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L’Europe sans Europe

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Jean Philippe Delsol rappelle l’histoire de l’Europe et de la Grèce : l’insouciance et l’endettement actuels ont de profondes racines. La France et ceux qui veulent « sauver la Grèce » veulent surtout se sauver de la menace de la rigueur. Le nouveau pouvoir pratique en fait la fuite en avant.

La très belle Europe était la fille du roi de Phénicie. Alors qu’elle jouait sur la plage avec ses compagnes, elle fut aperçues de Zeus qui, le cœur enflammé, se métamorphosa en taureau blanc pour emporter la princesse séduite jusqu’en Crète et y célébrer leur union. Elle avait rejoint la Grèce et c’est son nom qui désigna dès la période antique la partie non asiatique de la Grèce avant même que celle-ci fut ensemencée par la spiritualité judéo-chrétienne et ordonnée par le droit romain pour fonder l’Occident.

L’Europe est donc née en Grèce. Elle pourrait aussi y mourir si son peuple continue de ne vivre que de sa gloire ancienne et déjà plusieurs fois oubliée. La Grèce bégaye depuis les deux petits siècles qu’elle a retrouvé son indépendance. Elle était redevenue un pays de bergers, Athènes un gros village de quelques 10 000 habitants au plus alors qu’elle était encore ottomane au début du XIXème siècle. Après leur libération, en 1830, les Hellènes eurent toujours du mal à assumer leur liberté économique. Dès avant, en 1826, le défaut de la Grèce lui a fermé l’accès aux marchés de capitaux internationaux pendant cinquante trois années consécutives. Depuis 1830, ils ont connu plus de cinquante années pendant lesquelles ils ont été en situation de défaut bancaire ou de rééchelonnement (Reinhart et Rogoff, Pearson, 2010).

Doit-on soutenir une entreprise en ruine ?

Si l’on totalise les différents plans d’aide et l’effacement de près de la moitié de sa dette, l’aide à la Grèce (publique et privée) depuis mai 2010 avait déjà mobilisé en février dernier plus de 350 milliards d’euros :

– 110 milliards d’euros : montant du premier plan de sauvetage UE-FMI.

– 130 milliards d’euros : montant du second plan de sauvetage UE-FMI.

– 100 milliards d’euros : montant de la dette grecque effacée par le secteur privé.

– 12 milliards d’euros : plus-values réalisées sur la dette publique grecque auxquelles devait renoncer la BCE au profit de la Grèce.

La contribution de la France ne cesse pour sa part d’augmenter. Elle était sans doute de l’ordre de 15 milliards d’euros il y a 18 mois et elle serait de plus de 50 milliards d’euros aujourd’hui si la Grèce sortait de la zone euro, sans parler des risques encourus par certaines institutions privées comme le Crédit Agricole qui pourrait perdre 8 milliards d’euros. La France et l’Europe se conduisent désormais comme des chefs d’entreprise inconscients et vaniteux qui s’obstinent dans de mauvais investissements et vont droit à la faillite. Les chefs d’entreprise se trompent parfois – il n’y en a peu qui ne se trompent jamais – mais seuls réussissent ceux qui savent reconnaître à temps leurs erreurs, revenir en arrière avant que la casse ne soit trop lourde, changer de cap.

Car malgré l’effort considérable de l’Europe en sa faveur et malgré des sacrifices sûrement importants consentis par les classes moyennes grecques, la Grèce continue de s’enfoncer. Pire : les partis grecs d’extrême gauche, notamment le Syrisa, refusent les conditions de l’aide européenne et sont proches de gagner les élections du 17 juin prochain. Dans cette situation, il n’y a plus de raison que l’Europe continue à remplir sans fin dans l’enfer grec le tonneau percé des Danaïdes.

Les vraies raisons du soutien inconditionnel à la Grèce

Cependant, à part l’Allemagne et quelques autres, les pays européens, et la France en particulier, veulent encore tout faire pour maintenir la Grèce sous perfusion. Ils disent que c’est par peur des conséquences en « dominos » de la sortie de la Grèce de l’euro. Mais en fait c’est sans doute beaucoup plus pour éviter d’avoir eux-mêmes à mettre en œuvre une politique d’austérité requise par leur situation financière. En soutenant qu’il faut continuer à aider la Grèce, ils espèrent que l’Europe leur évitera de revenir sur leur propres avanies, sur leurs budgets désespérément déficitaires, sur leurs prélèvements obligatoires outrageusement confiscatoires, sur l’outrecuidance de l’Etat et de ses satellites, sur les blocages de sociétés phagocytées par l’interventionnisme et le protectionnisme corporatistes…

C’est pourquoi aussi la France refuse de signer le Pacte budgétaire, au demeurant bien imparfait, qui pourrait l’obliger à réduire la taille de l’Etat Providence. C’est pourquoi elle soutient toutes les initiatives keynésiennes d’investissement public au plan européen et la création d’eurobonds qui masqueraient un temps la faiblesse des pays les plus endettés en puisant dans le crédit de ceux qui sont plus forts. Mais cette politique n’aurait qu’un temps.

La France alertée par l’Europe…et par Cicéron

La Commission européenne a présenté ce 30 mai son analyse et formulé ses préconisations pour sortir la France du marasme où elle s’enlise. Et c’est une leçon de rigueur donnée par Bruxelles à la France : réduction des charges sociales et fiscales sur le travail, ouverture à la concurrence du commerce de détail, des services, des industries de réseau comme le transport ferroviaire et l’électricité, remise en cause de certains taux réduits de TVA, modération salariale, flexibilité du marché du travail, notamment par la libération des licenciements économiques et des contrats de travail…

C’est tout le contraire qu’apparemment veut faire le nouveau gouvernement dans la ligne du programme électoral de François Hollande. Il ne saurait y réussir car depuis que les hommes vivent en société, les problèmes sont toujours les mêmes et les remèdes toujours les mêmes aussi. Cicéron dit-on, donnait déjà ses recommandations au Sénat en 55 avant JC. Elles sont encore valables : « Les finances publiques doivent être saines, le budget doit être équilibré, la dette publique doit être réduite, l’arrogance de l’administration doit être combattue et contrôlée, et l’aide aux pays étrangers doit être diminuée de peur que Rome ne tombe en faillite. La population doit encore apprendre à travailler au lieu de vivre de l’aide publique. » Soyons prudents et attentifs. Nous savons depuis Paul Valéry que les civilisations sont mortelles. Sachons que les Etats peuvent l’être aussi et que l’Europe pourrait bien s’y perdre, sans Zeus ni aucun autre dieu pour la secourir !

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5 commentaires

Anonyme 9 juin 2012 - 6:19

Ou comment jeter l’argent parles fenêtres !
Remarquable article. Merci M. J.Ph. DELSOL.

Le Général de GAULLE avait très bien anticipé. Il a déclaré, en son temps : « L’europe, l’europe, vous pouvez toujours sauter sur une chaise comme un cabri. » !

Depuis Mai 2010, 350 milliards dépensés en pure perte pour la Grèce qui ne pourra pas se redresser avec l’euro.

Vous avez noté une amélioration…?

Et bien, rassurez-vous.., nos technocrates et hommes politiques n’ont toujours pas compris et vont encore essayer de faire imprimer par la BCE ou autres… des milliards d’euros virtuels pour RIEN, afin de tenter de sauver ce qui ne peut pas l’être.!

Ce sont les contribuables qui paieront… avec quoi ? L’on peut se demander ce qui leur restera, peut-être leur slip gagé ?.

Quelle tristesse, quelle perte de temps, quelle incurie.

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Anonyme 11 juin 2012 - 8:38

Hélas nous faisons le même
Hélas nous faisons le même constat§

J. Ph. Delsol

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Anonyme 13 juin 2012 - 12:47

l’Europe…
L’UE mefait rire en critiquant notre dette et notre déficit alors qu’en 2011 notre déficit était de 90 milliards d’euros et que la part de ce déficit dûe au coût de l’UE pour la France se monte(selon diverses études)à plus de 50 milliards!!!(j’ai bien écrit milliards)Dont 11 en dépenses quantifiables et 40 en solde budgétaire direct.

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Anonyme 21 juin 2012 - 3:13

Sauver la Grèce
Posez-vous pourquoi l’Allemagne et la France tiennent tant à « maintenir la Grèce dans l’Euro ». Si la Grèce sort du système, elle ne remboursera plus ses créanciers. L’Allemagne est le premier créancier de la Grèce, la France est juste derrière.

Donc c’est juste une histoire de SOUS.

Alors toutes vos histoires d’effet domino, vous savez ce que j’en pense!

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Anonyme 26 juin 2012 - 2:17

Vous avez dit « empire »
Ainsi se reproduisent les inepties qui ont ruiné l’empire romain. Il y a déjà 17 ans, nous subodorions la catastrophe en dissertant de « la crise » qui s’amplifiait alors. Nous espérions que les politiques au Pouvoir de l’époque, sauraient l’enrayer… Bref, tous les scénarios imaginables ou non sont dans les « tuyaux », le metteur en scène fut élu avec moins de la moitié des citoyens. Il pérore, l’équipe de « bras cassés » est en place et espère encore « sauver » une Europe qui n’a jamais été finalisée que sur le papier, nous avons subi la monnaie unique sans que les 3 piliers soient consolidés…

Amen!

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