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Vers un monopole des fonctionnaires au Parlement ?

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La moitié des parlementaires et des ministres sont des fonctionnaires, tout comme le Président et le Premier Ministre. On veut interdire le cumul d’un mandat politique avec l’exercice de certaines activités professionnelles. Pourquoi pas avec le statut de fonctionnaire ? C’est la question posée par le Professeur Jean Philippe Feldman.

Il n’y a pas de jour qui passe sans que les gouvernants en place, déjà à bout de souffle, commettent erreur sur erreur. Le débat sur les conflits d’intérêts des parlementaires est révélateur de la fébrilité du Pouvoir et de son mépris du secteur privé.

Alors que François Hollande a déclaré le 10 avril qu’il serait proposé d’étendre l’interdiction du cumul d’un mandat parlementaire avec l’exercice de certaines activités professionnelles, le compte-rendu du Conseil des Ministres du même jour se réfère plus radicalement à la nécessité pour les Parlementaires de se consacrer à temps plein à leur mandat et au principe de l’interdiction du cumul de leur mandat avec l’exercice de toute activité professionnelle, sauf exceptions. Double erreur !

Cette réforme, qu’il s’agisse d’une interdiction totale ou d’une interdiction seulement étendue, ne ferait qu’aggraver les maux de notre pays. En effet, la Vème République se caractérise déjà par une regrettable fonctionnarisation de la politique. Les statistiques sont certes imprécises car, en autres, elles distinguent étrangement les enseignants des fonctionnaires et car elles ne précisent pas de quel statut relèvent les retraités. Néanmoins, les résultats apparaissent constants : le poids des fonctionnaires parmi les hommes politiques au plan national est très élevé. Selon une étude réalisée par l’Iref à la suite des élections législatives de 2012, 63 % des nouveaux députés de gauche étaient issus du secteur public pour moins de 2 % de chefs d’entreprise. En gros, la moitié des députés sont des fonctionnaires. Ce phénomène, s’il se trouve atténué au Sénat, marque aussi la présidence de la République, les membres du gouvernement, le Conseil constitutionnel et les fonctions locales les plus importantes. Faut-il rappeler que les deux plus hauts personnages de l’État sont actuellement des fonctionnaires ?

S’il n’est pas question de considérer, selon une vision crypto-marxiste, que tous les membres de la fonction publique partagent la même idéologie, il n’en demeure pas moins que la notion de « fonctionnaire-homme politique » laisse mal à l’aise. Un membre de la fonction publique peut être amené à croire que la société fonctionne de manière hiérarchique à l’image de son administration. Surtout, comment un fonctionnaire pourrait-il voter en toute indépendance l’impôt et se prononcer sur le budget de l’État ? Peut-on sérieusement charger ceux qui sont payés par le produit des impôts de diminuer leur masse ? Les réponses sont malheureusement aisées à donner.

Enfin, il est stupéfiant de lire dans le compte-rendu du Conseil des Ministres que de manière symétrique et dans un souci d’équité, les fonctionnaires-parlementaires seraient désormais placés en position de disponibilité, et non plus de détachement, pendant la durée de leur mandat. Cela voudrait dire que, dans la limite d’un certain délai, les fonctionnaires auraient toujours la possibilité de réintégrer leurs postes.

Bien au contraire, il convient de dresser une barrière étanche entre la politique et la fonction publique en obligeant les fonctionnaires à démissionner dès qu’ils se présentent à des élections ou qu’ils acceptent de faire partie du gouvernement. Pour une bonne administration du pays, les fonctionnaires-hommes politiques doivent laisser la place aux membres du secteur privé et le mandat de parlementaire ne doit pas être par principe incompatible avec l’exercice d’une activité professionnelle privée, sous peine de donner le monopole à une classe politique professionnelle interventionniste et totalement détachée des réalités.

Jean-Philippe FELDMAN
Professeur agrégé des facultés de droit
Maître de conférences à SciencesPo
Avocat à la Cour de Paris

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2 commentaires

Anonyme 26 avril 2013 - 2:33

les aristocrates de la république
Qui est M.Cahuzac ? Un vulgaire fraudeur comme il y en a des centaines même à cette échelle. C’est également un élu. Accessoirement, il est considéré comme un homme riche.

Comme tout ceci est inadmissible, on a décidé d’ouvrir la chasse au Cahuzac ! À quel titre, me direz-vous ? au titre de fraudeur ? au titre d’élu ? ou au titre d’homme riche ?

Toute personne normalement censée aurait pensé que l’on s’attaquerait désormais aux fraudeurs, voire peut-être aux fraudeurs élus car il est vrai qu’on attend de ces derniers une certaine exemplarité plutôt que des leçons de moralité pour les autres : et bien, pas du tout.

Surprise : on va désormais traquer les hommes riches en obligeant tout un chacun à déclarer ses biens (il est vrai qu’un peu plus de transparence ne ferait pas de mal ) et surtout en interdisant d’élection un certain nombre de professions considérées comme « à risque ». Nous pouvons être tranquille, ce seront les représentants de la société « civile et privée », les entrepreneurs, les industriels, voire les avocats, en fait les consultants etc…. censés être des fraudeurs potentiels.

Pourtant il existe d’ores et déjà deux catégories de citoyens que je qualifierai volontiers de fraudeurs constitutionnels ou d’aristocrates de la république : comment peut-on qualifier autrement les élus et les membres de la fonction publique ou assimilés, au demeurant souvent confondus, qui accumulent au fil du temps privilèges et passe-droits, légalisés il est vrai, par des instances dans lesquelles ils représentent une majorité structurelle des deux tiers ? Avantages en nature, indemnités de toutes sortes, cumul des mandats, défiscalisations etc …. pour les uns, garantie de l’emploi, statut, horaires et congés, rémunérations et retraites anticipées, surévaluées par rapport au régime commun, possibilité de capitalisation, etc …. pour les autres, sans compter les détachements et pantouflages. Il est vrai qu’un serviteur de l’État ne peut par construction pas avoir de conflit avec l’état puisqu’il est l’état et que c’est lui qui établit et consolide jour après jour des règles du jeu qui le favorise.

Aucun gouvernement d’ailleurs n’a réellement voulu s’attaquer ni au régime des élus, ni au régime des fonctionnaires : on ne scie pas la branche sur laquelle on est assis.

PS : – le fait pour un fonctionnaire, en France, de toujours pouvoir revenir dans son corps d’origine et donc de tenter l’élection sans risque, a pour conséquence que les deux tiers des élus proviennent de la fonction publique ou assimilée ; ils légifèrent donc tout naturellement en faveur de leur « classe ».

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Anonyme 28 avril 2013 - 2:07

démission des fonctionnaires
compte-tenu du Code de la Fonction Publique, je suis favorable à placer les fonctionnaires élus en démission réelle à/compter de la date élective effective, supprimant de fait les cotisations à plusieurs caisses de retraite, et en limitant les mandats successifs à deux, comme pour le Président de la République.

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