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Le Haut Commissariat au plan, instance datée et inutile

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Dans le cadre de son plan de relance à 100 milliards d’euros, le gouvernement a prévu de ranimer une organisation datant de 1946 : le Haut Commissariat au plan.

Annoncé au coeur de l’été et mis en place pour la rentrée 2020, le retour du Haut Commissariat au plan est presque passé inaperçu. Par des décrets publiés le 1er et le 3 septembre 2020, c’est pourtant une nouvelle institution de prospective et de planification qui est venue s’ajouter à celles qui existent déjà.

Selon l’article 1 du décret 2020-1101, le Haut Commissaire au plan sera chargé « d’animer et de coordonner les travaux de planification et de réflexion prospective conduits pour le compte de l’Etat et d’éclairer les choix des pouvoirs publics au regard des enjeux démographiques, économiques, sociaux, environnementaux, sanitaires, technologiques et culturels ».

Le but annoncé par le gouvernement est de « rééclairer » l’action publique d’une vision de long terme. François Bayrou est choisi pour exercer la fonction de Haut Commissaire. Un poste pour lequel il ne sera pas rémunéré, mais qui lui permettra en revanche de bénéficier du remboursement de ses frais de déplacement et de séjour, un détail visiblement important puisqu’il est précisé à l’article 3 du décret.

Une institution vieille de 75 ans

Le premier Haut Commissariat au plan date de 1946. Mené par Jean Monnet, son but était, dans la France d’après-guerre, d’identifier les priorités de l’Etat et de répartir les milliards de dollars américains distribués par le plan Marshall. Jusqu’en 2006, 11 plans se sont succédé, dirigés par 16 commissaires. Chaque plan devait alors répondre à des enjeux dépendants de l’époque, comme l’entrée de la France dans le marché commun européen, la guerre d’Algérie, Mai 68 ou encore le choc pétrolier de 1973. A partir des années 80, le Haut Commissariat tombe peu à peu dans l’oubli, avant d’être officiellement supprimé par le Premier ministre Dominique de Villepin en 2006. Le HCP est alors remplacé par un centre d’analyse stratégique, lui-même remplacé en 2013 par un Commissariat général à la stratégie et à la prospective, plus connu sous le nom de France Stratégie.

Un nouvel organisme inutile

Avec sa devise « Evaluer, Anticiper, Débattre, Prospecter », France Stratégie est une institution autonome placée auprès du Premier ministre, qui doit « contribuer à l’action publique par ses analyses et propositions ». Dotée d’un budget annuel de 15 millions d’euros et d’une centaine de collaborateurs, France Stratégie se retrouve maintenant sous la tutelle du Haut Commissariat au plan, qui dispose de ses moyens pour produire ses analyses.

L’organisme est également en charge de l’animation d’un réseau de plusieurs autres conseils, comme le Conseil d’orientation des retraites ou encore le Haut Conseil pour le climat. La France dispose donc de plusieurs conseils spécialisés, eux-mêmes chapeautés par France Stratégie, maintenant plus ou moins dirigée par un Haut Commissaire au plan. Rappelons qu’en plus de ces organismes, il existe aussi un Conseil d’analyse économique et un Conseil économique, social et environnemental (CESE). Tous sont chargés de produire des analyses prospectives pour orienter les politiques à long terme de l’Etat.

De plus, toutes ces institutions se surveillent les unes les autres. Chaque note du Haut Commissariat fera ainsi l’objet d’une saisine systématique du CESE. Son assemblée produira dans un délai de 4 semaines une réponse aux propositions du HCP. On aura donc un conseil qui viendra éclairer l’éclairage d’un commissariat chargé d’éclairer l’Etat…

Un interventionnisme toujours plus présent

Quelle efficacité stratégique peut-on donc attendre d’un énième organe de planification qui vient s’ajouter à un mille-feuille d’instituts ? Aucune, surtout si l’on analyse les intentions du Haut Commissaire, François Bayrou.
Dans sa présentation devant les députés de la Commission des Affaires économiques, celui qui est aussi maire de Pau et président du MoDem a affirmé vouloir le retour d’un « Etat stratège » aux manettes, en partenariat avec les entreprises, le but étant la reconquête industrielle.

François Bayrou veut ainsi faire remonter la part de l’industrie dans l’activité économique, à 17% du PIB dans 5 ans contre 13% aujourd’hui. Pour y parvenir, il se propose « d’identifier les domaines de reconquête et de fédérer les acteurs autour des efforts partagés nécessaires », une idée qui inquiètera tout chef d’entreprise connaissant le raisonnement de base du Commissaire : « Pour le moment, les responsables d’entreprises pensent seulement à leur entreprise ». L’intention est donc bien d’augmenter toujours plus l’interventionnisme de l’Etat dans les affaires des entreprises, au nom d’une reconquête industrielle plus idéologique qu’économique.

François Bayrou revient par la petite porte

Le Haut Commissariat est aussi un moyen pour François Bayrou de revenir sur le devant de la scène politique. Mis en examen fin 2019 dans l’affaire des assistants parlementaires du MoDem, il est soupçonné de détournement de fonds publics. L’affaire lui avait déjà coûté son poste de garde des Sceaux dans le premier gouvernement d’Edouard Philippe. Mais contrairement à un portefeuille ministériel, la fonction de Haut Commissaire n’est pas incompatible avec une mise en examen…

Sources :
https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042297092/
https://www.gouvernement.fr/haut-commissariat-au-plan
https://www.lefigaro.fr/economie/le-scan-eco/haut-commissariat-au-plan-pourquoi-une-administration-de-plus-dans-un-pays-deja-suradministre-20200902
https://www.strategie.gouv.fr
https://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/commissariat-au-plan-bayrou-promet-un-etat-aux-manettes-avec-les-entreprises-pour-la-reconquete-industrielle-1274622

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2 commentaires

Roullé 16 février 2021 - 3:04

Le nom du commissaire a un sens.
François Beyrout convient parfaitement pour le responsable du Haut commissariat EN plan.

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GGL 16 février 2021 - 5:12

La preuve de son inutilité
Demander à un Politicien d'établir une stratégie pour innover la fonction de l'Etat dans l'intérêt de la France est la première erreur Stratégique. Bayrou est tout juste un marchand d'opinions. Il ne faut pas demander à un Historien ni à des des purs Enarques ou des Science Po une vision futuriste qui ne peuvent être que déjà obsolètes ou complètement utopiques et irréalisables. L'incapacité de l'état à établir une politique intelligente et cohérente face à la Pandémie en est la dernière preuve. Ils en sont toujours à la ligne Maginot.

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