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« Je propose que le Medef et les branches professionnelles refusent désormais tout accord qui serait contraignant pour les entreprises »

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Entretien avec Jean-Charles Simon, économiste et entrepreneur, candidat à la présidence du MEDEF

1. Si vous êtes élu à la tête du MEDEF, quelle sera le premier message adressé au Président et au gouvernement ?

Je leur proposerai d’engager ensemble une transformation majeure de l’environnement des entreprises, au service de leur compétitivité. Ce doit être l’obsession de tous les dirigeants de ce pays : libérer le potentiel des entreprises en France, qui souffrent d’un excès de contraintes normatives et de prélèvements obligatoires, ces derniers résultant d’un trop-plein de dépenses publiques. Tous nos grands problèmes économiques – le chômage, un taux d’activité insuffisant, la situation des finances publiques ou celle du commerce extérieur… – découlent de cette sous-performance.
Contrairement à la plupart de ses homologues étrangers, le Medef a des responsabilités directes importantes dans le système social. Il doit donc prendre sa part des réformes à engager, même si la plupart d’entre elles supposeront que l’Etat saisisse cette volonté de remise en cause de plus de 70 ans d’une construction sociale devenue un lourd handicap.

2. Quelles seraient les principales réformes économiques et fiscales pour lesquelles vous feriez ensuite campagne ?

Le principal problème français, une fois l’imposition du capital pour les personnes physiques redevenue plus raisonnable, c’est la taxation des facteurs de production. Entre les cotisations sociales des employeurs, qui n’ont pas d’équivalent de ce niveau ailleurs, et les taxes sur la production très lourdes comme la CVAE et la CFE, il y a là un frein majeur à la rentabilité et donc à la croissance et à l’embauche pour les entreprises.
Naturellement, dans un Etat en queue de peloton européen pour le déficit public, avec une dette publique qui tangente les 100% du PIB et des prélèvements obligatoires plus élevés qu’ailleurs, la seule solution crédible passe par une réduction drastique de la dépense publique. Pour y parvenir, il ne suffira pas de mieux gérer les activités existantes. Ce n’est pas à la hauteur de l’enjeu, qui dépasse largement les 100 milliards d’euros. Il faut donc repenser le périmètre des activités publiques, et en renvoyer une partie vers le privé.
La question du marché du travail n’est par ailleurs pas épuisée par les ordonnances de l’automne. La frilosité à l’égard du CDI subsistera tant que l’employeur devra justifier les raisons d’une rupture individuelle ou collective de la relation de travail, et surtout tant que le juge aura le pouvoir d’apprécier le bien-fondé de cette justification. Il faudrait pouvoir fixer dans le contrat de travail les conditions d’indemnisation d’une éventuelle rupture ultérieure, sans contestation possible sauf en cas de faute très grave de l’entreprise. La motivation nous est hélas imposée par une convention de l’OIT que peu d’Etats appliquent et qu’il nous faudra dénoncer, mais le pouvoir du juge à ce sujet pourrait déjà être mis en cause. C’est toute l’efficacité du marché du travail qui est en jeu, et paradoxalement la seule manière de faire reculer également la précarité qui frappe certains publics aujourd’hui.

3. Pour l’IREF, le paritarisme et le fameux « dialogue social » (qui, en réalité, est plus un « monologue social » syndical) sont parmi les principaux obstacles aux réformes. Seriez-vous d’accord pour mettre fin – ou, du moins, affaiblir- ce système ?

C’est au cœur de mon projet, dans lequel je fais 55 propositions précises « pour un nouveau pacte social ». C’est indispensable pour réformer notre pays, car l’excédent de dépenses publiques que j’évoque vient pour l’essentiel de notre modèle social, avec des dépenses contraintes bien plus élevées qu’ailleurs, par exemple 6 points de PIB de plus qu’en Allemagne. Or le Medef a une responsabilité majeure dans ces choix sociaux auxquels il participe directement en gérant avec les autres organisations, et sans l’Etat, l’assurance chômage, les retraites complémentaires Agirc-Arrco, une partie de la formation professionnelle, les institutions de prévoyance, le « 1% logement » ou encore la santé au travail. Au total, les partenaires sociaux ont plus de 130 milliards d’euros de budgets sociaux dans les mains ! Et ils les gèrent très mal, avec des déficits colossaux et un conservatisme intrinsèque à leur processus de négociation.
Il faut donc faire le tri dans ces mécanismes entre ce qui peut relever de la solidarité et doit alors être renvoyé à l’Etat et financé par l’impôt, au lieu de cotisations sur les seuls actifs du secteur privé aujourd’hui, et ce qui doit être confié au marché, en devenant facultatif comme chez nos voisins. Ainsi, les retraites complémentaires françaises pèsent très lourd sur le coût du travail dès qu’on s’éloigne du Smic, en particulier pour les TPE/PME.
Enfin, je propose que le Medef et les branches professionnelles refusent désormais tout accord qui serait contraignant pour les entreprises non signataires. Leurs accords et conventions doivent devenir facultatifs, à disposition des entreprises qui souhaitent les appliquer. Mais ne plus s’imposer à elles comme aujourd’hui, y compris au très grand nombre qui n’adhèrent même pas aux organisations signataires et subissent quand même leurs décisions du fait du processus « d’extension » effectué par l’Etat. Il faut libérer les entreprises de ces contraintes. Il est grand temps que le Medef et ses composantes accordent leurs discours demandant plus de libertés à la puissance publique et leurs actes en tant que partenaires sociaux !

Propos recueillis par Nicolas Lecaussin

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Gilles FRAYSSE 25 février 2018 - 11:30

Développement des TPE
Vous ne parlez pas des TPE, ces entreprises de très petites tailles dirigées par des indépendants, qui sont souvent contraintes de ralentir leur croissance compte tenu des charges qui pèsent sur leurs épaules et surtout de l'attitude de tous ces organismes qui se comportent comme des bureaucraties soviétiques (je pèse mes mots !) et n'hésitent pas à vous menacer d'huissiers si vous ne payez pas vos cotisations en temps et en heure même si par la suite, ils doivent vous rembourser pour des prélèvements indus. Je désigne particulièrement La CIPAV, organisme déjà épinglé par la cours des comptes, mais qui ne s'améliore pas ! (D'ailleurs, pourquoi le faire quand on est dans une situation de monopole ?) J'ai demandé à mon comptable s'il était possible de changer, mais c'est impossible, l'Etat lui ayant délégué une mission de service public (mais laquelle ?) qui lui confère le droit de poursuivre ses adhérents … Pourquoi, ne dispose-t-on pas d'un minimum de liberté dans ce pays, et avoir la possibilité de mettre en concurrence des caisses de retraite ? En plus, cela ne coûterait rien à l'Etat …
Je ne suis pas un cas isolé, de nombreux indépendants qui ont de fortes variations d'activités, sont obligés de limiter leur croissance pour éviter les aléas de trésorerie.
Seules certaines START-UP qui sont appuyés par des établissements bancaires peuvent croître jusqu'à un certain seuil au-delà duquel elles quittent ce pays.
Les entreprises adhérentes du MEDEF sont moins confrontées à ses problématiques car leur taille leur permet de négocier avec les banques des facilités de caisse, ou mieux, optimiser fiscalement leurs revenus.
Mais il faut se faire une raison ; nous vivons dans un enfer fiscal. Alors un peu de patience et vivement la retraite !
Excusez ce cri de colère, j'ai récemment payé un chèque de près de 10000 € à cet organisme sans que j'en connaisse réellement le détail.
Cordialement.

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