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Entre prévisions et réalités : un taux de croissance approximatif

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L’INSEE, l’Institut national de la statistique et des études économiques, a publié en mai 2019 son document annuel intitulé « Les comptes de la Nation 2018 ». Il y affirme que la croissance, prévue à 1.5 % comme il l’avait précisé fin 2018, est en réalité de 1.7%, c’est-à-dire conforme à la prévision de début d’année 2018 du gouvernement.

Initialement prévu à 1.7 % dans le budget 2019, le taux de croissance pour cette année a été, lui, revu à la baisse, en mars dernier, par le ministre de l’économie et des finances Bruno Le Maire à 1.4 % avant que la Banque de France ne l’abaisse encore en ce mois de juin à 1.3 %. Il y a dans ces annonces une impression de déjà vu, comme si tous les ans, sous tous les gouvernements, les prévisions étaient sans cesse revues à la baisse.

Le taux de croissance est tous les ans revu, le plus souvent à la baisse, par le gouvernement ainsi que par les différents organismes publics comme l’INSEE ou la Banque de France. Il faut dire que bien souvent, les prévisions sont généralement plus optimistes que la réalité des faits. En effet, si l’on prend les dix dernières années, le taux de croissance a été seulement une fois égal (l’année dernière) et quatre fois supérieur aux prévisions du gouvernement et du ministère du budget, renommé ministère de l’Action et des comptes publics. Il suffit de regarder le tableau ci-dessous pour comprendre que les prévisions sont plutôt optimistes comparées à la réalité de l’économie nationale.

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Il n’est plus étonnant pour personne que les prévisions du gouvernement correspondent peu à la réalité, voire pas du tout. Même le Sénat a fait ce constat, dans un rapport législatif sur le budget 2008. Il y est dit que sur la période 1999-2008, les prévisions de croissance du gouvernement étaient jugées « optimistes » car supérieures en moyenne de 0.25 point au « consensus des conjoncturistes »[[https://www.senat.fr/rap/l07-091-1/l07-091-11.html]].

Pour revenir à un temps plus proche, si les résultats de l’année 2018 ne sont pas rectifiés, le taux de croissance sera égal à la prévision du budget même si le gouvernement avait annoncé en avril 2018 que la croissance serait de 2 %[[http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2018/09/10/20002-20180910ARTFIG00062-le-gouvernement-revise-sa-prevision-de-croissance-a-la-baisse-a-17-cette-annee.php]]. Mais comme le résultat définitif ne sera connu que dans deux ans, pour l’instant, on ne peut que dire que le gouvernement avait vu juste, d’autant plus qu’il voyait la croissance à 0.3 point au-dessus du résultat final. Le taux que l’INSEE a fait paraître fin mai (1.7 %) n’est qu’une estimation. Le taux « définitif », le taux de croissance réel sera connu, lui, en 2021. De toute façon, nous ne serons pas au courant de la réalité des faits dans deux ans puisque personne ne parle de ce taux définitif donné trois années plus tard par l’INSEE qui, comme nous allons le voir, diffère souvent du taux initial, de « l’estimation ».

L’INSEE, dans ses « comptes de la Nation » publiés comme on l’a vu en mai, décrit la santé des comptes et le PIB de la France pour l’année écoulée. Prenons l’exemple des comptes 2009 : ils ont été publiés en mai 2010, cinq mois après la fin de l’année. Ce qui est étonnant, par rapport au PIB, c’est que les chiffres ne sont pas conformes aux prévisions et que ces mêmes chiffres diffèrent d’une année sur l’autre. Le taux de croissance du PIB de l’année 2009 donné en 2010 ne sera pas le même en 2011 et en 2012. C’est ce qui apparait dans les différentes recherches au sein des comptes de la Nation publiés par l’INSEE. Pour une année, l’INSEE va publier le taux de croissance de l’année en question mais aussi celui des deux années précédentes. Et c’est là que l’approximation est visible.

Le tableau ci-dessous répertorie tous les taux de croissance du PIB français donné par l’INSEE. Afin de l’expliciter, voici un exemple concret. En 2009 (année n), le taux de croissance annoncé par l’INSEE en 2010 (année n+1) était de -2.6 %, en 2011 (année n+2) de -2.7 % et en 2012 (année n+3) de -3.1 %.

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On ne peut que le constater : les résultats ne correspondent pas d’une année sur l’autre. Il est alors légitime de douter de la fiabilité de ces informations provenant de l’INSEE, pourtant une « source sûre » comme aimait le dire mon professeur de SES en seconde.

Si l’INSEE estime que ses prévisions ont une précision de plus ou moins 0.2 point, ce qui peut expliquer des erreurs entre les prévisions de croissance et le taux de croissance final, cela n’explique pas le fait que les résultats, et non les prévisions, ne s’accordent pas et changent d’une année sur l’autre. De plus, les résultats de l’INSEE répertoriés dans le tableau ci-dessus montrent que l’écart de 0.2 point est très souvent dépassé. Hors tableau, l’écart observé entre l’estimation après un an et l’estimation après deux ans en 2001, en 2003 et en 2005 était respectivement de 0.3 point, 0.4 point et 0.5 point[[https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/05/17/comment-l-insee-peut-il-se-tromper-dans-le-calcul-de-la-croissance_4921063_4355770.html]].

Dans ces « comptes de la Nation », l’INSEE précise en fin de document que le taux de l’année précédente est une « estimation », que celui de deux ans est « semi-définitif » et que celui de trois ans est « définitif ». Pour avoir les résultats définitifs du PIB de 2018, il faudra alors attendre mai 2021. Il faut donc trois ans pour avoir le « bon » taux de croissance pour une année donnée. Cela tombe bien car aucun média ou institution n’en parle plus ou ne commente ce chiffre daté de trois ans. S’il s’avère plus mauvais que l’estimation, personne n’en saura rien. Bien pratique quand un gouvernement veut masquer son incompétence économique.

En somme, les prévisions de croissance comme les estimations ne sont pas exactes, à de rares exceptions. D’une part, les prévisions sont exagérément optimistes ou faussement prudentes, d’autre part les estimations d’un taux de croissance sont approximatives. Il faut alors trois ans en France pour connaitre le « réel » taux de croissance, ce qui pose un problème de transparence dans la comptabilité nationale.

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