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L’Etat entrepreneur contre les entreprises

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Le troisième anniversaire du Fonds Stratégique d’Investissement est l’occasion de s’interroger non seulement sur son efficacité (il coûte cher) mais aussi sur sa légitimité : les fonds dispensés avec générosité par l’Etat qui veut jouer à l’entrepreneur font défaut aux entreprises privées. Maître Jean Philippe Delsol, administrateur de l’IREF, analyse cet « effet d’éviction ».

Le troisième anniversaire du Fonds Stratégique d’Investissement est l’occasion de s’interroger non seulement sur son efficacité (il coûte cher) mais aussi sur sa légitimité : les fonds dispensés avec générosité par l’Etat qui veut jouer à l’entrepreneur font défaut aux entreprises privées. Maître Jean Philippe Delsol, administrateur de l’IREF, analyse cet « effet d’éviction ».

Ce mois ci, le Fonds Stratégique d’Investissement a fêté en grande pompe, avec le Président de la République, son 3ème anniversaire. L’Etat se prévaut à cette occasion d’avoir aidé « des projets de croissance… porteurs de compétitivité pour le pays ». Ne faut-il pas plutôt s’inquiéter de ce rôle que l’Etat s’arroge avec l’argent des contribuables ?

Le FSI a été créé en novembre 2008 avec 6 milliards de liquidité à dépenser en investissant au capital d’entreprises privées. En 3 ans, il a réalisé une soixantaine d’investissements, pour 2,8 milliards d’euros, dans des sociétés qui s’énoncent comme une liste à la Prévert, sans guère de logique sinon peut-être la facilité offerte à certaines entreprises de s’adresser à l’Etat plutôt que d’aller rechercher des investisseurs privés.

Il est impossible d’obtenir des données sérieuses concernant les résultats obtenus et la Cour des Comptes s’en est émue, comme elle s’est étonné en 2008 de l’absence apparente de toute stratégie dans les choix du Fonds. En particulier les SEML (Sociétés d’Economie Mixte Locales) ont été épinglées dans le rapport de 2008 : « La structure du portefeuille traduit avant tout la volonté de la Caisse de répondre aux sollicitations des collectivités locales sans avoir toujours su [….] faire prévaloir des axes stratégiques ». La Cour évoque une « politique de guichet » : premier venu premier servi. Les rares estimations faites dans le domaine de la création d’emplois indiquent environ 40.000 emplois créés pour des investissements de 20 milliards d’euros, soit 50.000 euros par emploi créé, deux fois plus chers que la création dans une entreprise privée empruntant sur le marché.

De deux choses l’une pourtant :

– soit il s’agit pour le FSI, ce qu’il dit ne pas vouloir faire, d’aller au secours des entreprises en difficulté et d’être peu regardant sur la rentabilité et le risque de son investissement, et le contribuable le paiera cher un jour ;

– soit il investit comme le ferait tout autre fonds d’investissement, ce qu’il prétend, et alors il n’y a aucune raison que les impôts soient affectés à cet usage que d’autres acteurs économiques peuvent assurer par eux-mêmes.

L’argent que l’Etat utilise pour investir n’est pas sorti de la poche de nulle part, mais tout d’abord de celle des contribuables d’aujourd’hui, au travers des impôts, ou de demain, au travers de la dette publique qu’il faudra rembourser un jour. Il sort aussi de l’épargne française sur laquelle l’Etat a fait main basse. D’une part, le « grand emprunt » de 35 milliards ; d’autre part, la Caisse des Dépôts et Consignations qui a le privilège de collecter l’épargne déposée dans les livrets des Caisses d’Epargne, mais aussi pour partie dans les autres livrets A des banques.

Cet argent est autant d’argent dont les investisseurs privés ne disposent pas, soit que les épargnants aient affecté leurs économies au paiement de l’impôt qu’ils doivent supporter pour permettre à l’Etat de financer le FSI, soit que les épargnants prêtent à l’Etat au lieu de le faire, via des banques ou des fonds d’investissement, à des entreprises qui en sont privées et pour lesquelles l’argent est ainsi plus rare et donc plus cher. C’est ce que les économistes appellent « l’effet d’éviction ». Bastiat opposait plus simplement ce qui se voit (l’épargne investie dans des projets publics) et ce qui ne se voit pas (l’épargne qui va manquer aux entreprises privées. Il s’agit donc bien d’un transfert du secteur marchand vers le secteur non marchand, de l’économie libre vers l’économie administrée.

Non seulement le FSI et autres fonds publics peuvent se tromper dans leurs investissements, mais ils le peuvent d’autant plus que ce n’est pas leur argent et que le risque n’est pas le leur. D’ores et déjà, la participation du FSI dans la société biopharmaceutique Nicox s’est révélée un désastre avec une perte de 90% en trois ans. Ces fonds publics peuvent aussi se tromper plus que les autres parce que leur décision est souvent politique, voire idéologique. Pour ne pas paraître sévère uniquement à l’égard de la France, on peu rappeler à ce sujet les choix du gouvernement de Monsieur Obama de prêter 580 millions de dollars à la société d’énergie solaire Solyndra aujourd’hui en dépôt de bilan et qui ne remboursera jamais son emprunt aux contribuables américains.

Sous l’emprise de la doctrine fallacieuse de Keynes, les gouvernements français américains, comme tant d’autres hélas, ont la conviction commune que plus la crise s’étend, plus ils doivent intervenir pour maintenir l’économie hors de l’eau. Ils ne se rendent pas compte que, ce faisant, ils la font couler chaque jour un peu plus. En pompant les ressources de la société civile au profit de la machine étatique, ils sont pompiers pyromanes, ils assèchent les liquidités dont l’économie a besoin et ils remettent les décisions d’investissement et de consommation en des mains moins expertes, plus coûteuses, plus lentes que celles des multiples agents du marché. Ils croient savoir mieux faire parce qu’ils ont des agences spécialisées, des énarques et des polytechniciens à demeure, mais l’histoire montre que cette science accumulée est aussi un handicap car le vrai entrepreneur est souvent un homme d’intuition et de vision plus que de savoir. Certes, les entrepreneurs privés aussi peuvent se tromper dans leurs investissements, mais c’est avec leur argent, pas avec celui des autres.

La tentation de jouer à l’entrepreneur est plus forte que jamais en France. Le ministre de l’Economie a l’intention de donner des consignes précises à des « Commissaires à la Ré-industrialisation » (sic) et aux préfets, et le Ministre de l’Intérieur lui-même est mobilisé pour que tous les fonctionnaires aillent au secours des PME : voici une belle sortie de crise qui s’annonce !

La France et la plupart des pays du monde occidental avec elle sont malades de leur Etat providence. C’est l’excès de leurs dépenses publiques qui a augmenté leurs dettes publiques au-delà du raisonnable plutôt que l’insuffisance de leurs recettes fiscales. Tout au contraire, la charge fiscale qui pèse sur les particuliers et les entreprises entrave déjà considérablement la marche de leurs économies et c’est en allégeant ce fardeau qu’ils pourront recouvrir la santé, pas en s’engageant dans de nouvelles dépenses qu’ils croient à tort utiles et qui sont nuisibles.

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1 commenter

Anonyme 29 novembre 2011 - 9:46

Etat entrepreneur
La garantie de l’emploi à vie et d’un statut privilégié, obtenus suite à la réussite à un concours, une fois pour toutes, nous fournit une nomenklatura inamovible et ambitieuse. Si c’est elle qui a barre sur une grande partie de la cassette royale, elle continuera à se faire plaisir sans remords. C’est le statut qu’il faut abolir : je ne sache pas que les économies canadiennes ou suisses se portent mal?

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