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« Le Conseil Constitutionnel, chasse gardée du secteur public »

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Si vous voulez être membre du Conseil Constitutionnel, faites de la politique et entrez dans la fonction publique !

Le Conseil Constitutionnel vient de changer de composition. Et plus ça change, plus c’est la même chose….

En dehors de l’incongruité des membres de droit -les hommes politiques que sont les anciens présidents de la République-, il comptait jusqu’alors cinq fonctionnaires et quatre hommes politiques. Le nouveau président du Conseil, Laurent Fabius, est un homme politique qui n’a jamais connu le secteur privé et il pourra retrouver rue de Montpensier plusieurs de ses collègues énarques. Il sera accompagné de deux impétrants… fonctionnaires, issus l’un du Conseil d’Etat, l’autre de l’Assemblée nationale. Soit dans la composition de mars cinq fonctionnaires et quatre hommes politiques. Il faut noter qu’un seul membre du Conseil a fait partie du Barreau : trois années comme avocat… dans les années 1970 !

Chez nos partenaires, un tel monolithisme est généralement inconnu. Ne parlons pas de la Cour suprême des Etats-Unis où des juristes chevronnés originaires du secteur privé comme du secteur public ou ayant navigué entre l’un et l’autre, sont nommés. Mais même lorsque les fonctionnaires peuplent les Cours constitutionnelles ou les cours suprêmes, il s’agit souvent de professeurs des facultés de droit. Actuellement au Conseil Constitutionnel il y a… un seul professeur agrégé, en l’occurrence de droit public ! Aucun professeur agrégé de droit privé, aucun professeur agrégé d’histoire du droit !

Comment expliquer pareille situation ? Institution à la légitimité douteuse, le Conseil Constitutionnel n’a guère été pris au sérieux durant les vingt premières années de son existence. Par-delà le « copinage », la part prépondérante des hommes politiques au détriment des juristes témoigne d’un mépris du Droit tout français. Le monopole de la sphère publique en son sein manifeste la tradition tout aussi hexagonale de la méfiance envers le « pouvoir judiciaire ».

Les institutions ont bien été pesées. La Vème République est un régime destiné à magnifier un pouvoir fort, les libertés se voyant réserver la part congrue. Originellement chien de garde de l’exécutif, le Conseil Constitutionnel a d’autant moins réussi à s’émanciper de ce carcan qu’il a pour mission de protéger une constitution défectueuse.

Une chose est claire : si votre ambition vous pousse à entrer au Conseil Constitutionnel, ne soyez pas membre d’une profession libérale, faites de la politique, et, quitte à appartenir à la fonction publique (au demeurant, le meilleur moyen en France d’accéder au Saint Graal politique !), oubliez les facultés de droit.

Jean-Philippe FELDMAN
Professeur agrégé des Facultés de droit
Maître de conférences à Sciences Po
Avocat à la Cour de Paris

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4 commentaires

Provost 8 mars 2016 - 11:26

Conseil constitutionnel un exemple hélas suivi partout par l'Etat
monsieur,

vous constatez en professionnel du secteur que ce qui devrait être le sanctuaire du droit constitutionnel est tenu par des personnes qui n'ont aucune compétence, et donc légitimité pour cela. Hélas dans quasiment tous les "rouages" de l'état c'est la même situation!! Pas un ingénieur grande école, pourtant la vraie élite, rompue aux sciences dures , devrait être en charge de l'industrie, de l'énergie, des infrastructures du pays etc… Trop de diplômés des sciences molles au gouvernement, peu préparés à la maîtrise de la complexité, et à un bon équilibre entre la capacité conceptuelle et le sens pratique.

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LEXXIS 8 mars 2016 - 11:33

ET SI ON INTRODUISAIT UN PEU DE DÉMOCRATIE?
Certes on comprend bien à la signature de l'article – parfaitement documenté- que l'auteur regrette amèrement que son éminente profession ne soit pas davantage représentée au sein du Conseil. Certes, l'article y insiste justement , le Conseil ne réunit pratiquement que des fonctionnaires qui le sont encore ou qui l'ont été. Mais en réalité, cette situation de quasi-monopole pose de manière très crue un vrai problème de démocratie.

En effet, le Conseil constitutionnel n'examine pas que des lois régissant le secteur public, puisqu'au contraire la majorité des textes concernent le secteur privé ou des domaines "mixtes" (fiscal, pénal, social notamment) à la charnière des deux secteurs. Or dans ce cas, les compétences manquent cruellement au Conseil, puisque l'immense majorité des Sages n'ont par exemple qu'une connaissance livresque, doctrinale ou largement rapportée du monde de l'entreprise.

C'est donc – et dans cette institution comme en bien d'autres annexées sans vergogne à son seul avantage par la fonction publique – à un grave déficit de démocratie (représentative ou pas) qu'on doit porter remède. Il faut modifier le recrutement actuel abusivement endogame et ouvrir d'urgence l'institution sur des réalités qui concernent quand même les quatre cinquièmes de la population active du pays. Une sorte d'échevinage qui rapprocherait utilement l'institution de son public.

Pourquoi donc ne pas ajouter dans un premier temps aux neuf "Sages" actuels (hors membres présidentiels de droit), quatre autres "Sages" issus par exemple du monde du conseil, de l'entreprise ou du secteur associatif indépendant et qui apporteraient aux requérants du secteur privé l'assurance que leurs requêtes ne sont pas déposées quasiment en terre étrangère? C'est en tout cas une réforme qui – sur le plan pratique – aurait quand même une toute autre allure et une toute autre portée que les discussions byzantines sur la déchéance de nationalité!

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Alain 8 mars 2016 - 5:54

Omnipotence des fonctionnaires
Voilà un gisement d'économie, en le fusionnant avec le conseil économique et social et en y intégrant des représentants de la société civile (La famille, les entreprises..).
Mais il faudrait démonter un postulat qui détermine cet état de fait ainsi qu'une majorité des décisions normalement prises dans l'intérêt du bien commun qui n'est pas nécessairement incompatible avec les intérêts particuliers.
Ce postulat est qu'un fonctionnaire, quelque soit son échelon de responsabilité, est le meilleur garant de l'intérêt général ,sous prétexte que sa rémunération, garantie quelque soit ses résultats, ne dépend pas normalement d'intérêt particuliers.

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Bullot 16 mars 2016 - 2:11

Le Conseil, symbole de l'absolutisme républicain!
La France régime libéral et démocratique quelle blague!
France= République absolue dont les trois pouvoirs sont accaparés par une caste de fonctionnaires qui, depuis Giscard, ne cesse de développer son pouvoir et étouffe la société civile.

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