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Le compte personnel de formation : vers un système de « vouchers » ?

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Doter chaque salarié d’un titre de crédit-formation personnel et transférable : cette bonne idée pourrait cependant ne pas résister à la tentation de limiter la concurrence entre organismes de formation pour renforcer le rôle de l’AFPA. C’est ce que craint Sylvain Charat, chercheur à l’IREF.

Le compte personnel de formation est l’une des mesures les plus intéressantes de la réforme de la formation professionnelle annoncée le 4 mars à Blois par le Président François Hollande. Pour la première fois, le principe du « voucher » serait utilisé par les salariés et chômeurs français pour faire usage de l’argent public. Cependant, la manière dont la mesure sera probablement appliquée est plus douteuse, car elle risque de diminuer le libre choix des bénéficiaires.

Comment fonctionne le compte personnel de formation ? Laissons François Hollande l’expliquer : « chaque salarié désormais, quels que soient son entreprise, son statut, son âge, son niveau de qualification, disposera d’un droit d’au moins vingt heures par an pour se former, c’est-à-dire accumulera des droits à la formation. S’il change d’entreprise, il repart avec ses droits, ils ne disparaissent pas. S’il devient chômeur, il a accumulé un certain nombre de droits, il peut accéder à une formation. » Selon l’accord du 11 janvier dernier, ce compte possèdera un capital plafonné à 120 heures disponible chaque année. Les salariés et les chômeurs peuvent utiliser leur compte durant toute leur vie professionnelle et dans le centre de formation de leur choix, du moment qu’il est certifié. En conséquence, « l’argent suit le travailleur » ce qui est la même logique que les « vouchers » ou chèques éducation en Suède. Environ 32 millions de français pourraient bénéficier de ce compte.

Deux problèmes de taille : les coûts et le rôle de l’Etat

Dans un premier temps, il existe des incertitudes sur le coût réel de cette mesure. Le secteur de la formation professionnelle représente 32 milliards d’euros. Il est prévu que, nonobstant le compte personnel de formation, les dépenses de formation professionnelle ne dépassent pas de manière significative leur niveau actuel. Mais dans un contexte exceptionnel de crise, où le chômage est à un niveau jamais atteint depuis 16 ans, plus de travailleurs choisiront certainement de renforcer leurs compétences ou d’en acquérir de nouvelles pour procéder à un changement de carrière et saisir de nouvelles opportunités. On pourrait donc assister à un accroissement de 30 ou 50% des dépenses de formation professionnelle, ce qui n’est pas prévu. Mais le gouvernement semble conscient de ce risque.

C’est peut-être pour cela que, dans un second temps, le compte personnel de formation entrera probablement en vigueur dans un contexte fortement contrôlé par l’Etat. S’il y a un seul organisme public de formation professionnelle, l’association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), il existe 55.000 organismes privés : c’est trop pour François Hollande. Le Président déclare qu’il faut « un peu d’ordre dans tous les organismes de formation. Il y en a d’excellents, il y a de bons et il y en a de moins bons. 55.000 aujourd’hui. Est-ce que c’est raisonnable d’avoir 55.000 organismes de formation ? Nous devons recentrer le système sur moins d’organismes et exiger plus de qualité. Il y aura donc un véritable système de certification comme on en demande pour les entreprises, de validation, d’évaluation pour que l’efficacité. » La stratégie est donc de réduire au maximum la concurrence pour établir l’AFPA dans une position hégémonique.

D’ailleurs l’AFPA vient d’être renflouée par le gouvernement, qui prévoit un plan de financement de 430 millions d’euros sur les quatre années à venir pour que l’association puisse renforcer et diversifier son offre de formation. Le gouvernement aura soin de diriger les personnes désireuses de se former vers les centres de l’AFPA. Dans ce cas, la réduction de la concurrence à l’AFPA, et donc du nombre de places disponibles pour les formations, serait la meilleure manière de maintenir les dépenses dans le budget prévu. Mais alors, le choix diminuant, les avantages que présente le compte personnel de formation ne serviraient plus à grand-chose. Le projet de loi est pour bientôt, l’affaire est à suivre.

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