système.

Cependant, il restera à trouver une parade à l'enfermement lié à l'extrême pauvreté, au niveau des moyens de subsistance, de santé, d'éducation, de capacité à assurer un poste de travail.
Comme pour le problème de la pollution, je doute que la société ultra-turbo-libérale qui hante mes rêves les plus fous soit capable de régler ce problème, même à grands renforts de volonté spontanée et généreuse.

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Laurent Pahpy 12 février 2019 - 3:42

Cher Monsieur,

Merci pour votre commentaire. Concernant la question écologique, il peut être intéressant de se pencher sur les principes de l'écologie de marché qui proposent des solutions intéressantes : https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/et-si-le-capitalisme-etait-le-plus-ecologique-800063.html

Bien cordialement,
Laurent Pahpy

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Dommage... 14 février 2019 - 5:02

Analyse ou propagande?
Le travail d'"analyse" ici semble plutot etre de la propagande de think tank et ne comporte aucun elements d une analyse economique serieuse. Préjugés, erreurs de logique et j'en passe… j'ai l'impression de lire un exercice de lyceen qui n'a pas étudié le sujet… avez vous reellement lu les etudes preliminaires? Essayez au moins de feuilleter le livre de Chris Hughes expliquant les dysfonctionnements fondamentaux avec les modeles actuels d'aide?

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FMDrevet 15 février 2019 - 11:14

Mauvaise analyse
Vous ne prenez pas en considérations les paramètres de l'expérimentation donc vos conclusions sont hâtives et à côté de la plaque ! Cette expérience finlandaise n'était pas un revenu de base universel tel que défini dans la charte du MFRB mais une simple allocation sur un public particulier pendant une durée définie (2 ans) Lisez les travaux de Philippe Van Parijs qui montre les limites des expérimentations d'une allocation universelle dans un environnement économique qui n'intègre pas les fondamentaux d'un vrai revenu de base…Bien à vous

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Laurent Pahpy 21 février 2019 - 12:03

Bonjour,

L'échantillon finlandais n'est-il le public idéal pour montrer les vertus du RU ? Les chômeurs ne seraient-ils pas la population censée en bénéficier le plus ? Les autres expérimentations menées aux US sur des échantillons plus représentatifs de la population montrent même une baisse significative de l'emploi https://www.jstor.org/stable/145685

Bien cordialement,

Laurent Pahpy

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Anonyme 15 février 2019 - 1:30

Si l'IREF le dit..
Les résultats sont POSITIF.. pour une étude préliminaire, qui pense qu'actuellement on verrait une amélioration du taux d'emploi en 1 année !?

LES GRAPHIQUES SONT BONS :
– Moins de stress
– Moins de précarité
– Baisse des charges (et donc des coûts) administratifs
– Meilleure santé psychologique et physique.
– Aucun effet sur l’emploi et les finances (à court terme)

J'en tire comme conclusion, que le groupe test avec revenue de base :
N'est pas plus FAINÉANT,
et ils sont en meilleure santé psychologique et physique.
Le travail c'est la santé, et l'esclavage !?

C'est ptêtre plus embêtant pour les employeurs qui n'ont plus un "stock" de personnes sans emploi à engager à moindre coûts..

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Laurent Pahpy 21 février 2019 - 12:07

Bonjour,

Certes les bénéficiaires se sentent mieux. Mais le maintient dans la dépendance n'est pas un succès. Si le RU consiste à améliorer les conditions de vie sans permettre une véritable autonomie, il me semble préférable de se concentrer sur un marché du travail inclusif qui permet, lui, d'obtenir une véritable autonomie et de meilleures conditions de vie.

Cordialement,

Laurent Pahpy

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Laurent 17 février 2019 - 10:56

Prenons Frédéric, un riche rentier, et Charles, un chômeur sans revenu.
Je vous cite :
"> Première possibilité, le revenu universel. L’État prend 500 € à Frédéric pour les donner à Charles. Certes Charles a un revenu, mais seulement pour un mois, il est maintenu dans l’assistanat, car toujours au chômage. Frédéric n’a rien eu en échange. C’est un jeu à somme nulle (voire négative si on prend en compte le coût de la bureaucratie).

> Seconde possibilité, l’investissement. Frédéric investit ces 500 € dans l’activité productive. Ce capital permet de créer une entreprise qui va produire de nouvelles richesses. Pour cela, l’entreprise aura besoin de main-d’œuvre et pourra embaucher Charles. C’est un jeu à somme positive : Charles crée de la valeur et gagne un salaire, Frédéric crée de la valeur et gagne un retour sur investissement et le consommateur en profite. Tout le monde y gagne, c’est le principe fondamental de l’économie de marché."

Votre argument est absurde.
D'une part si "Frédéric" est un "riche rentier" ce n'est pas 500 euros de plus ou de moins qui vont influencer sur son désir d'investir au point de créer un emploi.
D'autre part prenons en exemple le résultat en termes d'emplois du CICE… qui démontre que ce n'est pas en donnant des dizaines de milliards aux entreprises qu'elles créent significativement de l'emploi. Il a même été constaté qu'elle investissent quand elles ne rémunèrent pas leurs actionnaires… alors qui y gagne ? Certainement pas tous le monde.

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Laurent Pahpy 21 février 2019 - 12:11

Cher Monsieur,

Il est préférable pour Frédéric que ces 500 € se transforment en 500 € + retour sur investissement qu'en 0 €.

Concernant le CICE, je vous invite à lire l'analyse critique de l'IREF sur la question, qui prône sa suppression : https://fr.irefeurope.org/Publications/Etudes-et-Monographies/Abandon-du-CICE-quelles-consequences

Bien cordialement,

Laurent Pahpy

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Théophile 7 mars 2019 - 1:27

Et si on simplifiait le système français ?
On lit ici :"ceux qui auraient la charge de financer par leurs impôts ce revenu universel seraient moins incités à développer leurs activités productives"
Imaginons qu'on ait l'idée de généraliser vers le bas (pour tous les revenus par part inférieurs à 27087 euros)la formule de la tranche à 30% de l'IR :
De 27087 à 72617 : (R x 0,30)-(5706,74 x N)
et qu'en contrepartie on ne conserve plus que les allocations logement et handicap.
Pourriez-vous alors m'expliquer qui serait moins incité à développer ses activités productives ? Or cette formule distribue déjà pour ceux qui y sont assujettis un RSA socle à chaque adulte et la moitié à chaque enfant.

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