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Banque Publique d’Investissement : Intervention du sénateur Pierre Charron

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L’intervention en pleine séance du Sénateur de Paris, M. Charron, sur la création de la BPI (Banque Publique d’Investissement) mérite d’être reproduite in extenso. Il est rare qu’un homme politique fasse preuve d’autant de lucidité et encore plus rare de voir des arguments libéraux invoqués à la tribune du Sénat français.

Proposition de loi relative à la création d’une Banque Publique d’Investissement.

Intervention du Sénateur de Paris, M. Pierre CHARON

Lundi 10 décembre 2012

Monsieur (Madame) le Président,

Monsieur le Ministre,

Mes chers collègues,

La création d’une Banque Publique d’Investissement est censée répondre aux difficultés que rencontrent les entreprises françaises pour trouver des financements.

Avant de détailler les problèmes posés par une telle structure, je tiens à signaler mes chers collègues, qu’il aurait peut-être fallu commencer par ne pas dissuader les investisseurs d’investir leur argent en France en alourdissant la fiscalité sur les revenus du capital. Car si les entreprises ont effectivement besoin de capitaux pour se développer, vous conviendrez qu’il est un peu hasardeux de taxer précisément le carburant de l’activité économique dans notre pays.

Quand on taxe les cigarettes, c’est pour que les gens fument moins. Eh bien quand on taxe l’investissement, les gens investissent moins.

Il faut ensuite déployer des trésors de créativité législative pour essayer de lutter contre les effets néfastes de ce genre de décisions.

Je voudrais maintenant revenir à la réponse supposément apportée par la création de la BPI.

Pour commencer, pourquoi publique ? Si c’est pour faire le travail que font les banques privées, pourquoi alourdir les dépenses de l’État ? Et s’il s’agit (pour reprendre la formule de Jean-Pierre Jouyet), de financer les canards boiteux, c’est alors confondre investissement et charité.

Alourdir la dépense publique, qui pèsera inévitablement sur l’activité, c’est porter atteinte à la compétitivité. Monsieur le ministre, je crains que le choc de compétitivité que vous proposez, se résume à un coup de matraque fiscale, et la création d’un organisme de charité public.

Mes chers collègues, je pense qu’il faut que nous reconnaissions aujourd’hui que l’État n’a pas toujours été le gestionnaire le plus éclairé. Nous avons tous en mémoire le triste exemple du Crédit Lyonnais et de ses 130 milliards de Francs de pertes.

Plus récemment, nous nous souvenons tous des 31 milliards d’Euros de pertes de Dexia, dont la moitié furent à la charge des contribuables, et que trois interventions successives de l’État n’ont pas suffi à sauver.

D’autres chiffres encore, fournis par votre gouvernement, en annexe du Projet de Loi de finances de 2013, dans le rapport relatif à l’État actionnaire, devraient nous inviter à une certaine humilité.

Ainsi, si l’on se réfère au dernier bilan de l’État actionnaire, entre l’été 2011 et l’été 2012, la valeur des sociétés cotées détenues par l’État a reculé de près de 13%. Durant la même période, les entreprises du CAC 40 progressaient de +5%. Soit un différentiel de près de 20%.

Quant aux participations supérieures à 1% que l’État détient dans une cinquantaine de groupes non cotés, les dividendes sont en recul de 2 milliards d’Euros, passant de 7,9 à 5,8 milliards d’Euros.

Devant ce bilan, et dans un contexte économique déjà très fragilisé par les effets de la crise, il est permis de se poser la question de la pertinence du choix d’une banque publique pour assurer la mission de financement des entreprises de demain.

Il est par ailleurs douteux d’imaginer les Présidents de régions intervenir dans 90% des choix des entreprises à soutenir.

Le métier de banquier, c’est l’appréciation du risque, pas l’appréciation politique inspirée par le clientélisme local.

De plus, le texte prévoit que la BPI puisse être à la fois actionnaire et prêteuse.

L’Histoire financière récente a démontré combien ce mélange des genres était dangereux pour une banque.

Les entreprises n’attendent d’ailleurs pas de voir l’État intégrer leur capital. Elles estiment pour la plupart que le Gouvernement ne les aide pas de la bonne manière.

Elles souhaiteraient en réalité renforcer leurs fonds propres par elles-mêmes, ce qui passe par une amélioration de leurs marges, rendue impossible par le tour de vis fiscal imposé dans le budget.

Mes chers collègues, la création de richesse passe effectivement par le dynamisme de nos entreprises. Et il est bien sûr à souhaiter que les initiatives entrepreneuriales se multiplient dans notre pays. En revanche, et il faut l’accepter, toutes les aventures ne sont pas viables, et c’est là tout le métier du banquier que d’évaluer la pertinence de telle ou telle idée sur le marché. Refuser que certaines entreprises disparaissent, c’est faire peser l’échec des unes sur la naissance des autres. Et les bonnes intentions d’une Banque Publique qui financerait tout le monde ne conduiraient malheureusement pas à un succès économique, mais à socialiser les pertes, et privatiser les profits.

Le retour à une croissance forte passera par notre capacité à inciter les Français à investir, et non à les dissuader.

Le retour à une croissance juste passera par l’acceptation des choix stratégiques des agents économiques.

Et surtout, le retour à une croissance saine passera par la transparence et la sobriété de l’utilisation de l’argent public.

Je vous remercie.

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3 commentaires

Anonyme 8 janvier 2013 - 9:16

BPI ? SDR
Banque Publique d’Investissement ! le remède miracle pour l’économie française ? Ou une pale copie utopique des SDR des années 1960/1970 ! Presque toutes en faillites….. ( société de développement régionale )

L’évidence saute aux yeux : ce programme économique a été conçu par des élus qui n’ont jamais mis les pieds dans une entreprise. Son application ne remédierait pas à la principale faiblesse de notre pays : l’excès de ses dépenses publiques, qui oblige à surcharger ses entreprises d’impôts et de cotisations sociales, à accabler les citoyens de taxes et de lourds prélèvements et d’impôts spoliateurs.

Qui sème le vent récolte la tempête. Voici, en un bref énoncé, comment en 2013 le vent de la ruine générale souffle dans une opération aussi folle : dépenses publiques avec impôts à l’appui, endettement supplémentaire, vanité des projets où l’argent disparaît sans espoir de récupération

Les expériences du passé doivent éclairer nos actions. Dans le respect de la liberté qui n’a pour limite que la liberté des autres.

C’est vrai que la création de la BPI fait partie du folklore politique et n’a aucune utilité.


Avant la découverte de la catastrophe ; Dexia les avertissements n’ont pas manqué ; les responsabilités sont innombrables : luxe et nombre des administrateurs, représentants des collectivités, Caisse des Dépôts et Consignations, ministères. Les barbichettes se sont tenues les unes avec les autres.

DEXIA nous renvoie comme dans un miroir les défauts de l’économie administrée : gâchis des interventions publiques dans le domaine économique, irresponsabilité générale, folie des grandeurs, légèreté dans le choix des investissements, course absurde vers l’étranger lointain et dangereux.

Il ne faut surtout pas recommencer ; or c’est ce que fait le pouvoir provisoirement en place. Il vient de créer la banque publique d’investissement ou BPI qui double plusieurs organismes déjà existants et les élus salivent à l’avance. Un nouveau futur scandale s’annonce.

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Anonyme 8 janvier 2013 - 10:39

sociale démocratie
Voila une notion plébiscitée qui pourtant recèle une ambiguïté fondamentale.

Démocratie : donc confiance dans des individus citoyens capables de mener leur destin politique. Et aussi leur destin économique.. par le seul chemin viable possible l’entreprise !

Social: donc souci des autres qui en certaines circonstances suppose une aide des plus démunis.

Pourquoi ce souci de chacun devrait-il remonter à la tête de la nation ? et figurer en exergue d’une politique ? Parce que ça fait bien, que ça décharge l’individu de ce souci des autres, et que ça permet la mise en place d’un système de redistribution donc de prébendes dont l’économie administrée est l’exemple.

Cela échoue, (en temps de paix) parce que le social singe la vraie démocratie économique.

La BPI est un bon exemple de cette confusion : des énarques qui n’ont jamais entrepris prétendent faire le métier de banquier sans en assumer les risques.

Il est vrai que cette confusion intellectuelle est également exploitée par la banque privée prompte à attendre de l’Etat sa survie lorsque les risques pris deviennent insupportables.

A quand la lucidité indispensable en démocratie pour sortir de cette confusion où s’enfonce notre pays.

Popaul

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Anonyme 8 janvier 2013 - 12:11

L’intervention du Sénateur Pierre Charron
Je ne suis pas un economiste distingué, mais je comprends ce que vous écrivez car je maîtrise assez bien la langue française.

J’adore, par exemple, lire des phrases frappées au coin du bon sens, telles par exemple que :

« Quand on taxe les cigarettes, c’est pour que les gens fument moins. Eh bien quand on taxe l’investissement, les gens investissent moins. »

« Il est par ailleurs douteux d’imaginer les Présidents de régions intervenir dans 90% des choix des entreprises à soutenir.

Le métier de banquier, c’est l’appréciation du risque, pas l’appréciation politique inspirée par le clientélisme local. »

« Refuser que certaines entreprises disparaissent, c’est faire peser l’échec des unes sur la naissance des autres. Et les bonnes intentions d’une Banque Publique qui financerait tout le monde ne conduiraient malheureusement pas à un succès économique, mais à socialiser les pertes, et privatiser les profits. »

À la suite de quoi, la conclusion du Sénateur, en 3 paragraphes est évidente.

Mark

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