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Réforme des retraites et boule de cristal :

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Alors que le Gouvernement est strictement incapable à ce jour de poser l’équilibre financier général de la réforme, qu’il en a d’ailleurs repoussé plusieurs éléments à l’issue d’une conférence incertaine et qu’il n’a guère daigné fournir les autres, comment peut-il donc déjà publier une volée de simulations individuelles qui, bien entendu, soulignent largement les avantages de la réforme, alors que les valeurs définitives et significatives du point de retraite ne sont toujours pas connues ? En effet on n’a pas besoin de s’acharner, à grands renforts de calcul :

-sur la vingtaine de profils choisis (pages 201 et suivantes de l’étude d’impact) très certainement à bon escient, le secteur privé n’ayant droit qu’à six exemples contre seize pour la fonction publique (ceci d’ailleurs ne faisant que confirmer la « préférence » marquée pour le secteur public qu’on retrouvera tout au long de cette réforme, qui n’a pas été préparée par des fonctionnaires pour rien),
– sur les âges de départ allant de 62 à 67 ans parce que, plus c’est tard, plus cela rapporte et aussi plus le tableau des prétendus « gagnants » à la réforme s’en trouve fourni,
– comme sur les rémunérations astucieusement calibrées,

pour se demander comment on peut sérieusement anticiper le montant d’une pension dans un régime par points, point dont on ne connaît encore aucune des deux valeurs exactes (acquisition + service), ni en conséquence le taux de rendement finalement arrêté. Le projet présenté ressemble curieusement à une sorte de nouveau loto législatif « Les lettres sans les chiffres » qui laisse perplexe tout lecteur attentif.

Par ailleurs, les gens d’expérience savent qu’il y a deux moyens de réduire l’efficacité d’un contrôle : le rationner ou le saturer. Visiblement, avec les 1 029 pages d’étude d’impact et les 129 pages du projet de loi portant sur la réforme des retraites, tardivement diffusées le vendredi 24 janvier dans l’urgence, c’est la seconde voie qui semble avoir les préférences de Matignon. En effet le pouvoir s’est montré brusquement très pressé, puisque les premières réunions ont été menées tambour battant dès le début de la semaine suivante et donc nettement avant l’échéance officielle du 3 février annoncée pour le début de l’examen. Cette précipitation suffit à jeter plus qu’un soupçon sur tous ceux qui croient encore pouvoir abuser le Parlement – et avec lui tous les citoyens – en l’obligeant à examiner à marche forcée l’un des textes financièrement et socialement les plus importants et les plus complexes des dernières décennies. Heureusement, il reste chez beaucoup de nos compatriotes, venu tant d’une méfiance ancestrale que de l’histoire récente, comme une sorte de flair instinctif, qui leur permet sinon d’évaluer précisément le danger, du moins de le subodorer avec suffisamment de justesse pour refuser de prendre des vessies pour des lanternes.

Dans ces conditions, nul doute que la volée de bois vert infligée par le Conseil d’État n’ait été parfaitement justifiée et certains, qui regrettent son caractère consultatif, la trouvent même encore pas assez sévère. La question est maintenant la suivante : comment l’Assemblée nationale peut-elle sans rougir, sans affaiblir davantage le rôle du Parlement, sans détériorer davantage son image, commencer et poursuivre comme si de rien n’était l’examen et le vote d’un texte « à trous » et qui sort très « chahuté » de son passage au Palais Royal ? Accompagné d’une étude d’impact aussi lacunaire que boursouflée, visiblement bâclée et montée a posteriori, le projet ne fait guère, pour l’essentiel, qu’esquisser par 29 renvois une sorte de bande-annonce des ordonnances à venir, dont le contenu précis comme la traduction financière échappent présentement au législateur. Avant bien sûr que le Conseil constitutionnel, qui sera inévitablement saisi à la fin de la récréation (puisque la conférence des présidents de l’Assemblée nationale a refusé de suivre la mise en garde pourtant sensée de son homologue du Sénat), ne décide donc a posteriori et souverainement à quel étiage précis la rue de Montpensier entend fixer le degré acceptable de dépréciation de l’image du Parlement aux yeux de l’opinion.

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3 commentaires

Laurent 46 4 février 2020 - 7:54

Exemple
Pour le savoir c'est très simple il suffit de faire le calcul de tout ce qui n'est plus remboursé par la sécu hors CMU.
On paye toujours plus, on nous impose que les génériques (sauf aux drogués généralement sous CMU) en cas d'hospitalisation cela coûte toujours plus cher y compris les dépassements d'honoraires (que je compare à la capitalisation lorsque ce sera obligatoire pour tout le monde), etc… en finalité les premiers perdants seront ceux du privé puis le public va suivre sauf les hauts fonctionnaires et les politiques pour les autres on s'aventure vers la misère tout en payant le maximum. Un Sécu est un bon exemple de ce que va faire la politique

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JJNK 4 février 2020 - 1:04

Retraites : le problème est mal posé !
Que le débat est confus ! Personne n’y comprend rien.
La vérité est que, dès l’origine, le problème est mal posé. Cela ne date pas de la réforme proposée par M. Delevoye, mais la faute de M. Delevoye est de ne pas y avoir porté remède.

Le problème est mal posé, parce qu’on veut poursuivre, avec le même outil, deux objectifs dont les logiques sont différentes (la solidarité et la capitalisation de droits), et cela se traduit par une ambigüité du statut des cotisations de retraite : ces cotisations sont-elle un impôt ? ou une épargne obligatoire ?

En fait, elles sont plus ou moins les deux à la fois ; et la conséquence est que chacun s’emmêle en raisonnant tantôt dans une logique, tantôt dans une autre.
===
La solution est de séparer les problèmes et de créer deux dispositifs indépendants : l’un pour la solidarité, l’autre pour la capitalisation de droits.
– la solidarité doit être financée par l’impôt (un impôt assis sur tous les revenus et pas seulement sur cotisations des salariés).
– la capitalisation de droits (pour assurer aux imprévoyants, que nous sommes tous, le maintien de leur niveau de vie d’activité) doit se faire par une épargne obligatoire (une épargne gérée en toute clarté sous la forme d’un compte en euros, dont chacun reste propriétaire).

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Alain D 4 février 2020 - 6:30

La réforme des retraites ? Un bricolage de plus
Ce projet a vraisemblablement été bricolé par des financiers. Qui peut croire que le calcul portant sur la totalité de la carrière sera au bénéfice des retraités ? Déjà Balladur avait en son temps porté de 10 à 25 années (sauf pour les fonctionnaires par souci électoraliste) le calcul des pensions. Aujourd'hui, les parlementaires sont fortement priés de voter un texte mal ficelé avec des éléments manquants, tel le financement excusez du peu. Comment un tel travail d'amateur pourra t il passer au rang de Réforme, oui avec un grand R, il faut dire que ce gouvernement n'en manque pas d'air car pour mieux tenter de museler une opposition à ce projet fumeux il laisse planer la menace du 49.3 qui lui donne l'assurance de passer en force. Mais si c'est cela la démocratie selon Macron, je n'adhère pas.

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