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32 heures : Mme Taubira n’a rien compris au monde du travail

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Diversification des contrats, porosité entre vie privée et vie professionnelle, entrepreneuriat individuel, ou encore travail indépendant caractérisent aujourd’hui notre marché du travail. En fait, la révolution numérique sonne la fin de l’emploi unique et modifie en profondeur la structure du marché du travail. Cette réalité semble échapper à certains hommes ou femmes politique à en croire les propos récents de Christiane Taubira sur la semaine à 32 heures pour partager le stock de temps de travail de l’ensemble du pays pour favoriser l’emploi.
Le vieux remède de la baisse du temps de travail pour diminuer le chômage ! Pourtant, cet argument repose sur des idées fausses, qui malheureusement ont la vie dure.

Trois arguments viennent contredire cette vision statique du marché du travail, où les travailleurs seraient parfaitement interchangeables, tels des pions sur un plateau de jeu : le premier est purement technique et relève de la complexité de la mise en place de telles mesures, le deuxième est empirique, et enfin le troisième, nous l’avons déjà évoqué en introduction, est d’ordre technologique.

C’est le carnet de commandes qui décide les besoins d’une entreprise

Premièrement, plusieurs conditions doivent être réunies pour qu’une telle mesure ait les effets positifs escomptés. D’abord, il faut que l’augmentation de la productivité du travail soit au moins proportionnelle à la baisse du temps de travail, autrement, c’est le pouvoir d’achat qui à long terme en pâtira (la baisse du temps de travail est généralement accompagnée d’une rigidité à la hausse tout comme à la baisse des salaires). Ensuite, ce genre de mesure impose que l’excès d’offre concerne toutes les qualifications. Sinon, des emplois ne pourraient être pourvus faute d’un manque de main d’œuvre. Enfin, cela serait faisable à la condition que « le niveau de l’emploi soit essentiellement déterminé par la demande de travail. »[[Voir Bennassy-Quéré et al., Politique Economique, de Boeck, 2012, p. 745.]] Or, ce sont d’abord les carnets de commande qui déterminent les besoins des entreprises.

A l’IREF, nous avons montré que le chômage dit structurel, qui n’est pas lié à la mauvaise santé de l’économie mais plutôt à la façon dont le marché du travail est organisé, est bien plus élevé en France qu’ailleurs en Europe. On voit donc que les frictions sur ce marché ainsi que l’efficacité du processus d’appariement, le taux de destruction d’emploi, l’effort consenti pour la recherche d’un emploi, la productivité ou encore le taux d’intérêt sont des facteurs importants du bon fonctionnement du marché du travail. Nous sommes loin de la seule mécanique comptable de la baisse du temps de travail.

La baisse du temps de travail n’a aucun effet sur l’emploi

Deuxièmement, les études empiriques montrent le contraire de ce que les défenseurs de ce projet voudraient bien croire. Pierre Cahuc et André Zylberberg[[Les Ennemis de l’emploi: Le chômage, fatalité ou nécessité ?, Édition Kindle, 2015.]] prennent trois exemples où des études empiriques ont été menées après l’instauration de mesures visant à réduire la durée du temps de travail ; au Québec, en Allemagne et en France. Et toutes arrivent aux mêmes conclusions. Au Québec, où le temps de travail a diminué jusqu’à 20 %, aucun effet bénéfique sur l’emploi n’a été relevé. Pour les études concernant les 35 heures, deux études viennent contredire les conclusions selon lesquelles les lois de Robien et Aubry auraient permis la création de 350 000 emplois. Notamment, en Alsace-Moselle où le temps de travail a diminué plus fortement (de 20 minutes) que dans les autres départements – dû à des jours fériés comptabilisés comme baisse effective du temps de travail , l’emploi n’y a pas été favorisé pour autant. On observe qu’il n’y a pas de corrélation entre temps de travail et taux de chômage. Ni la Corée du Sud, ni la Suisse n’aient plongé dans un chômage de masse, alors même que l’on voit dans ces deux pays un volume horaire annuel supérieur à la moyenne des pays de l’OCDE. Ces deux pays ont conservé des taux d’emploi élevés et des taux de chômage proche du plein emploi.

En Corée, on travaille beaucoup plus qu’ailleurs et le chômage est très bas

Troisièmement, on peut noter qu’il n’existe pas de corrélation entre la robotisation de notre économie et le taux de chômage. Pourtant, c’est l’un des arguments en faveur de la baisse du temps de travail. La révolution numérique est accusée de détruire plus d’emplois qu’elle n’en crée, par les gains de productivité qu’elle engendre. Or, si la France n’a clairement pas atteint un équilibre de plein emploi, le numérique n’en est pas la cause. Et réduire le nombre d’heures travaillées est encore moins la solution miracle. La Corée, où le nombre d’heures travaillées est l’un des plus élevés parmi les pays de l’OCDE est aussi un pays où l’automatisation prend une part importante dans les processus de production, tout comme la Suisse ou l’Allemagne. Pourtant, les taux d’emploi et de chômage de ces pays indiquent plutôt que leur marché de l’emploi s’est adapté à cette automatisation. Contrairement à la France, qui peine à sortir plus d’un million de personnes du chômage de longue durée.

En réalité, les emplois peuvent apparaitre et disparaitre très rapidement. Selon les deux économistes Cahuc et Zylberberg chaque jour en France 10 000 emplois disparaissent, mais 10 000 autres sont créés dans des secteurs différents. Cette dynamique rend impossible la mise en place du partage du marché du travail, car cela présupposerait que chaque travailleur est substituable à un autre. Ce raisonnement n’est pertinent ni du point de vue de l’économiste pour des raisons macroéconomiques, ni du point de vue du géographe. D’abord parce que le marché du travail ne constitue en rien un ‘stock’ comme le seraient les réserves d’un supermarché dans lesquelles nous pourrions piocher pour satisfaire l’offre d’emploi. Ensuite parce que les contraintes géographiques d’une personne à la recherche d’un travail bloquent une partie des ajustements entre l’offre et la demande de travail.

Si la transition numérique pose en effet de nombreux défis de court terme en matière d’emploi, ces problèmes sont avant tout liés à la compétence, où les besoins des entreprises divergent de l’offre d’emploi. On ne sait pas ce que seront les emplois de demain. En revanche, tout porte à croire que l’homogénéisation d’un marché du travail où toutes les entreprises seraient logées à la même enseigne va à l’encontre de la nouvelle réalité du marché du travail : individualisé et flexible. Pour ne donner qu’un exemple, qui se soucie, dans une start-up du temps de travail ? A peu près personne, car c’est la volonté de mettre en œuvre un projet dans une économie collaborative qui compte avant tout.

Vouloir imposer les 32 heures, c’est en réalité admettre ses échecs dans toutes les politiques économiques et sociales mises en œuvre pour favoriser l’emploi. C’est aussi ignorer celles qui pourraient être efficaces : l’appui à la création d’entreprise, mettre fin aux rentes et favoriser la concurrence sur le marché des biens et services, accompagner la mobilité géographique, ou flexibiliser le marché du travail. Ni l’économie ni l’emploi ne sont des gâteaux qu’on partage, mais des gâteaux dont nous sommes les pâtissiers. Le travail induit la richesse qui produit du travail… Peut-être que le vrai problème est que les Français ne veulent plus travailler parce qu’on leur fait croire qu’ils peuvent s’en passer, que l’Etat s’occupera d’eux. De telles illusions ne peuvent pas durer longtemps.

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5 commentaires

JOOS 22 juin 2015 - 8:52

réduction du temps de travail
je ne pense pas que les patrons soient contre la réduction du temps de travail.
à condition que l'employé accepte une diminution de rénumération correspondante.
ce qui loin d'être acquis , dès lors des emplois pourront être créées pour compenser.

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jmpbea 22 juin 2015 - 1:59

Mais elle a fort bien compris!!!
Elle est seulement entrain de "mécaniser" Hollande qui,lui, tente désespérément de se tenir en équilibre entre la gôôôche et le centre libéral en lui glissant des peaux de bananes (mon Dieu! qu'ai-je-.dit!!!!) sous les pantoufles…..elle se prend, entre autres, pour un homme de bien americain(I have a dream) dont elle est très loin …..

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theano 22 juin 2015 - 5:16

Mme Taubira
Elle rêve des 32 heures, moi je rêve de son départ, de préférence vers la planète Mars. Chacun ses rêves!

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Bernard ROLET 24 juin 2015 - 5:31

Les effets pervers de la diminution abusive de la durée hebdomadaire du travail.
Non seulement la réduction générale du temps de travail, par la voie législative, n'a jamais enrayé la montée du chômage mais j'ai constaté, dans ma vie professionnelle passée, qu'elle contribuait à l'augmenter. Les seuls créateurs d'emplois productifs sont les entreprises et il est essentiel que toute remontée, même faible, de leurs carnets de commandes respectifs leur permette, dans un premier temps d'y faire face avec les effectifs existants pour accumuler des moyens financiers, mêmes réduits", leur permettant ensuite de relancer une vraie politique de développement qui comportera, naturellement, de nouvelles embauches.

C'est donc à cette échelon, ou à celui des groupements professionnels du secteur considéré, que doit se négocier la durée hebdomadaire du travail. Une énorme majorité des personnels concernés est d'ailleurs systématiquement d'accord pour travailler avantage, en étant correctement rémunérée pour cela, dès qu'elle se rend compte qu'elle participe ainsi au sauvetage du tissus industriel et à son redéploiement. Seuls les syndicats contestataires, comme la CGT et leurs imitateurs, asservis à leur idéologie marxiste de destruction des structures capitalistes, s'avèrent radicalement contre et c'est pitié de voir nos pouvoirs publics interpréter ces délires comme exprimant "la volonté des travailleurs".

Il faut également supprimer toute obligation légale, pour les entreprises, de se séparer prématurément de leurs travailleurs seniors expérimentés, lorsqu'elles en ont besoin,
en établissant par la loi d'un âge légal uniforme de la retraite beaucoup top bas.

Rappelons à ce propos que le Président des Etats Unis Ronald Reagan, alerté par ses services sur une baisse de rentabilité des fonds de pension, uniquement due à l'augmentation de la durée de vie moyenne de la population, a résolu le problème en supprimant la durée légale hebdomadaire du travail et l'âge légal de la retraite. Et il ne semble pas que les américains s'en soient porté plus mal!

Bernard ROLET

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FLEUR 25 juin 2015 - 6:48

Les 32 heures de Mme Taubira
Je propose, si cela n'est pas encore fait, d'adresser cette très belle étude à Mme Taubira en recommandé avec A.C. pour quelle arrête de raconter des bêtises ! ! !
De grâce, qu'on cesse de nommer au gouvernement des gens aussi ignorants des problèmes économiques !
enfin de quoi ce mêle-t-elle ? la "Justice" ne lui suffit pas ?

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