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Le Bitcoin peut-il sauver la Grèce ?

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Outre les peurs parfois injustifiées exprimées sur l’émergence de monnaies virtuelles, souvent jugées à la va-vite comme étant les monnaies des cartels et du marché noir, de nombreuses entreprises comme Amazon ou eBay et des institutions bancaires et financières tout à fait respectables y voient une alternative solide aux désordres monétaires chroniques de l’économie mondiale post 2008. Du Nasdaq, en passant par UBS, la BNP ou la Banque centrale d’Angleterre, jusqu’au plus grands groupes d’audit comme Deloitte et même l’ancien ministre des finances grec, Yanis Varoufakis, tous lui reconnaissent des vertus qui offriraient une alternative au système financier actuel.

Tous proposent de s’inspirer de l’algorithme sous-jacent du protocole Bitcoin[[Nous utiliserons ‘Bitcoin’ avec une majuscule lorsque nous évoquerons le protocole et nous parlerons de ‘bitcoin’ avec une minuscule lorsqu’il s’agira de la monnaie virtuelle. Ainsi, nous séparons la technologie de la valeur monétaire de l’actif en question, qui sont deux choses différentes.]] pour, si ce n’est le remplacer, au moins le renforcer. Tous y voient également des opportunités pour le développement de nouveaux services, mais aussi une nouvelle concurrence pour les intermédiaires financiers. Aujourd’hui, Bitcoin arrive à un point d’inflexion où bon nombre d’acteurs considèrent désormais que la technologie qui le sous-tend révolutionne la manière de faire des échanges.

Bitcoin, un système contre-intuitif mais bien plus résilient que le système bancaire actuel

Certes, Bitcoin se heurte encore à un obstacle technique, dans la mesure où l’algorithme qui valide et procède à l’échange entre deux parties est intuitif. Passé cet obstacle, on peut réellement apprécier les possibilités offerte par ce protocole, surtout pour des pays comme la Grèce dont la situation économique est plus que problématique. La compréhension de la structure sous-jacente au Bitcoin est donc importante. En réalité, le système permet de résoudre à la fois les problèmes liés à la centralisation des décisions et à la confiance nécessaire pour que n’importe quelle institution financière ou bancaire puisse opérer sereinement.

D’une part, un grand journal électronique et public répertorie toutes les transactions. Ce journal, répliqué sur toutes les machines qui travaillent en réseau, est automatiquement « reconstruit » par chacun des « nœuds » qu’elles représentent en tant que machines interconnectées. Mais les ordinateurs du réseau ne se contentent pas de répliquer le journal des transactions. Tous les nœuds sont aussi chargés de vérifier et de garantir que chaque échange a bien eu lieu, ce qui assure la fiabilité intrinsèque du système. Grâce à cette méthode de vérification et de validation décentralisée, ajoutée aux procédés de la cryptographie, la probabilité qu’une personne mal intentionnée prenne le contrôle du journal et crée ex nihilo de fausses transactions est ainsi extrêmement faible. Les transactions sont sécurisées et inaltérables ; une fois validée par la communauté des machines, une transaction est nécessairement « vraie ».

D’autre part, Bitcoin résout un problème de confiance entre deux entités qui échangent. Pour l’expliquer, reprenons l’analyse économique et le concept d’asymétrie d’information. Consommateur et vendeur n’ont pas le même niveau d’information lors d’une transaction. Que ce soit pour un véhicule d’occasion ou les services d’un électricien, le consommateur doit faire confiance au vendeur sur la qualité des biens ou services qu’il lui offre. Quant au vendeur, la réputation de son entreprise sera le plus souvent fondée sur la réputation qu’on lui accorde. Grâce au système Bitcoin, cette « réputation » pourrait être encryptée dans les lois fondamentales de fonctionnement de l’entité, dans un protocole transparent, incorruptible et accessible à tous. Ainsi, tout le problème lié à la confiance s’évanouirait. Aujourd’hui, les banques endossent le rôle d’une entité tiers de confiance pour qu’un échange soit validé. Dans le système Bitcoin, la transaction est vérifiée et validée par le système avant que l’échange ait eu lieu. Si vous n’avez pas assez de bitcoins pour une certaines transaction, l’échange ne peut avoir lieu.

Quel intérêt pour la Grèce[[Cet article a été inspiré par une publication parue dans le quotidien la Wall Street Journal du 12 juillet.]] ?

Bitcoin, c’est un peu le Uber de la monnaie, une vaste plateforme d’échange décentralisée où toutes les transactions sont vérifiées par les utilisateurs. A la différence près que personne ne le dirige, que le système est décentralisé et qu’il serait difficile pour les Etats d’y mettre fin par la voie d’une simple loi qui l’interdirait. Ce qu’il faut retenir c’est que l’utilisation du Bitcoin assure la transparence des transactions et la certitude que celles-ci ont été faites de bonne foi. De plus, avec le Bitcoin, le coût de transaction est quasiment nul, contrairement à la plupart des transactions monétaires ou d’actifs.

Pour le moment, on voit mal comment les Grecs pourraient utiliser des bitcoins pour effectuer leurs échanges. Il leur faudrait ouvrir un compte auprès d’une plateforme d’échange et transformer leurs euros en bitcoins. Mais compte tenu des mesures drastiques prises par le gouvernement grec pour enrayer sa crise économique et monétaire – plafonnement des retraits à 60 € par jour, limitation des transferts à l’extérieur du pays –, il paraît difficile aujourd’hui de voir émerger le Bitcoin comme monnaie alternative.

Cependant, le protocole offre d’autres possibilités. Puisque Bitcoin est à la fois un protocole (comme Internet pour les télécommunications) et une plateforme d’échange, ces possibilités sont limitées par notre seule imagination. L’une des idées développées récemment[[Voir le Wall Street Journal, How Bitcoin Could Prevent a Future Greece, Tuesday, July 14, 2015.]] est que la Grèce pourrait créer une sorte de « devise collatérale » adossée à des actifs détenus par l’Etat grec. Ce genre de monnaie cryptographique permettrait de diviser ces actifs à l’infini, dans la limite où la valeur de ces derniers serait positive pour toutes les parties. Ainsi, on assisterait à une vraie démocratisation de la production de monnaie, limitée à la valeur d’actifs choisis au préalable pour la garantir, évitant ainsi les dérives budgétaires que l’on connait. Si Bitcoin ne peut empêcher la mise en place d’institutions défaillantes, il contraint ses utilisateurs à ne dépenser que ce qu’ils ont en poche. En cela, le système Bitcoin pourrait introduire un changement majeur dans la façon dont la gestion de l’argent public est menée en Grèce, et plus largement en Europe.

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6 commentaires

Patrick 20 juillet 2015 - 7:31

Petite erreur monétaire
Je pense que l'auteur fait une erreur assez rependue sur le bitcoin.

Le bitcoin ne permet pas plus de se passer des banques de second rang (Soc Gen, BNP, CA, etc.) qu'une autre monnaie de base (Or ou Argent, billets banque centrale, etc.) ne le fait déjà.

Le principal apport des banques est leur offre de credit, et elles pourraient parfaitement le faire sur la base du bitcoin, comme elle le font aujourd'hui sur les billets actuels (autrefois sur les métaux précieux). Pour peu que la législation le permette.

cdt

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Lucas Leger 21 juillet 2015 - 11:44

Bitcoin est différent des autres monnaies de base
Bonjour,

Il est vrai que la technologie Bitcoin peut-être utilisée par les banques commerciales. Citi a d'ailleurs déjà lancé son 'CitiCoin'. En revanche, Bitcoin n'a pas besoin de banques telles qu'on les connait aujourd'hui pour fonctionner. C'est là toute la différence avec les autres monnaies de base, nous semble-t-il : Bitcoin repose sur un modèle dit de 'pair-à-pair' entièrement décentralisé, vous n'avez pas besoin d'un intermédiaire de confiance pour échanger. Le système jusqu'ici fonctionne très bien sans qu'aucune banque n'y ait pris part.

Concernant le crédit, des plateformes de crédit s'appuyant directement sur la Blockchain (donc aucune banque) émergent. La différence avec les banques commerciales est que les bitcoins empruntés existent préalablement à l'offre de crédit. Il n'y a donc pas de multiplicateur monétaire. Par ailleurs, Bitcoin permet de favoriser le crédit par l'hypothèque, grâce aux 'colored coins'. Cette technique permet de gérer et d'échanger des actifs réels directement sur la Blockchain.

Bitcoin est, comme la plupart des services liés au numérique, dépendant de l'effet de réseau. De plus, la technicité du processus impose un investissement en temps important. Ce qui peut limiter à court terme l'effet de réseau. Bien évidemment, ce système ne se substituera pas intégralement aux banques commerciales et à leurs services de crédit. Néanmoins, la Blockchain représente un nouveau moyen d'échange que les banques et les intermédiaires financiers ne peuvent ignorer.

Cordialement,

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Patrick 22 juillet 2015 - 10:07

Petite erreur monétaire (2)
Si l'on examine point par point les qualités respectives du bitcoin et d'un métal précieux (disons l'or ou l'argent par exemples) voilà ce qu'ion peu en dire il me semble.

L'échange :
– le bitcoin permet de remplacer la fonction bancaire de "tenue de compte". Toutefois me semble t'il, certains services comme le prélèvement automatique ne sont pas (encore) possible (il faudrait que je creuse les "bitcoin contract") ?
– En comparaison l'or ne peu être échangé que de main à main sous condition proximité physique, mais il ne dépend pas d'un réseau de données pour cet usage.

Anonymat des transaction :
– Complet avec les monnaies de base physique, titres au porteur (or, billets banque centrale, etc.).
– Si le bitcoin devient légal et que les banques sont autorisées à offrir des services avec, alors les noms de personnes physiques et morales seront associées aux portefeuilles bitcoin. Dés lors toute personne ayant accès à ce couple d'information (comme le banquier ou l'autorité publique) aura en regardant la Blockchain accès à la TOTALITÉ des transactions en temps réel faites avec ce portefeuille.
Ceci est valable pour toute blockchaine non clandestine. Les blockchaines clandestines elles mêmes sont compromises exponentiellement à mesure que leur usage est rependu.

Falsification :
– l'or peut être mélangé avec des métaux vils, les billets copiés, les monnaies physiques sont sensiblement moins fiable que le bitcoin. Cet aspect est réduit avec le développement d'un système bancaire qui permet de rependre les transactions électroniques et de retirer plus facilement les pièces falsifiées.
– Toutefois cette qualité du bitcoin tient à la solidité de ses algorithmes (sha256, …), mais là je suis hors de mon domaine de compétence.

Sécurité face aux risques majeurs :
– le BITCOIN offre par nature un accès mondial à une devise unique, pour peu que le réseau soit disponible. ceci offre une sécurité très forte en cas de risque majeur (guerre, crise, etc.).
– un compte à l'étranger dans une devise classique est dépendant d'un établissement bancaire, les monnaies physiques aujourd'hui souvent interdites, doivent être transportées, et sont souvent plus exposées au brigandage qu'une clé cryptographique privée.
– pendant la seconde guerre mondiale, la détention de monnaie or était punie de mort … et l'or récupéré…, on peut de la part des autorités imaginer la même chose en cas de découverte d'un portefeuille bitcoin.

Stabilité monétaire :
– Les monnaies métalliques ont une valeur due pour partie à leur usage monétaire ("la prime" des numismates) et pour une par aux autres usages comme matière première.
– Le bitcoin n'a de valeur que pour les services monétaires qu'il rend, ce qui l'expose PAR CONSTRUCTION à une instabilité plus grand de son cours.
– C'est à mon avis le plus gros point faible du Bitcoin. Dans un cas comme dans l'autre cette variabilité relative du cours, diminue au fur et à mesure que l'usage de la dite monnaie est dépendu.

Conclusion :
Le bitcoin est un bon concurrent aux autres monnaie de bases traditionelles, il à ses défauts et qualités propres, mais n'est pas la panacée que certains y voient. S'il tient son cahier des charges cryptographique et si les gouvernement ne lui déclarent pas la guerre, il a un avenir prometteur dans le grand publique, mais pas forcément pour les caractéristiques qui son souvent avancées à l'appuis de cette thèse.

Cordialement

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Lucas Leger 22 juillet 2015 - 2:32

En réponse à votre deuxième commentaire
Bonjour,

Merci beaucoup pour ces précisions. nous sommes bien d'accord sur les points que vous évoquez. Effectivement, Bitcoin n'est pas la panacée, mais ce n'était pas l'objectif de l'article de décrire les difficultés et faiblesses de cette monnaie/protocole.

Je reviendrai sur deux points. D'une part, il me semble très important de dissocier le protocole de la monnaie. D'ailleurs, sur toutes les possibilités offertes par cette technologie, je vous invite à lire le White Paper de Ethereum, qui est très détaillé. Le point central, et par ricochet celui de l'article, est la Blockchain. Cette technologie, qu'on l'appelle Bitcoin, Litecoin, Ripple ou même Ether, est plus intéressante que l'unité de compte que représente les bitcoins et les autres monnaies virtuelles aujourd'hui. Car elle permettrait de mieux contrôler les charges et produits des Etats, notamment ceux en difficulté. Comme vous l'avez bien souligné, il y a une grande transparence des transactions sur la Blockchain. Cela étant, la limitation des paiements en espèce est aussi un moyen pour les banques et les Etats de mieux suivre certaines transactions. Et le système scriptural, fondé sur des moyens de paiement électroniques, offre un niveau de transparence presque identique.

D'autre part, la volatilité des changes entre les bitcoins et les autres devises n'est pas son plus gros défaut intrinsèque. D'abord parce que la volatilité est plus liée aux chocs monétaires. Ensuite, on observe aujourd'hui une forte concentration des équipes de mineurs, qui mettent en commun leur puissance de calcul pour valider les transactions et empocher des bitcoins en rémunération. Par construction algorithmique, la puissance de calcul nécessaire à la validation des transactions est croissante. Le problème, c'est que si un groupe de mineur atteint 51 % de la puissance de calcul du réseau pendant un certain temps, il a la possibilité de valider des transactions qui n'ont pas eu lieu, et donc de falsifier des transactions. Ce problème est survenu une fois en 2014, mais les autres groupes de mineurs se sont mobilisés pour éviter que Bitcoin ne périclite. Néanmoins, le risque est bien réel. Cela dit, ce problème met en lumière un fait intéressant : Bitcoin a bien un valeur intrinsèque. Il s'agit de la puissance de calcule nécessaire au 'minage' : le matériel et l'électricité nécessaires coûtent extrêmement chers, et le coût marginal est croissant.

Sur les autres points, notamment lorsque l'on compare cette crypto-monnaie à d'autres devises ou moyens de paiement, je vous rejoins. L'avantage de Bitcoin pour la Grèce, serait de créer des obligations d'Etat adossées sur des biens tangibles, pour redonner confiance aux investisseurs.

Si tout ce débat sur les monnaies virtuelles vous intéresse, le Cato Institute a publié plusieurs papiers sur ce thème. Et sur le fonctionnement détaillé de la Blockchain, n'hésitez pas à consulter ce lien : http://www.michaelnielsen.org/ddi/how-the-bitcoin-protocol-actually-works/, à mon sens l'un des articles les plus clairs sur cette question.

Cordialement,

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Astérix 25 juillet 2015 - 11:01

Sidérant !
Pourquoi tant de palabres inutiles ? Ce n'est pas le "bitcon" qui peut sauver la Grèce mais le simple bon sens donc une gestion rigoureuse du Pays

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VDB 6 août 2015 - 11:14

A propos de l'attaque des 51%
"Le problème, c'est que si un groupe de mineur atteint 51 % de la puissance de calcul du réseau pendant un certain temps, il a la possibilité de valider des transactions qui n'ont pas eu lieu, et donc de falsifier des transactions."

Je crois qu'il est important d'ajouter une petite précision à ce propos. Le groupe de mineurs détenant plus de 51% du réseau n'est en aucun cas en mesure de valider des transactions sur des adresses bitcoins qui ne lui appartiennent pas. Cela garantit le montant des Bitcoins que possède chacun des participants au réseau (car ce sont eux et eux seuls qui possèdent la clé cryptographique pour débloquer leur BTC). Cette falsification de transaction intervient alors sur des bitcoins qui appartiennent déjà aux falsificateurs et ce problème est connu sous le nom de "double spending problem" où il s'agit de faire croire que les BTC ont été envoyés alors qu'en réalité ils sont partis ailleurs.

Par ailleurs, le problème des 51% est effectivement arrivé une fois et cela a permis de mettre en lumière la résilience du système Bitcoin qui s'autoadapte et s'ajuste automatiquement (les miners qui changent de mining pool).

Cordialement

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