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Taxe de séjour : les Français paieront

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La France est la première destination touristique européenne et espère attirer cette année plus de 87 millions de visiteurs. Le tourisme est un secteur important de notre économie, il contribue annuellement à 4 % de la création de richesse et emploie près de 3 millions de personnes directement ou indirectement. Pourtant, l’Assemblée Nationale vient de voter la hausse de la taxe de séjour (jusqu’à 8 euros par nuit et par personne selon les catégories d’hôtels). Selon les députés qui défendent cet amendement, cette taxe est beaucoup moins élevée en France – et notamment à Paris – que dans les autres grandes capitales européennes.

Réduction des marges, baisse de l’investissement

Cette décision est surprenante à plus d’un titre. D’abord, elle a été prise dans l’urgence, alors même que le secteur se concerte avec le législateur depuis le 9 avril 2014 dans le cadre de la Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) à l’Assemblée Nationale. Cette mission auditionne les acteurs du secteur à propos de l’évolution de la fiscalité des hébergements touristiques. Si la MEC n’a pas encore rendu ses conclusions, cela n’a pas empêché les députés de légiférer, sans connaître l’impact de cette hausse sur le tourisme.

Ensuite, le secteur fait déjà face à une réduction des marges depuis janvier 2014 et l’augmentation du taux de TVA, qui n’a pas été répercutée sur les prix. D’ailleurs, le message qui revient le plus souvent au cours des auditions relève de l’incompréhension, à croire que tout est fait pour contraindre l’activité et non la soutenir : hausse de la fiscalité, multiplication des normes et des réglementations, complexité administrative. Les professionnels du secteur sont contrariés par ce manque de discernement de la force publique.

D’autant que depuis fin 2013, l’activité est en baisse, notamment dans l’hôtellerie. Pour le moment, l’industrie a conservé ses marges en rognant sur l’investissement, qui est inférieur de 2 Md€ par rapport au début des années 2000. Cette variable d’ajustement semble désormais épuisée, car cette vision de court terme est particulièrement dangereuse dans un secteur où ce sont les choix d’investissement qui vont orienter la demande. Cette décision va donc peser un peu plus sur l’emploi futur.

Enfin, le gouvernement doit choisir entre faire la promotion de l’économie France ou chasser les touristes à cause d’une mauvaise image. D’après une enquête de la Commission européenne, la plupart des Européens s’en remettent soit à l’avis d’un ami (50 %), soit à ceux recueillis sur Internet (40 %) pour décider de leur lieu de vacances. L’image de la France se ternit un peu plus, alors même que ce sont les touristes étrangers qui ont soutenu le secteur à travers la crise (cf. tableau ci-dessous).

Dépense des touristes résidents et non-résidents en Europe
Dépenses des touristes étrangers (en Md€) Dépenses des touristes résidents (en Md€)
2008 2013 2024 2008 2013 2024
Allemagne 32.5 37.4 64.7 61.7 64.1 72.1
Espagne 47.4 49.1 66.3 69.1 61.8 71
France 43.7 44.3 56.8 112.9 107.1 137
Italie 31.9 33.3 48.5 94.3 85.7 112.6
Royaume-Uni[[Prix en £]] 19.2 24.8 50.2 109.7 109.6 147.7
Source : WTTC

Les ménages français paieront

L’argent ainsi collecté par la taxe de séjour sert à financer les offices de tourisme et, en partie, les attractions de la région concernée. L’argument principal est de faire participer les étrangers au paiement de ces infrastructures, dont ils profitent pleinement. C’est notamment le cas à Paris, où le produit de la taxe permettrait de financer la rénovation du réseau de transport. Puisqu’il est impossible pour le gouvernement d’accroitre l’imposition des ménages français, allons chercher cet argent dans la poche de l’étranger…

D’une part, le produit de la taxe doit être affecté, d’après les dispositions de l’article L422-3 du code du tourisme, « aux dépenses destinées à favoriser la fréquentation touristique de la commune ». On se demande comment la rénovation du RER B va permettre d’augmenter le nombre de touristes internationaux dans la capitale. Mais admettons, ces dépenses auront peut-être l’avantage d’améliorer la première image que se font les étrangers de Paris.

D’autre part, si le gouvernement souhaitait réellement augmenter la fréquentation touristique, il n’aurait pas pris la décision d’augmenter de 12,7 % la taxe « Chirac », affectant le trafic aérien. D’après les professionnels du secteur, le nombre de nuités pour chaque touriste est fortement corrélé au nombre de routes aériennes directes entre la France et l’étranger. Plus elles sont nombreuses, plus il y a de chance qu’un touriste passe quelques nuits dans notre pays lors d’un transit. Cette nouvelle augmentation dissuade les compagnies étrangères de transiter par la France, réduisant ainsi des perspectives de revenu.

Par ailleurs, croire que ce sont les touristes étrangers qui paieront pour nos transports en commun est fallacieux. D’abord, parce que l’industrie préfèrera probablement, dans un environnement très concurrentiel, réduire un peu plus ses marges plutôt que de répercuter la hausse de la taxe sur les prix. Ensuite, parce que le nombre de nuits passées en France par un touriste étranger est relativement faible comparé à celui du touriste français. En moyenne, 70 % des nuités dans les hébergements touristiques sont effectuées par des Français en vacances (cf. graphique ci-dessous).

Nombre de nuités des non-résidents

Nombre de nuités des non-résidents

Pour le dire autrement, ce sont les habitants de Languedoc-Roussillon, et d’ailleurs, en visite à Paris qui paieront près de 70 % de l’augmentation de la taxe de séjour. La France n’a pas le même levier que l’Espagne ou même l’Italie sur cet aspect. En réalité, ce sont principalement les ménages français qui verront leur budget vacances se réduire un peu plus.

L’augmentation de la taxe de séjour n’aura probablement pas d’impact sur la demande globale, dont l’élasticité dépend avant tout du coût des transports, du taux de change ou encore du revenu ; le montant de la taxe sera donc dilué dans les autres dépenses. Cependant, l’effet de revenu sur les ménages les plus modestes pourrait les inciter à réduire leurs départs en vacances, et participer à la baisse du chiffre d’affaires pour le secteur. Encore une fois, tout est fait en dépit du bon sens…

Nombre de nuités des non-résidents
Nombre de nuités des non-résidents

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1 commenter

weber.pierre 5 juillet 2014 - 11:09

taxe de séjour
Bravo ! habitant en Alsace, je paie déjà ma taxe d'habitation et s'il me prenait l'envie d'aller à Paris (nombril du monde) il me faudrait payer une taxe de séjour ? Pourquoi ne pas taxer l'air que nous respirons ? Petit retraité, ni pourri ni nanti, c'est bien volontiers que je renonce à aller me faire détrousser par la faune multicolore en voie d'intégration …. qui vit sur notre dos et j'y inclus les roms, ethnie hautement civilisée venue "travailler" en France. C'est pas ainsi que vous allez renflouer les finances , dont les recettes sont dépensées avant d'être encaissées, de la France.

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