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Largo Winch vu par la Banque de France, une idée étriquée de l’entreprise

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Connaissez-vous Largo Winch ? C’est un héros de bande dessinée, créé par le célèbre scénariste belge Jean Van Hamme, père d’autres séries très connues comme Thorgal, XIII ou Les Maîtres de l’Orge.

A la mort de son père adoptif, Largo Winch, 26 ans en 1990 quand débute la série, hérite du Groupe W, un conglomérat de plus de 500 sociétés réparties dans 57 pays, employant 400 000 personnes et réalisant 44 milliards de dollars de chiffre d’affaires dans les transports, les mines, l’hôtellerie, la banque, la construction aéronautique, le pétrole, la distribution, les médias, etc. La BD raconte comment Largo Winch triomphe des complots – dans le Groupe comme à l’extérieur de celui-ci – des OPA hostiles, des dénonciations calomnieuses, des détournements d’argent et autres magouilles qui se succèdent sans répit. Menées à un rythme effréné, les aventures de Largo Winch, on l’aura compris, ont toujours un fond économique. La série s’apparente ainsi à d’autres BD qui traitent de finance, comme IRS, Dantès ou Secrets bancaires.

Après 25 ans et 20 albums, Van Hamme a laissé tomber la série. Elle se poursuit néanmoins avec le même dessinateur, Philippe Francq, et un nouveau scénariste, Eric Giacometti.

Alors que le 23ème album est sorti en librairie le 5 novembre 2021, la Citéco consacre, depuis le mois de mai et jusqu’au 31 décembre 2021, une exposition à cet « aventurier de l’économie » qui connaît un succès certain : 12 millions d’albums vendus dans l’édition française, et des publications en vingt autres langues.

Nous avons été la visiter.

La Citéco, qu’est-ce c’est ?

Avant la visite, un mot sur la « Cité de l’économie », située dans le XVIIe arrondissement de Paris, plus précisément dans l’hôtel Gaillard, place du général Catroux. L’endroit a longtemps abrité une succursale de la Banque de France. Cette dernière ayant perdu l’essentiel de sa raison d’être depuis la création de l’euro et le transfert de sa mission principale – élaborer la politique monétaire – à la Banque centrale européenne (BCE) se cherche de nouvelles activités. L’éducation financière en est une. Elle a donc transformé l’imposant hôtel Gaillard, superbement restauré, en un musée chargé de « rendre l’économie attrayante ».

Après 8 ans de travaux et plus de 97 millions d’euros de dépenses selon la Cour des Comptes, la Citéco a enfin ouvert ses portes en juin 2019. Sa première exposition temporaire, plusieurs fois reportée pour cause de Covid, est donc consacrée à Largo Winch.

Un parcours en quatre étapes

L’exposition se déplie sur 430 m2 et se divise en quatre parties distinctes : la première est consacrée aux auteurs ; la deuxième traite des personnages de la BD ; la troisième évoque les villes dans lesquelles se déroulent les aventures ; et la quatrième regarde comment a évolué l’économie dans les 22 albums de la série.

L’exposition commence bien puisque ses concepteurs affirment d’entrée de jeu que Largo Winch « met en évidence à quel point l’entreprise est une aventure, positive, passionnante, haletante, où l’on peut partager son enthousiasme et ses valeurs ». On se dit donc que l’on va assister à une véritable mise en valeur de l’entreprise et des entrepreneurs, ce qui n’est pas si courant de nos jours.

Las ! La déception est grande, car l’exposition se perd dans des concepts et des arguments qui ont tôt faits de perdre le visiteur. Ainsi les cartouches tentent d’expliquer les bulles spéculatives, la titrisation, le blanchiment d’argent, les sociétés écrans, les paradis fiscaux, les délocalisations dues à la mondialisation, les OPA, le financement du terrorisme, le trading à haute fréquence, la corruption… Bref, on nous présente un monde dangereux où les coups bas sont partout et le banditisme jamais très loin, à l’opposé de ce que vivent chaque jour les millions d’entrepreneurs français.

Certes, la BD Largo Winch aborde toutes ces questions, elles y sont même largement expliquées. Pourquoi alors paraphraser les albums ? N’aurait-il pas été pertinent de développer quelques autres concepts, ne serait-ce que ceux d’entrepreneur et d’entreprise, de capital, de chiffre d’affaires et de bénéfices ? N’aurait-il pas été judicieux de rappeler comment se répartissent les entreprises en France – entre TPE, PME, ETI, GE –, combien sont créées chaque année, combien disparaissent ?

L’exposition cite quelques grands entrepreneurs visionnaires – Rothschild, Ford, Gates, Musk. Il aurait pu être pertinent de développer leurs parcours en regard de celui de Winch, et de celui de jeunes et moins jeunes entrepreneurs français actuels – Arnault (LVMH), Pinault (Kering), Niox-Château (Doctolib), Klaba (OVH), etc. Il aurait pu être amusant de comparer Largo Winch à d’autres chefs d’entreprise présents dans la bande dessinée – Picsou créé par Carl Barks pour Disney, Charles Steenfort dans Les Maîtres de l’Orge (de Jean Van Hamme), Laszlo Carreidas dans Tintin, etc.

Le fan de Largo Winch regardera avec plaisir les nombreuses planches de la série qui parsèment l’exposition, mais il n’apprendra pas grand-chose qu’il ne sait déjà après avoir lu les albums. Finalement, le plus intéressant est la première partie de l’exposition consacrée aux auteurs et à la manière dont ils travaillent.

Il nous faudra revenir à la Citéco pour découvrir l’exposition permanente, qui s’étale sur 2 400 m2 et trois niveaux et traite de l’échange, des marchés, des acteurs de l’économie, des crises… Et ainsi vérifier si la Banque de France a réussi, avec les presque 100 millions d’euros dépensés, à « rendre l’économie attrayante ». L’exposition temporaire ne nous en a, en effet, pas convaincu !

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