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Exit tax : l’Etat coupable d’abus de droit

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Pour pouvoir taxer les plus-values des contribuables français quittant le territoire national, la loi française autorise désormais le fisc à établir la base de leurs impôts à la veille de leur départ ! C’est en pure infraction aux principes généraux du droit. C’est un abus de droit.

Depuis juillet dernier, une loi de finances rectificative vient tous les deux mois augmenter la fiscalité. La campagne présidentielle est l’occasion d’une surenchère des candidats pour annoncer de nouvelles hausses d’impôts. Dans ce climat d’incertitude fiscale totale, des Français de plus en plus nombreux envisagent de s’exiler sous des cieux plus sereins et surtout plus pérennes. Mais pour les empêcher de partir à l’étranger, la loi a instauré depuis juillet dernier une nouvelle « exit tax ».

Il s’agit de l’article 48 de la loi du 29 juillet 2011 qui non seulement est entrée en vigueur rétroactivement au 3 mars 2011, en violation de l’article 2 du Code civil, mais de plus a mis en place un mécanisme artificiel pour permettre à l’Etat de taxer aux cotisations sociales des plus values qui ne devraient pas l’être. Le texte prévoit en effet que « Pour l’application du présent article, le transfert hors de France du domicile fiscal d’un contribuable est réputé intervenir le jour précédant celui à compter duquel ce contribuable cesse d’être soumis en France à une obligation fiscale sur l’ensemble de ses revenus ». Les contribuables concernés sont donc censés être encore en France lorsqu’ils réalisent la plus-value de sortie du territoire, ce qui permet à l’Etat de considérer que les conventions fiscales internationales de non double imposition ne s’appliquent pas et que la CSG/RDS, qui ne frappe que les revenus de résidents français, peut aussi s’appliquer à ces plus-values puisque la date de prise en compte de celles-ci est la veille du jour de transfert du domicile et que donc les assujettis sont encore français.

Il s’agit tout simplement d’un abus de droit. Celui-ci est institué par l’article L 64 du Livre des Procédures Fiscales qui énonce : « Afin d’en restituer le véritable caractère, l’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ».

Avec son langage imagé et percutant, le Professeur Maurice Cozian dans son ouvrage Les grands principes de la fiscalité le caractérise ainsi, « l’abus de droit est le châtiment des surdoués de la fiscalité. Bien évidemment, ils ne violent aucune prescription de la loi et se distinguent en cela des vulgaires fraudeurs qui par exemple dissimulent une partie de leurs bénéfices ou déduisent des charges qu’ils n’ont pas supportés. L’abus de droit est un péché non contre la lettre mais contre l’esprit de la loi. C’est également un péché de juriste ; l’abus de droit est une manipulation des mécanismes juridiques là où la loi laisse la place à plusieurs voies pour obtenir un même résultat ; l’abus de droit, c’est l’abus des choix juridiques ».

Or, que fait l’Etat en décidant arbitrairement que le départ à l’étranger a lieu la veille du départ, en inventant une histoire fausse qui lui convient pour pouvoir imposer ce qui différemment serait exonéré ? Il manipule la réalité, il crée de la fiction au seul motif d’alourdir les charges des contribuables. Et dans un tel cas, l’Etat devrait être soumis à la loi commune car à défaut c’est l’état de droit lui-même qui est remis en cause. Certes l’article L 64 du LPF susvisé concerne les contribuables qui cherchent à éluder artificiellement l’impôt, mais l’Etat ne peut pas condamner les citoyens au nom de principes qu’il se permet de bafouer lui-même. La loi et l’esprit de la loi doivent être les mêmes pour tous.

Malheureusement, ce cas d’abus de droit commis par l’Etat n’est pas le seul. Il en est de même lorsque la loi (article 158.7 du CGI) prévoit que certains revenus doivent être imposés à raison de 125% de leur montant, c’est-à-dire lorsqu’elle décide indument de taxer des revenus inexistants. Il en est ainsi par exemple des bénéfices réputés distribués des contribuables français ayant des intérêts (plus de 10%) dans une société étrangère localisée dans un pays dit à fiscalité privilégiée. Il en est de même pour les revenus des professionnels indépendants si leurs comptes n’ont pas fait l’objet d’une certification par un centre de gestion ou un expert comptable. Et malheureusement le Conseil constitutionnel a une fois encore manqué à sa mission tendant à faire respecter l’état de droit en validant les dispositions de l’article 158 .7 susvisé applicables aux professionnels indépendants (Décision n° 2010-16 QPC du 23 juillet 2010).

L’Etat ne saurait être respecté sans respecter lui-même les droits élémentaires des citoyens. Souhaitons que le Conseil constitutionnel soit rapidement saisi de l’exit tax et qu’il ait le courage de rétablir le droit, c’est-à-dire, selon le mot des latins, « id quod justum est », ce qui est juste.

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4 commentaires

Anonyme 17 février 2012 - 9:18

La France pays du droit et de la démocratie ?
On voit bien là avec quel aveuglement hystérique, ces nouvelles lois ont été créées dans l’urgence de rétablir une situation d’endettement qui dure depuis 31 ans par ceux là mêmes qui ont créé cette situation.

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Anonyme 18 février 2012 - 2:35

Evidemment pas la bonne solution!
De Patrick Dubosc

La seule bonne solution est de réduire DRASTIQUEMENT toutes les dépenses publiques, qu’il s’agisse de l’Etat, des collectivités locales, etc. Quand on compare la France avec les USA, l’Allemagne, le Canada, le Danemark, donc des pays qui appliquent des politiques très variées, on est consterné de constater que la France a le plus grand nombre d’élus rapporté au nombre d’habitants, le plus grand nombre de « couches » dans le « millefeuille » administratif (communes, communautés de communes,pays, cantons, départements, régions, état, Europe), le plus d’aides sociales sans contreparties (fournir un peu de travail en faveur de la collectivité qui aide, par exemple), etc.

Taxer, toujours taxer ceux qui travaillent et créent de la richesse…on a déjà dépassé les limites du supportable. Mais nos dirigeants, de tout bord, ne savent pas réduire les dépenses. Et les médias n’y aident pas: quand F. Fillon a annoncé son dernier plan de rigueur, les médias ont appuyé sur « les 13 milliards d’économies »: en fait, 12 milliards d’impôts supplémentaires (par suppression ou réduction de « niches fiscales »)….et un petit milliard de vraies économies, c’est-à-dire…de dépenses en moins. N’importe quelle personne donne ce sens-là à « économies »: dépenser moins…Mais il est évident que les inspecteurs des finances, les énarques, les politiciens, ne parlent pas le langage de « Mr tout-le-monde ».

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Anonyme 20 février 2012 - 7:26

CSG ET COUVERTURE SOCIALE
Bonjour,

je pensais que l’exonération des csg crds était automatique à partir du moment que l’on était assuré social auprès d’une assurance privée étrangère, ce qui est possible à,partir du moment ou l’on séjourne plus de 6 mois à l’étranger tout en restant résident fiscal français (cas des retraités qui séjournent la majorité de l’année à l’étranger et sont assurée à la Caisse des Français de l’Étranger …Caisse d »assurance considérée comme étrangère par la france.

Cordialement

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Anonyme 27 février 2012 - 6:11

L’insécurité fiscale
Un Etat qui perd la confiance de ses citoyens les plus actifs n’en a plus pour longtemps.

Le fisc est devenu une machine à broyer les bonnes volontés qui tentaient de faire de ce pays un lieu prospère.

L’Etat renie ses propres engagements, viole ses propres lois, répand l’injustice comme un volcan sa lave brûlante, avant l’engloutissement général.

Que l’Etat fasse enfin preuve d’éthique, que l’on puisse compter sur sa parole.

Et que l’on instaure d’urgence une flat tax à un taux qui permettra d’accroître les rentrées fiscales au lieu d’en perdre aujourd’hui.

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