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Deux ans après, quels effets a produit la loi PACTE ?

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Avec 221 articles, la loi PACTE est une loi générale de simplification de la vie des entreprises et de modernisation de l’économie, comme l’a été la LME (Loi de modernisation de l’économie) en 2008. Les mesures réglementaires qui devaient être prises l’ont été, ainsi que la privatisation de la Française des jeux et la restructuration du capital de La Poste. À travers 23 thèmes d’intervention divers, la loi cherche à simplifier, rationaliser et favoriser l’intégration du salarié dans son écosystème d’entreprise.

Mesures relatives aux entreprises

Il avait été décidé de créer un guichet unique consacré aux formalités des entreprises ainsi qu’un registre général, unique lui aussi, pour centraliser et diffuser les informations les concernant. Le déploiement du guichet unique a démarré au mois d’avril et sera accessible à toutes les entreprises en début d’année prochaine tandis que le registre, dont la mise en œuvre a été confiée à l’INPI (Institut national de la propriété intellectuelle), sera disponible en 2023.

La loi PACTE était destinée à simplifier le régime de l’EIRL (entreprise individuelle à responsabilité limitée) : la création d’une entreprise de ce type avec un patrimoine d’affectation nul a été autorisée et le recours à un professionnel pour évaluer les biens apportés à cette société a été rendu facultatif quelle que soit la valeur des dits biens. L’introduction de cette disposition a conduit à une augmentation de 43% du flux de création d’EIRL (18 500 en 2021 contre 12 900 en 2020) qui ne constituent toutefois que 2% des 2,3 millions d’entreprises individuelles françaises.

Les seuils sociaux ont été regroupés à trois niveaux : 11, 50 et 250 salariés. Un seuil est désormais considéré comme franchi lorsqu’il a été atteint cinq années consécutives. Diverses obligations ont étés assouplies comme la mise à disposition d’un local de restauration, l’établissement d’un règlement intérieur et la contribution au Fonds national d’aide au logement. Deux ans plus tard, l’effet de seuil autour de 11 salariés s’est maintenu, celui autour de 20 salariés (supprimé par la loi PACTE) est en repli, celui autour de 50 salariés a augmenté puis diminué ; globalement il n’y a pas de révolution en la matière, mais des ajustements à la marge.

La loi introduit l’obligation de transmettre une facture électronique aux entreprises ayant passé un contrat avec une administration publique, via le portail unique « chorus pro ». Quelque 45,6 millions de factures électroniques ont été émises en 2019 par ce canal contre 27,4 en 2018. Le délai global de paiement des services de l’État aux entreprises est de 14,9 jours en 2019, soit une baisse de 1,4 jour par rapport à l’année précédente et 85% des paiements de l’État sont, en outre, inférieurs à 30 jours contre 78,8% en 2018.

Réforme de l’épargne retraite

La création d’un nouveau plan épargne retraite (PER) avait été voulue par le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno le Maire, qui avait fixé l’objectif de 300 Mds€ d’encours et 3 millions de titulaires en 2022. En 2020, l’encours atteignait effectivement 269 Mds€, contre 230 un an plus tôt, dont 31,6 Mds€ pour les nouveaux PER, un chiffre qui monte à 41,6 Mds€ en mars 2021 pour 3,3 millions de titulaires. Cette croissance de l’épargne retraite s’inscrit dans une tendance à la hausse de 58% des flux de placements financiers en provenance des ménages.

La loi cherche également à accroître la mobilité de l’assurance vie vers les plans d’épargne retraite et étend la liste des instruments financiers éligibles aux contrats d’assurance-vie. En avril 2020, leur encours stagne à 1745 Mds€, sans doute à cause de l’érosion des taux d’intérêt qui passent de 3,4% en 2010 à moins de 1,5% en 2019. Fin 2020, l’encours est remonté à 1789 Mds€, la collecte négative de l’assurance vie en 2020 (-6,5 Mds€) a été compensée par de bons chiffres au premier trimestre 2021 (+ 10, 9 Mds€). La part investie en unité de compte augmente et passe de 24,5% en 2019 à 36% au premier trimestre 2021.

En ce qui concerne la levée de fonds par émission de jetons numériques (ICO), la loi crée une obligation d’agrément auprès de l’Autorité des marchés financiers pour les acteurs souhaitant démarcher le grand public dans l’émission de fonds par jeton numérique, ainsi que pour les prestataires de services sur actifs numériques (PSAN), concernés par la conservation et l’achat-vente d’actifs numériques. Les banques doivent également mettre en place des règles objectives, non discriminatoires et proportionnées, pour régir l’accès des émetteurs de jetons au compte de dépôt et paiement qu’ils détiennent.

À l’heure actuelle, seules trois demandes ont abouti à l’octroi d’un visa ICO et une vingtaine de PSAN ont été enregistrés. Ce nombre extrêmement réduit constitue un échec patent de la loi. En cause, la concurrence du financement participatif, le risque de blanchiment et de fraude, ainsi que la réputation d’instabilité des cryptomonnaies.

Privatisations

Un certain nombre de privatisations avait été autorisé par la loi, mais la crise a bousculé le calendrier de l’État en la matière, qui s’est replié dans une prudence attentiste.

La loi avait permis la cession de tout ou partie des 50,6 % d’ADP détenus par l’État, allant de pair avec une concession de 70 ans, dissociant la propriété du foncier de l’exploitation de l’activité. La décision de privatisation a été reportée sine die eu égard notamment à la crise sanitaire. La Française des jeux (FDJ) a été privatisée en 2019, la part de l’État dans le capital passant de 72 à 21,9%. L’autorité nationale des jeux (ANJ), autorité administrative indépendante de surveillance et de régulation du secteur, a succédé à l’autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL).

La loi entérine également la suppression de l’obligation pour l’État de détenir au moins un tiers du capital d’ENGIE (qui a permis à celle-ci de céder 11,5% de sa filiale GRTgaz SA à la Caisse des dépôts et à CNP assurances) et l’autorisation de ne plus détenir la majorité du capital de La Poste : la part de l’État a baissé de 73,7 % à 32,9 % au profit de la CDC (Caisse des dépôts et consignations). Notons qu’avec la crise sanitaire, l’État a dû mettre en place une dotation budgétaire de 526 M€ pour combler le déficit du service postal unique.

Souveraineté économique

Le texte avait créé le Fonds pour l’innovation et l’industrie (FII), géré par BPI France, doté de 10 Mds€, dont 1,6 en numéraire issus de la cession de parts d’actifs de Renault et Engie et 8,4 Mds€ en titres de Thales et EDF, générateurs de dividendes, pour financer des innovations de rupture dans l’intelligence artificielle, la nanoélectronique ou le plan batteries. Les principes du montage du FII ont été critiqués par la Cour des comptes ; la rentabilité effective des fonds étant plus faible qu’attendue, la dotation a dû être complétée par des fonds du PIA4 (Plan d’investissement d’avenir 4).

En ce qui concerne la protection des secteurs stratégiques, les pouvoirs du ministre de l’Économie en matière d’investissements étrangers dans les secteurs qui participent à l’exercice de l’autorité publique ou relatives à la sécurité publique ont été accrus. Le seuil d’investissement déclenchant un contrôle a été abaissé de 33 à 20 % et 10 % pour les sociétés cotées, ce qui a permis d’augmenter les contrôles à 275 opérations sur un total de 1 215, soit 23 % d’entre elles contre 15 % en 2019, et ce dans un contexte de repli mondial (-33%) et national (-17%) des décisions d’investissement étrangers.

Globalement, si la loi PACTE compte quelques échecs patents, elle apporte de timides avancées dans les domaines de la simplification et va assurément dans le bon sens. Elle est cependant encore très insuffisante pour soulager vraiment les entreprises durement éprouvées par la crise, confrontées en outre à des difficultés de recrutement liées à la désincitation au travail et au couperet des charges sociales.

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3 commentaires

JR 16 décembre 2021 - 9:46

Deux ans après, quels effets a produit la loi PACTE ?
Bonjour, cette question est un vieux serpent de mer, l’administration Française est incapable de se réformer. Nous avons le culte de la complication et de la création de catégorie, de sous catégorie, d’exception, de niche, la fiscalité est un maquis. Notre pays est administré par 5,7 M fonctionnaires, il y en a 50 % de trop, bien entendu sans toucher aux secteurs stratégiques. En 1981 cela fonctionnait avec seulement 1,8 M fonctionnaires, la digitalisation n’aurait rien apportée ? Merci. Bien à vous

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Astérix 17 décembre 2021 - 12:27

Deux ans après, quels effets a produit la loi PACTE ?
Je partage le commentaire de JR. Quand vous pensez que l’on souhaite simplifier alors que la loi PACTE comporte 221 Articles ….!!?? Nous sommes vraiment dirigés par de parfaits crétins !

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Obeguyx 17 décembre 2021 - 1:53

Deux ans après, quels effets a produit la loi PACTE ?
D’accord avec JR & Astérix. Nos dirigeants ne sont plus de parfaits crétins, ce sont des fous.

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