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Les entreprises innovent, pas l’État

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L’Etat français considère la recherche comme prioritaire et son budget n’a cessé d’augmenter. Mais quelle recherche ? La recherche appliquée est toujours l’affaire d’entreprises innovantes. Or, en France, l’esprit d’entreprise et d’innovation n’est pas encouragé. Quant à la recherche fondamentale elle se fait bien mieux sans l’intervention de l’Etat. C’est ce que suggèrent des études américaines revues par Lucas Léger, chercheur associé à l’IREF.

Une fois élu, François Hollande, à l’instar de tous les dirigeants de ce pays depuis près de 40 ans, devait remettre la France sur les rails. Dans sa longue liste de propositions, maintes fois récitée, pas une seule fois il ne fait référence à l’innovation. Elle est pourtant le moteur de la croissance et la clé de la réussite dans une économie aujourd’hui mondialisée.

Mais on suppose que le Président pense qu’il est nécessaire et suffisant de passer par l’Etat, avec ses investissements publics et ses orientations fiscales et règlementaires. Or, l ’Etat agit au mépris des règles du bon sens économique et favorise le statu quo et les prébendes bien davantage que l’innovation.

Comment naît l’innovation, comment on l’étouffe

L’État entrepreneur est une utopie farfelue fondée sur un mauvais constat. Orienter l’épargne des Français vers les « PME innovantes », créer une Banque publique d’investissement pour financer quelques entreprises triées sur le volet par le gouvernement, ne sont pas des stratégies viables pour démarrer un nouveau cycle d’innovation.

L’innovation ne peut se prévoir dans un bureau à Bercy, car elle est le fruit d’échecs et de réussites de millions d’entrepreneurs. Steve Jobs résume très bien la naissance de nouvelles idées : « L’innovation est le résultat de rencontres dans un couloir ou d’appels à 22h30 pour partager une nouvelle idée qu’on a en tête, ou encore parce que ces gens qui entreprennent croient innover sur la manière d’interpréter ou de résoudre un problème ». Comme le souligne également Andrew McAfee, professeur au MIT, nos économies fonctionnent grâce aux idées.

Or en France, la machine à idées est quelque peu grippée. Une étude de l’Insee révèle que : « En nombre de brevets déposés auprès de l’office européen des brevets rapporté à la population, la France se situe au-delà de la moyenne européenne mais elle est très largement distancée par des pays comme la Suède, l’Allemagne et la Finlande. Entre 2006 et 2008, plus de la moitié des entreprises de l’Union européenne à 27 ont mené des activités d’innovation. Les entreprises françaises se situent dans la moyenne européenne classant la France en 15e position. » C’est que, comme le disait Batiat, les « enrayeurs » français sont à l’œuvre. Une fiscalité punitive sur les plus-values, une fiscalité dont la progressivité frappe les revenus de la réussite, la peur maladive du risque illustrée par le principe de précaution débouchant sur les nouvelles législations du Grenelle de l’environnement : cette intervention générale et intempestive a fini par achever tout esprit d’entreprise et à pousser les jeunes qui veulent entreprendre à cultiver leurs talents ailleurs.

Une étude sur recherche fondamentale et recherche appliquée

Certains font remarquer que l’Etat français est bien dans sa mission en encourageant la recherche fondamentale : les budgets qui lui sont consacrés n’ont cessé d’augmenter.

La recherche fondamentale serait en amont de la recherche appliquée, et une saine division du travail pourrait ainsi exister entre l’Etat et les entreprises.

Qu’en est-il en réalité ?

On se réfère volontiers à une étude faite par Peter Marsh, dans son ouvrage « New industrial revolution », qui fait apparaître comment les technologies nouvelles mises en évidence par la recherche fondamentale se traduisent en applications commerciales. Le tableau suivant, établi par l’IREF à partir de cette étude, résume la situation.

Les grandes innovations du XXe siècle et leurs applications commerciales

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Technologie Date Recherche fondamentale Ex. d’applications commerciales Type de technologie
Électricité Fin XVIII W. Gilbert, B. Franklin T. Edison (General Electric), M. Faraday
Le véhicule à moteur XX K. Benz, W. Maybach, G. Daimler Mercedes, Peugeot, etc. P
Synthèse chimique XX R. B. Woodward, H. Kolbe Industrie chimique Pr
Aviation XX Boeing, Airbus P
La production de masse XX H. Ford Ford Motor Company O
L’ordinateur XX A. Turing, ENIAC IBM P
Les semi-conducteurs XX Bell Labs (filiale d’Alcatel-Lucent), MIT, Université de Chicago Radio, TV, etc. P
Le laser XX G. Gould, Bell Labs Télécommunications, fibre optique P
Lean production (flux tendu et automatisation) XX Kiichiro Toyoda Toyota O
The internet XX Agence DARPA, L. Kleinrock, les départements de recherche de nombreuses universités américaines Xerox, Macintosh P
Les biotechnologies XX A. Fleming, Université de Stanford Produits pharmaceutiques, agriculture, génétique, environnement Pr
Les nanotechnologies XX R. Feynman, N. Taniguchi, E. Drexler, IBM Zurich Research Laboratory Électronique, médecine, etc. Pr

Source : Peter Marsh, The new industrial revolution , recherche IREF

Pr= nouveau procédé ; P= nouveau produit ; O= nouvelle organisation

Le vrai problème est que, de Benjamin Franklin à Kiichiro Toyoda, du MIT à IBM Zurich, on ne voit pas en quoi l’Etat a contribué à la recherche fondamentale. Mieux encore : une étude réalisée aux Etats Unis il y a une vingtaine d’année par William Sommers pour le compte du NBER (National Bureau of Economic Research) démontrait que les branches du savoir qui s’étaient développées de la façon la plus spectaculaire et la plus satisfaisante aux Etats Unis étaient celles qui n’avaient pas reçu de subventions, ou très peu. Ce travail avait conduit l’administration Reagan à reconsidérer sérieusement les crédits de recherche fondamentale en particulier ceux qui concernaient la NASA.

Aux Etats-Unis on a parfaitement compris l’importance de cette perméabilité des frontières entre recherche fondamentale et recherche appliquée. Les prix Nobels et les articles universitaires dans les grandes revenues académiques sont encore le monopole des chercheurs américains.

Il faut dire aussi que l’on travaille dans des conditions très favorables dans les universités américaines. On ne peut comparer l’aura du MIT ou de Caltech à celle de l’Université Paris VI. Travailler dans un labo à Dijon est, pour l’étudiant brillant, moins stimulant qu’effectuer ses recherches à Pasadena en Californie ou Cambridge dans le Massachussetts. Et il n’est pas rare de voir des universitaires devenir consultants pour les laboratoires des grands groupes. D’autant qu’il y a 9,21 chercheurs pour 1000 habitants aux Etats-Unis, contre 5,7 en Europe et 1,43 en Chine. Ce sont des emplois hautement qualifiés qui sont à la base de nouveaux produits et processus commerciaux.

Par contraste, l’obsession du gouvernement à mettre la main mise sur les secteurs ‘innovants’ en les subventionnant, n’a d’équivalente que son obsession de créer des « pôles universitaires d’excellence » tout en gardant la fiction de diplômes et de labels nationaux qui excluent toute concurrence sur la qualité des travaux. Le CNRS, centre public comme on le sait, avec un budget de 3 milliards et demi d’euros en 2012, est réputé pour abriter beaucoup de chercheurs, et peu de trouveurs.

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3 commentaires

Anonyme 15 février 2013 - 8:06

Recherche publique ou privée
Un de mes amis me disait, il y a plus de 30 ans: « en France on cherche des chercheurs qui trouvent, mais on trouve des chercheurs qui cherchent ».

Jacques ERNEWEIN

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Anonyme 20 février 2013 - 3:34

Réflexion
Ce que l’on attend du politique c’est de créer les conditions pour favoriser l’innovation, le « BA » concept japonais. Ce que le politique attend, c’est la reconnaissance pour conforter ou accéder au pouvoir. La divergence des intérêts est évidente dans le pays de l’étatisme Colbertien où l’on est génétiquement programmés pour tout attendre de l’Etat.

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Anonyme 24 février 2013 - 8:39

CDG
C’est De Gaulle qui avait dit:

« Des chercheurs qui cherchent, on en trouve, et des chercheurs qui trouvent on en cherche. »

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