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Malheureux comme Piketty en Suisse :

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La séquence est passée inaperçue mais mérite toutefois d’être commentée. Il y a quelques semaines, Thomas Piketty était interviewé par le journaliste suisse Darius Rochebin dans l’émission « Pardonnez-moi » sur la RTS. Décryptage.

Expliquer le succès de l’Europe par la social-démocratie ?

Face à Darius Rochebin, l’économiste-star explique le succès européen par la social-démocratie. C’est notamment sur ce constat que Piketty fonde, dans son ouvrage, le raisonnement selon lequel nous ne devrions pas avoir peur de dépasser le capitalisme. Le raisonnement est le suivant : l’Europe est un continent riche et social-démocrate. Sa richesse ne peut s’expliquer que par la social-démocratie. Thomas Piketty utilise donc la corrélation entre le niveau de prélèvements obligatoires et la richesse qui prévaut dans les social-démocraties européennes pour en déduire une causalité. Problème, partout en Europe, le processus d’enrichissement et de réduction de la pauvreté a précédé l’instauration de l’Etat-providence (figures 1 et 2)

Figure 1 : taux de pauvreté dans certains pays sélectionnés

Figure 1 : taux de pauvreté dans certains pays sélectionnés

Figure 2 : dépenses sociales dans certains pays sélectionnés (%PIB)

Figure 2 : dépenses sociales dans certains pays sélectionnés (%PIB)

Comment expliquer la prospérité de la Suisse ?

Autre point remarquable, l’économiste botte en touche quand le journaliste suisse lui suggère que la confédération s’est enrichie grâce à la sobriété fiscale. Est-ce parce que le pays est riche qu’il peut se permettre d’être un paradis fiscal ? Ou est-ce parce qu’il est – selon les standards officiels – un “paradis fiscal” qu’il est devenu riche ? La figure 4 rappelle qu’il fut un temps où la France et la Suisse avaient un PIB par habitant similaire. Une première divergence apparaît logiquement pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais elle ne suffit pas à tout expliquer. L’écart se creuse à partir des années 80. Or, coïncidence, c’est aussi à ce moment que se creuse un écart important en matière de dépenses publiques (figure 3).

Figure 3 : dépenses publiques en France et en Suisse

Figure 3 : dépenses publiques en France et en Suisse

Figure 4 : PIB par habitant (PPP) en France et en Suisse

Figure 4 : PIB par habitant (PPP) en France et en Suisse

La concurrence fiscale en Suisse, l’anti-modèle Piketty ?

La Suisse est donc l’anti-modèle Piketty. Elle ne se contente pas d’avoir une fiscalité faible au regard des standards de l’OCDE. Son système politique repose sur une concurrence fiscale entre cantons et localités, ce qui tend à mettre un frein à la croissance des prélèvements obligatoires dans ce pays. Cette concurrence est attestée par la décentralisation fiscale, que l’on peut traduire en chiffres en examinant la part de la fiscalité globale attribuée aux échelons centraux et locaux (tableau 1)

Tableau 1 : comparaison de la part de la fiscalité dévolue aux échelons centraux et locaux en France et en Suisse (2017)
France Suisse
Echelon central 86,33% 46,5%
Echelons subnationaux 13,29% 53,5%
Source : conférence suisse des impôts

Note : Cette superposition de trois souverainetés fiscales rend la fiscalité suisse particulièrement difficile à comprendre pour les non-initiés. En 2014, les recettes fiscales des pouvoirs publics selon le modèle SF1 se sont montées à environ 131 milliards de francs, qui se composent comme suit :
– Confédération: 60,6 milliards de francs;
– Cantons : 43,5 milliards de francs;
– Communes: 26,8 milliards de francs.

La Suisse doit-elle être 20 à 30% plus pauvre ?

A la cinquième minute de l’interview, Thomas Piketty avance de manière péremptoire qu’une Suisse plus fiscalisée serait 20 à 30% plus pauvre. Il admet donc qu’un pays qui augmenterait ses prélèvements fiscaux serait moins prospère. Voilà qui devrait rendre les Suisses plus enthousiastes vis-à-vis du modèle socialiste !

Mais que gagneraient les Suisses et les Européens à ce que le pays le plus riche d’Europe le soit beaucoup moins ? Thomas Piketty rejoue ici la théorie du jeu à somme nulle. L’enrichissement de la Suisse se ferait au détriment du reste de l’Europe. C’est en raison de ce schéma que beaucoup arguent qu’il ne serait pas possible d’exporter le modèle fiscal Suisse à l’ensemble du continent européen (alors qu’il a prévalu jusqu’à l’éclatement de la Première Guerre mondiale).

L’Europe peut-elle redevenir un paradis fiscal sans porter atteinte à la richesse de la Suisse ?

ll n’est pas pertinent de considérer la concurrence fiscale comme un jeu à somme nulle. Si l’Europe était restée un paradis fiscal, les Suisses auraient bénéficié du fait que leurs partenaires commerciaux seraient plus riches et dotés de plus grandes capacités productives ainsi que de plus grandes capacités d’épargne et d’investissement au bénéfice des industries et des consommateurs helvètes. Tout comme les épargnants suisses profiteraient de plus d’opportunités d’investissements à l’étranger. En économie internationale, la richesse de l’un fait celle de l’autre. Il ne tient donc qu’aux Européens d’imiter la Suisse en se détournant des leçons de Monsieur Piketty.

Figure 1 : taux de pauvreté dans certains pays sélectionnés

Figure 1 : taux de pauvreté dans certains pays sélectionnés

Figure 2 : dépenses sociales dans certains pays sélectionnés (%PIB)

Figure 2 : dépenses sociales dans certains pays sélectionnés (%PIB)

Figure 3 : dépenses publiques en France et en Suisse

Figure 3 : dépenses publiques en France et en Suisse

Figure 4 : PIB par habitant (PPP) en France et en Suisse

Figure 4 : PIB par habitant (PPP) en France et en Suisse

 

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4 commentaires

Claude Courty 19 janvier 2020 - 4:42

Du binôme économie-population
N'en déplaise à la plupart des experts en sciences dites humaines, l'histoire de l'humanité n’est rien d’autre que celle de la relation économie-démographie, celle-ci conditionnant celle-là et non le contraire. Et c’est par ignorance, voire négation de cette relation fondamentale ainsi que de son évolution, que l'homme s'interdit, entre autres conséquences, de maîtriser ses inégalités sociales et de se réconcilier avec son environnement. À quoi servent en effet la frugalité individuelle et le partage si la population de ne cesse d'augmenter ?

Parce qu’il doit impérativement ne serait-ce que se nourrir, se vêtir, se loger et se soigner, l’homme est un consommateur, qui se double d’un producteur dès qu’il est en âge de travailler. Il est ainsi, avant toute autre opinion ou considération, un agent économique au service de la société, dès avant sa conception jusqu'après sa mort, comme en témoignent des marchés du prénatal et du mortuaire particulièrement prospères. Et plus le nombre de ces agents augmente, plus leurs besoins s’accroissent – s'ajoutant à ceux qu’ils s’inventent toujours plus nombreux –, plus ils produisent, consomment, échangent et s’enrichissent aux dépens de leur habitat, avec l'aide du progrès scientifique et technique, quelles que soient les conditions du partage de leurs richesses. Qu’il s’agisse de ressources non renouvelables ou de pollution, les atteintes à l’environnement augmentent d’autant et aggravent celles d’une nature jamais avare de catastrophes inopinées ou cycliques, que la décroissance soit ou non l'aspiration de toujours améliorer sa condition, qui distingue l'homme des autre espèces animales connues.

Si la COP 25 qui vient d'avoir lieu à une fois de plus ignoré le fait démographique, les pouvoirs qui en décident – au grand jour ou dans l'ombre – doivent savoir que la planète s'en remettra, mais qu'eux-mêmes se sont une fois de plus comportés en fossoyeurs de l'humanité. Car
l'augmentation de la population humaine mondiale, avec ses répercussions sur tous les pays, est actuellement, de 250 000 chaque jour, soit en une année, la population de la France et du Benelux réunis. Et la fameuse transition démographique est telle, qu'après que cette population se soit accrue en moyenne, d'environ 10 500 individus quotidiennement depuis le début de notre ère, ce chiffre sera de 125 000 à 300 000 dans moins d'un siècle, selon les projections haute et basse du Service population de l'ONU et sauf effondrement généralisé entre temps.

https://www.worldometers.info/fr/
https://pyramidologiesociale.blogspot.com/

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Jean-MichelTHUREAU 29 août 2020 - 5:51

Un petit texte de mon cru sur Picketty/Inégalités
Autocritique de Mr Picoti, « économiste socialiste ».

Ayant envie de devenir jeune, beau, riche et célèbre, j'entrepris la rédaction d'un pavé de 1000 pages sur le "capitalisme" et les "inégalités". L'un étant coupable des autres, naturellement.

J'avais décidé de travailler scientifiquement : quels sont, me dis-je, les phénomènes économiques assez importants pour avoir un impact mesurable sur les revenus et les patrimoines ?

J'examinai rêveusement la courbe de l’indice des prix à la consommation en France : une pente vertigineuse, entrecoupée, çà et là, de quelques accidents mineurs (guerres mondiales, krachs, chocs pétroliers etc).

Les prix, exprimés en francs courants 1914, semblaient avoir été multipliés par 1.000 de 1914 à 1982 !

Comment était-ce possible ?

J'avais pourtant entendu dire que, pendant cette période, des progrès de productivité de 2,4% par an avaient divisé les prix réels des produits par 5.

Le prix d'un produit vendu 100 francs en 1914 aurait dû baisser à 20 francs en 1982. Il était finalement affiché à 1.000 nouveaux francs, soit 100.000 francs de 1914 ! Cinq mille fois plus ! Une inflation monétaire de 13,34% par an, en moyenne !

Effaré, je me plongeai immédiatement dans la lecture des best-sellers de deux auteurs socialistes respectés : "L'économie pour les ploucs" et "Un plouc enseigne l'économie au vulgum pecus".

Peu après, je perdis mon innocence : J'appris que, lorsque les états ne peuvent plus financer leurs déficits par des emprunts, ils recourent à l'inflation. Cela consiste à demander à la Banque Centrale des crédits non financés par de l'épargne. Après cela, une partie de la monnaie en circulation est sans valeur, sa cote moyenne baisse donc en proportion.

Les dettes de l'État sont ainsi réduites ou effacées. Dans l’ombre de l’État, les emprunteurs non étatiques bénéficient des mêmes avantages.

Le principe de base du crédit à terme étant de fabriquer de gros emprunts avec de la petite épargne, les épargnants modestes sont des victimes toutes désignées : l'État et les riches pompent l’épargne des pauvres. C'est une sorte d'Impôt Sur la Pauvreté (ISP) qui vient créer/aggraver les inégalités.

On parle moins de cet "ISP" que de l’ISF, pourtant il rapporte beaucoup plus à l’État. Quant aux riches emprunteurs il leur rembourse très largement leur ISF.

IL Y A, DIEU MERCI, DES "RICHES" PARMI CES PROFITEURS MAIS, TOUT DE MEME, LE VRAI COUPABLE EST INCONTESTABLEMENT L'ETAT.

Épouvanté par ces découvertes, je courus chez un ami, ancien élève de l'ENA, promotion Voltarène, proche relation du Président.

<<Cool, on va le relire ton brouillon et rectifier tes erreurs ! >> (il n’a pas dit erreurs, mais c…….s)

Quelque temps après, miraculeusement, la responsabilité des capitalistes était pleinement rétablie. L'État disculpé.

Ouf ! Marx n'aurait pas à se retourner dans sa tombe.

Tout de même j'exprimai un doute sur la pertinence de la formule simplette "x > y" sur laquelle reposait désormais toute notre argumentation. Ma réputation était en jeu, non ?

<< T'inquiètes, on signera Picoti ou Picota >>

C'est ainsi que je suis devenu jeune, beau, riche et célèbre, sous un nom d’emprunt.

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IngeniusSoul 10 novembre 2020 - 3:49

https://youtu.be/oRzQHPWAO8w
Ceci pourrait vous instruire, car je pense que vous tombez en plein dedans.

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IngeniusSoul 10 novembre 2020 - 3:41

Pourquoi "si l'Europe était restée un paradis fiscal"…
Pourquoi "si l'Europe était restée un paradis fiscal" et non "Si la Suisse n'était pas restée un paradis fiscal" ?
Si on suit votre raisonnement, "la Suisse pille l'Europe, donc le problème, c'est l'Europe qui ne pille pas assez la Suisse" ?
Pourquoi ne pas dire "personne ne pille personne, et l'Europe peut se développer sans se faire piller par la Suisse" ?
Si mon voisin me vole, je ne trouverai pas l'excuse "pille également tes voisins pour compenser tes voisins qui te volent".
M'enfin, bref.

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