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La politique par tirage au sort ?

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En octobre 2019 a été mise en place une Convention citoyenne pour le climat constituée de 150 citoyens tirés au sort et appelés à formuler des propositions pour lutter contre le réchauffement climatique. Ce 10 janvier, M Macron leur a promis de prendre en compte leurs propositions d’une manière ou d’une autre. Est-ce raisonnable de confier ainsi l’avenir de nos politiques à la roulette russe du tirage au sort ? Certes, ce procédé a contribué à l’édification à Athènes de la première démocratie occidentale. Mais il s’agissait de quelques milliers de citoyens et leurs décisions étaient d’ailleurs encadrées par ceux qui en leur sein étaient désignés comme les plus capables. Pour le moins, cette expérience, sans doute relativement dangereuse, mérite débat.

Ainsi c’est l’occasion pour l’IREF de présenter, avec l’autorisation de l’auteur, un extrait de l’ouvrage « Chroniques pour la liberté » que vient de publier en Belgique Thierry Afschrift, ancien administrateur de l’IREF, professeur de droit fiscal :

« DEPUIS PLUSIEURS ANNÉES, DIFFÉRENTES PROPOSITIONS sont formulées pour que des citoyens, non professionnels de la politique, participent au pouvoir. On peut ainsi proposer, par exemple, qu’une chambre législative soit composée de personnes tirées au sort, ou qu’une partie d’entre elles soient désignées de cette manière, ou encore qu’il en soit ainsi pour un organe consultatif, voire que l’on constitue des « panels citoyens » pour donner un avis aux politiques.

LES OBJECTIFS SONT DIVERS.

L’un d’entre eux est de tenter de faire correspondre les assemblées d’élus avec la réalité sociologique de la population. Ce n’est sans doute pas le meilleur argument : notre régime est celui de la démocratie « représentative », et les élus doivent donc représenter la population et non correspondre à celle-ci. Il est
par ailleurs clair que la grande majorité des électeurs serait parfaitement incapable de connaître la raison d’être de modifications législatives qui leur sont proposées, alors qu’elle ignore déjà les règles existantes.

EN REVANCHE, IL FAUT CONCÉDER que le régime actuel est peu efficace, que les élus ne connaissent en général comme échéance que la prochaine élection et se désintéressent du long terme. Il est également vrai que le système a tendance à former des politiciens professionnels, qui dépendent énormément de leur parti, puisque le système de listes favorise ceux qui ont été choisis par leur parti plutôt que ceux qui ont la faveur des électeurs. Les partisans du tirage au sort espèrent que les personnes choisies ainsi seront plus indépendantes et verront à plus long terme, puisque leur réélection serait quasiment impossible.

TOUTEFOIS, LE SYSTÈME DU TIRAGE AU SORT risque de provoquer la désignation de personnes qui n’ont aucun intérêt, ni aucune qualification, pour la fonction. Va-t-on obliger des personnes qui n’en ont pas envie à siéger, ou pour qui l’élection entraînerait une catastrophe financière ? Un indépendant qui devrait lâcher son activité pourrait être ruiné, en raison de la perte de sa clientèle, et de la difficulté de rembourser des emprunts, et ce même si la fonction d’élu était très bien rémunérée. D’autres renonceraient à l’idée de se former pour être capables d’exercer correctement leur fonction, ou renonceraient à celle-ci, parce que les « formateurs » qui leur seraient assignés finiraient, d’une manière ou d’une autre, à dépendre du pouvoir exécutif, que les élus doivent contrôler, ou des partis eux-mêmes, qui en assureraient la récupération.

CERTES, LA QUALITÉ EN GÉNÉRAL TRÈS MÉDIOCRE des travaux parlementaires actuels peut inciter à modifier les règles. Mais des élus tirés au sort auront vraisemblablement encore moins de compétence pour le faire que les actuels mandataires qui, à défaut souvent de disposer des qualifications nécessaires, ont au moins la volonté de les assumer.

CE DÉBAT NE PORTE EN RÉALITÉ PAS SUR LA BONNE QUESTION, comme c’est souvent le cas en démocratie. Celle-ci repose sur l’idée de l’exercice «du pouvoir par le peuple » mais le peuple n’est souvent que l’ensemble des personnes soumises au même maître et on s’abstient bien de déterminer en quoi consiste le «pouvoir». Il nous semble que le vrai débat ne devrait pas porter tellement sur la correspondance des élus avec le peuple, mais sur la limitation du pouvoir des élus eux-mêmes.

MÊME LA DÉMOCRATIE DIRECTE, telle qu’on la pratique par exemple souvent en Suisse, n’est pas toujours efficace. Elle a tendance à exacerber certaines attitudes populistes…. Le vrai problème n’est donc pas celui de la représentativité des élus, mais bien celui des pouvoirs qu’on peut leur accorder.

A L’ORIGINE, LE RÉGIME DÉMOCRATIQUE issu de la Révolution française, et des Constitutions du 19e siècle comme celle de la Belgique, se fondait sur la séparation des pouvoirs et la limitation de ceux-ci. Mais les limitations, telles que conçues à l’époque, n’ont été édictées qu’en raison de la méfiance envers le pouvoir exécutif. On croyait que l’on pouvait se contenter de dire que les décisions devaient être prises «par la loi» pour qu’elles soient acceptables. Le problème est qu’aujourd’hui l’exécutif et le législatif sont contrôlés par les partis et que cette garantie est dès lors devenue sans intérêt pratique.

Pour éviter les abus et lutter contre la prolifération des normes, les Constitutions devraient prévoir des règles supérieures, que même la loi ne pourrait enfreindre. Par exemple, dans le domaine fiscal, elles pourraient édicter un maximum absolu d’impôt par rapport au PIB, ou encore une proportion maximale d’impôt que chaque individu pourrait être amené à payer, en fonction de ses ressources. Ce seraient là des questions beaucoup plus fécondes. »

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2 commentaires

ben 21 janvier 2020 - 10:24

représentation
notre "démocratie" soit disant représentative ne fonctionne pas et ne peut fonctionner car effectivement, cette représentation ne correspond pas à la population: les élus ne sont que ceux qui ont les moyens financiers de se présenter aux élection: ils sont donc presque tous des classes sociales élevées, et donc, en dehors de toute autre considération (court terme, attirance du pouvoir) inaptes à appréhender les véritables problèmes de l'ensemble diversifié de la population; la question des capacités ne repose même pas car les élus actuels ne sont pas plus qualifiés que n'importe qui d'autre, à part celle de se faire suffisamment mousser (celle de mentir?) pour se faire élire; en ce sens une élection" au tirage au sort intelligemment menée comme celle ayant conduit à la convention actuelle est un plus puisqu'un moins ,les diversités peuvent enfin s'exprimer. Quant au reste du système politique, c'est le rôle et les pouvoirs du président qu'il faut remettre en cause, beaucoup trop importants, comme on le voit au vu de la crise actuelle, où l'homme en place se comporte en autiste. La société citoyenne est éclatée, parce qu'elle se trouve dépossédée de toute influence sur la conduite de sa vie, et ceci pour beaucoup à cause du lobbying capitaliste néolibéral dont le seul intérêt est l'argent , toujours plus comme on peut le voir avec les émolument qui dépassent l'imagination de certains patrons vautours: ce système de fonctionnement est mortifère , qui conduit obligatoirement à des révoltes , voire des révolutions, qui ne sont pas l'apanage des pays menés par des dictateurs primitifs . Donc l'idée de limiter les impôts des très riches , dont la richesse n'est qu'héritée et surtout pas le fruit de leur travail – e qui est les cas dans la société nó-libérale depuis 40 ans – , est une aberration

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zelectron 21 janvier 2020 - 10:50

il y a tirage au sort et tirage au sort !
Il n'y a pas de raison de ne pas maintenir les élections hormis le fait de diminuer drastiquement le nombre d'élus (680 000 !), y compris "bénévoles" (qui dépensent aussi) en revanche un collège de retraités tirés au sort (à l'instar des jurés d'assise) permettrait de "conseiller" les élus pour leur éviter de commettre des erreurs . . .

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